1893.07.24.De A. E. Monod - Worms Josse et Cie Marseille

NB : La copie image de ce document de très mauvaise qualité n'a pas été conservée. 

24 juillet 1893
MM. Worms Josse & Cie
Paris

Messieurs,
Nous vous confirmons notre lettre du 22 courant, croisée avec la vôtre du même jour, dont le contenu est noté avec remerciements.
Nous avons le regret de vous informer que nous avons été joués par le capitaine du ‘'[Turenne]'. Quel a été son mobile ? À quelles influences a-t-il obéi ? C'est ce que nous finirons sans doute par découvrir. Surtout si vous voulez bien nous y aider.
Ainsi que nous vous l'avions dit, le capitaine, dès son arrivée, a été extrêmement cordial et gracieux. Il nous a exprimé ses regrets de nous avoir fait défection lors de son précédent voyage ; nous a déclaré qu'il s'en était d'autant plus repenti qu'il avait été horriblement mal servi, ainsi que le constatait le rapport adressé par son chef mécanicien à l'ingénieur de la compagnie, M. Simon ; enfin, nous a promis que nous pouvions compter sur sa commande.
Quelques jours après... changement d'attitude : hésitations, tergiversations, finalement refus de nous donner un ordre ferme par crainte de se compromettre sans une autorisation de ses armateurs, mais toujours désir apparent de traiter avec nous. C'est alors que nous vous avons télégraphié. Nous ne doutions pas que votre réponse fût de nature à lever tous scrupules et toutes difficultés, lorsqu'à notre grand désappointement, nous avons trouvé ce matin le capitaine absolument décidé à s'adresser à MM. [M. P.], ce qu'il a fait, malgré nos protestations et pressantes instances, malgré l'avis de son chef mécanicien qui ne comprenait pas que son rapport, si défavorable, fut écarté de la sorte.
Pour s'excuser auprès de nous et tâcher d'expliquer son revirement, le capitaine a mis en avant divers prétextes :
1. Au dernier voyage, ses armateurs lui avaient donné ordre d'aller chez [M. P.] ; ils n'avaient pas depuis lors révoqué cet ordre, et, dans ces conditions, il ne lui était pas possible de prendre sur lui de risquer de les mécontenter.
2. Il avait eu des difficultés avec notre maison du Havre et craignait que cela ne fût à recommencer.
3. Le représentant à Marseille de ses armateurs ne nous était pas sympathique et a fait probablement agir sur eux pour nous écarter.
Etc., etc.
Le premier et le deuxième prétextes invoqués n'ont aucune valeur dans l'espèce. Le troisième pourrait être plus sérieux. Car nous savons que M. le [capitaine de Lallement] n'était autrefois pas très bien porté pour notre maison de Marseille. Cependant, comme c'est un ami personnel de l'écrivain, qu'il lui a exprimé toute sa sympathie et tout son contentement lors de sa prise de direction, qu'il lui a affirmé sur l'honneur qu'il n'était pour rien dans la décision du capitaine ; qu'il se désintéressait absolument de la question charbon, source pour lui de trop d'ennuis dans le passé, etc., etc., nous aurions un peu de peine à croire à une action directe de sa part.
Mais alors, quoi ?
On nous dit que M. [S.], l'ingénieur de MM. [M. P.] est venu à Marseille quelque temps avant la défection de ses capitaines - qu'il est très sensible à certaines attentions - que MM. [M. P.] qu'il a beaucoup vus les lui ont prodiguées dans le présent et pour l'avenir - qu'enfin, ce serait peut-être avec ce personnage qu'il faudrait s'aboucher et s'entendre pour avoir quelque chance de regagner la clientèle perdue.
Nos vous donnons le renseignement, qui est peut-être un racontar, pour ce qu'il vaut. Vous en tirerez les conclusions et en ferez le profit que vous jugerez utile.
Veuillez agréer, Messieurs, nos salutations très distinguées.

A. Monod

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