1899.12.04.A Gaston Thomson.Paris

Retranscription

4 décembre 1899
M. Gaston Thomson
Député
72, rue Ampère - Paris

Mon Cher Député,
Je vous ai dit un mot l'autre soir de quelque chose qui se passe à Alger et je viens maintenant vous raconter ce dont il s'agit.
Quelques armateurs de Hambourg et Brème dont pour au moins certains d'entre eux les navires touchent toujours à Alger, ont eu l'idée d'essayer d'y faire un dépôt de charbon à eux. La personne qui les représente à Alger et que je soupçonne d'ailleurs d'avoir été l'instigateur de cette idée, fait en ce moment des démarches auprès des autorités pour obtenir un terrain et toutes les facilités dont il peut avoir besoin pour la réalisation du projet en faisant miroiter des chiffres et des espérances aussi fantastiques qu'inexactes.
La situation est bien simple et vous la connaissez vu que vous vous rappellerez que je suis venu vous trouver quand il y a 8 ans nous avons voulu établir un dépôt de charbon à Alger ; les armateurs anglais et autres qui ne trouvent dans ce port que des installations insuffisantes nous pressaient d'aller nous y établir et j'étais assuré qu'une fois dans la place et avec l'organisation que nous avons un peu partout, nous ne tarderions pas à faire d'Alger un des grands ports charbonniers de la Méditerranée. Je crois que nous avons réalisé  toutes les espérances que j'avais fait valoir auprès de vous. Gibraltar et Malte ont été dépossédés d'une grosse partie de leurs affaires et nous avons apporté à notre colonie un mouvement de navires, un mouvement de passagers et même de marchandises, dont il nous semble qu'on peut nous tenir un certain compte aujourd'hui, quand je dis nous, il ne s'agit pas seulement de ma Maison qui y a été cependant pour la plus grosse part, mais je ne veux pas oublier nos voisins actuels qui y ont également contribué. Le résultat a été obtenu par toutes les facilités et tous les avantages de prix et de temps que nous avons offerts aux armateurs et qu'ils n'ont pas été long à apprécier.
Or, aujourd'hui que nous avons semé, il y a quelqu'un qui voudrait bien avoir sa part de la récolte et qui pour cela cherche à faire croire qu'il y aurait plus à faire que ce que nous avons fait. Je tiens à vous détromper et je voudrais beaucoup que vous m'aidiez à détromper ceux qui tiennent entre leurs mains la clef de la situation. Tous les navires allemands qui font partie de la combinaison en question ou viennent déjà, ou viendront à Alger, soit chez l'un soit chez l'autre, attirés par les avantages du port et par la remarquable organisation que tous nous leur offrons. La colonie ne verrait pas pour cela une tonne de charbon, une tonne de marchandises ou un passager de plus. Seulement, si on encourage les armateurs dans cette voie-là, on risque de susciter dix, quinze demandes du même genre de la part d'autres armateurs qui seraient peut-être tentés de faire la même chose, ce qu'on aurait accordé à l'un on ne pourrait le refuser à l'autre et on ne tarderait pas à voir ce que seraient, pour le port d'Alger l'encombrement et les complications d'un pareil système. Enfin, on porterait un grave préjudice aux anciennes Maisons déjà établies qui ont fait d'Alger, comme escale de charbon, la merveilleuse station qu'elle est aujourd'hui, et qui, alors qu'elles sont elles-mêmes absolument à l'étroit pour leurs opérations et ne peuvent pas obtenir la moitié des emplacements et la moitié du matériel que celles-ci comportent, verraient attribuer à un nouveau venu, sans aucun intérêt pour la colonie, des facilités qu'elles ne cessent de réclamer en n'obtenant pour réponse qu'un "non possumus" basé sur l'insuffisance actuelle du port d'Alger.

H. Goudchaux

Retour aux archives de 1899