1857.09.28.A M. Revoltella.Trieste.Extrait

Origine : Copies de lettres à la presse n°102 - du 23 septembre 1857 au 17 octobre 1857

Paris, le 28 septembre 1857
Monsieur Revoltella (de Trieste)
En ville

Monsieur,
J'ai eu l'honneur de vous exposer de vive voix mon désir de me voir confier par le Lloyd autrichien le soin de son approvisionnement en charbons anglais dans toutes ses stations. Et, à l'appui de ma démarche, je suis entré dans des détails que vous avez écoutés avec bienveillance. Je prends la liberté de vous les retracer ici par écrit, ainsi que vous avez bien voulu m'y autoriser.
Mes titres à la confiance du Lloyd sont ceux-ci :
Bien que le siège principal de ma Maison soit à Paris, ma Maison est aussi établie en Angleterre, à Newcastle depuis 1848 et à Cardiff depuis 1850. Elle s'occupe exclusivement du commerce des charbons de terre et de l'affrètement des navires. Mon exportation annuelle dépasse 400 000 tonnes.
J'ai fourni à la Marine du gouvernement français des quantités considérables de charbon dans nos ports militaires, et presque exclusivement les charbons pour nos flottes dans la guerre de Crimée.
Enfin, depuis octobre 1851, date où a commencé son service maritime, la Compagnie des Messageries impériales a bien voulu me confier exclusivement le soin de son approvisionnement dans toutes ses stations de la Méditerranée et du Levant.
Obligé au contraire par mon propre intérêt, celui de mon commerce personnel, de n'acheter que les meilleurs charbons, et d'affréter au plus bas prix possible, j'agis par moi-même ou par mes maisons aux lieux d'embarquement.
Je contracte exclusivement avec les mines les plus réputées, et je lutte moi-même contre les courtiers de navires, enclins par position et intérêt personnel à faire payer le fret le plus élevé possible. Contrairement à ces courtiers, mon intérêt se trouve donc lié étroitement avec ceux de mes commettants.
Deux modes se présentent de fournir aux grandes Compagnies le charbon nécessaire à leur service :
1°) Fourniture à prix ferme ou forfait, charbon rendu [page 2] aux stations sous palan.
2°) à commission, c'est-à-dire charbon livré à bord en Angleterre, fret suivant les ordres et au mieux des intérêts de la Compagnie qui donne ces ordres.
Le premier mode a l'avantage d'assurer un prix fixe à la Compagnie. Mais aussi, ou le fournisseur réalisera des bénéfices considérables aux dépens de la Compagnie, ou il court risque de se ruiner, et alors il peut discontinuer brusquement son service. En 1853, les frets ont subi une hausse énorme et subite, et j'ai perdu avec les Messageries une somme considérable.
Éclairés par l'expérience, cette Compagnie et moi avons renoncé au système de fourniture à forfait, et, depuis ce temps, je n'agis plus qu'à titre de commissionnaire.
[...]
Il me reste à parler des propriétaires de mines, qui aussi se mettent sur les rangs.
Leur seul but est d'écouler le plus de charbon possible et, au besoin, ils vendront 3 ou 6 pence la tonne meilleur marché que moi ou autre maison d'exportation. Mais la question du fret n'est rien pour eux et ils paieraient aussi bien 1 ou 2 shillings de plus par tonne pour s'assurer des navires qui enlèvent le charbon et dégagent leurs mines. C'est en payant ainsi plus cher qu'ils décident un capitaine à attendre 15 jours ou trois semaines le tour d'embarquement.
Mon rôle est tout autre. J'ai besoin, comme je l'ai dit, dans l'intérêt de mon commerce, d'obtenir les frets en baisse. Je lutte contre les capitaines et les courtiers, et, lié par contrats majeurs avec les meilleures mines, je puis assurer aux capitaines un prompt embarquement. Quand une mine ne peut pas livrer, je charge à une autre et, ainsi, j'obtiens à l'affrètement des conditions plus avantageuses que les mineurs ne peuvent ou ne savent le faire.
Résumant enfin toutes ces explications, que j'ai crû devoir fournir, voici ce que je proposerais à la direction du Lloyd autrichien :
Sauf une partie quelconque de son approvisionnement, pour lequel elle voudrait peut-être essayer de traiter à forfait, je demanderais à traiter à commission. Je fournirais un charbon fob en Angleterre aux prix et conditions auxquels je traite moi-même avec les mineurs. Mes Maisons d'Angleterre affréteraient elles-mêmes sur les lieux les navires nécessaires.
Elles surveilleraient, sur les lieux, l'embarquement des charbons, feraient aux capitaines les avances nécessaires sur leur fret. En un mot, elles soigneraient par elles-mêmes tous les détails de l'opération.
J'aviserais à la Compagnie mes affrètements pour son compte.
[...]

Retour aux archives de 1857