1905.03.05.De H. Sollinel.Le Havre

Retranscription


5 mars 1905
55, boulevard de Strasbourg
Le Havre

Chers Messieurs,
J'ai eu hier à la visite de M. Ev. Le Magnen de Dieppe.
J'ai appris par lui que M. Guian vous a demandé pour mardi prochain un rendez-vous pour lui et son notaire. Il paraît qu'il compte absolument que vous lui ferez une offre pour l'affaire steamers et a compris que vous le lui promettiez. Je n'ai pas caché à M. Le Magnen que je vous avais trouvés encore extrêmement hésitants à cet égard.
J'ai causé longuement de la situation avec M. Le Magnen et examiné tous les chiffres qui m'a donnés. Il m'a paru voir les choses telles qu'elles sont, sans illusions, et je crois vraiment avec lui qu'il serait fâcheux de laisser tomber une petite affaire qui ne sera jamais brillante mais qui aura des éléments de vie suffisants lorsqu'elle sera réorganisée et assurée d'une direction qui lui a manqué complètement dans les dernières années de M. Charlemaine. La nécessité de vendre du charbon à la Compagnie de l'Ouest, nécessité qui est une des bases de l'affaire et qui vous répugne un peu, change d'aspect lorsqu'on considère que cette vente n'est qu'une subvention déguisée que la Compagnie de l'Ouest ne peut retirer sous peine de renier la ligne et de perdre au profit de la Compagnie du Nord le trafic plus important comme recettes pour elle que pour la ligne même, que celle-ci attire sur ses rails.
En résumé, ce que M. Guian compte vous demander c'est une offre d'achat des trois bateaux et du matériel de Dieppe, il ne s'attend à rien du tout pour le prix de la ligne. Il sait même qu'il aura à subir une très forte perte sur la valeur d'inventaire des bateaux et du matériel en question, qui sont sur ses livres pour 327 000 F. Le tout est de savoir ce que cela vaut. Il y a deux bateaux qui seront à vendre tout de suite pour ce qu'on en pourra trouver et à remplacer par un seul pour faire le service à deux bateaux, plus modernes, au lieu de trois dont deux vieux et avec une sérieuse économie d'exploitation par conséquent. J'estime que si vous payez ce matériel total 175 000 F, ce qui, après les renouvellements nécessaires, vous entraînerait à mettre dans l'affaire un capital de 275 à 300 000 F, vous ne courrez pas grand risque et vous aurez au contraire de bonnes chances de retirer de votre capital un intérêt d'environ 10 %. Dans ces conditions, je serais assez disposé à partager avec M. Le Magnen, qui vous le savez, est un homme très pondéré et de grand jugement et dont la situation de président de la Chambre de commerce de Dieppe offre à l'affaire bien des appuis solides, la responsabilité de vous conseiller l'affaire.
Je vous envoie en hâte cette conclusion résumée avant que vous ne voyez M. Guian, pour le cas où elle pourrait en principe modifier l'accueil que vous lui réservez ou pour que vous puissiez au besoin, si vous jugez nécessaire d'en causer auparavant avec moi et / ou avec M. Le Magnen, de reculer le rendez-vous que vous avez accepté de M. Guian. Je pourrai en effet difficilement aller à Paris avant mercredi ou jeudi et si vous donniez suite à l'affaire et que vous désiriez des détails, il serait difficile de vous les fournir par téléphone.
Recevez, cher Monsieur, l'expression de mes sentiments bien dévoués.

H. Sollinel

Vous savez sans doute que l'affaire de Dieppe comporte un petit bureau à Paris qui pourrait très bien se fondre dans notre bureau de la cité Rougemont et apporter à celui-ci des éléments de relations et de développement mutuel.

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