1851.07.04.A P. Durand et Cie.Constantinople

Origine : Copie de lettres à la presse n°23 - du 10 juillet 1851 au 22 août 1851 -
page 49 et suivantes

Paris, le 4 juillet 1851
Messieurs P. Durand & Cie
Constantinople

A son retour de votre ville, Monsieur Ed. Pannifex m'a entretenu des affaires en charbons anglais possibles dans ce port, et m'a vivement engagé à m'adresser à votre Maison, comme la mieux placée pour mener ces affaires à bonne fin. Je suis tout disposé à commencer immédiatement ces rapports, si cela peut de même entrer dans vos convenances, ce que j'apprendrai avec plaisir.
L'importance de mon commerce de charbon anglais avec la France m'a décidé à établir une Maison à Newcastle, sous mon propre nom, et un agent à Cardiff. Je puis en conséquence, pour les charbons et pour les frets, traiter ces opérations aussi bien qu'une maison anglaise, n'ayant d'ailleurs pas à faire prévaloir les produits de telle ou telle mine.
De mes entretiens avec M. Pannifex, il résulte que pour opérer d'une manière certaine, et évitant les lenteurs de la correspondance, il faudrait vous mettre à même de saisir, sans avoir besoin de m'en référer, toute occasion de ventes ou marchés qui se présenteraient sur votre place ou pour les autres ports dépendant de l'Empire ottoman.
Dans ce but, et suivant les indications de M. Pannifex, je vous autorise, par la présente lettre, à vendre, pour mon compte, soit en charbon Cardiff, soit en charbon de Newcastle, première qualité des deux provenances, toutes les qualités que vous trouverez à placer, jusqu'à concurrence de mille tonnes par mois en Cardiff, et deux mille tonnes par mois en Newcastle.
Aux conditions suivantes :
Les charbons que j'entends vendre et livrer sont ceux que l'on appelle en Angleterre "Steam Coal Large Coals". Les chargements seraient acceptés par l'acheteur tels quels, c'est-à-dire, sans criblage ni rebuts de menus.
Les prix de vente, que je vais vous fixer, seront entendus sous vergues, c'est-à-dire tout frais de déchargement (sauf le concours dû par l'équipage des navires) livraison, droit de douane ou autres, restant à la charge die l'acheteur. En un mot, mes prix comprennent le coût du charbon, le fret, les assurances et votre commission. Rien autre à ma charge.
Les commissions résultant de la consignation des navires à votre Maison seront partagées entre nous.
Je mets les charbons à votre disposition (sauf le temps voulu pour vous les expédier sur votre demande) au prix unique pour les deux sortes, Newcastle et Cardiff, de F 30 - trente francs -, la tonne anglaise, rendue à Constantinople, valeur comptant sans escompte.
Une commission de deux pour cent sur ledit prix de F 30 vous est allouée en tous cas : laissant les chances de Ducroire à votre charge.
Le courtage, s'il y a lieu, doit être ajouté au prix de vente, de manière à me laisser, net, le prix de F 30.
Si vous obtenez des prix supérieurs à ma limite, tout l'excédent sera partagé, par moitié, entre vous et moi.
Ce prix de F 30, cependant, variera selon la nature des ventes ; je m'explique.
Je vois deux sortes de ventes possibles :
1° - celles que j'appellerai " éventuelles "
2° - les contrats avec le gouvernement ottoman ou autres grandes administrations de bateaux à vapeur.
Par ventes éventuelles, j'entends celles que vous pourriez trouver à faire de quelques chargements au commerce, sans me lier par un marché à long terme ; celles-là me laissant moins de chance à courir, le prix indiqué de F 30 peut à toute force me suffire, et je puis d'ailleurs le modifier selon les circonstances. En conséquence, pour ces ventes éventuelles, je vous autorise à vendre, même à F 30 net pour moi, sauf le mieux à partager, livrable à la bonne arrivée des navires que j'affréterai sur votre ordre - et cette autorisation est maintenue telle qu'elle, jusqu'à révocation.
Pour les contrats à l'année, qui, me liant pendant un long délai, m'exposent à des chances plus fortes de hausse de fret, il faut que je gagne plus.
Dans ce cas, le prix de F 30 n'est qu'une base de prix de revient que je vous garantis et au-dessus de laquelle vous devez, par le prix de vos contrats, me laisser un bénéfice de F 2 par tonne, au moins, sauf mieux - soit, donc, que ces contrats ne peuvent être faits à un prix moindre de F 34 (net de courtage, frais) pour laisser F 30 au charbon, en quatre francs à partager entre vous et moi. Cette autorisation vous est maintenue pour trois mois à partir du jour où la présente lettre vous parviendra. Et la durée des contrats à consentir ne pourra pas dépasser un terme d'une année à partir de l'époque à laquelle vous traiteriez pendant ces trois mois.
Je consentirai tout marché pour livrer à tel autre port que vous m'indiqueriez dans les possessions de la Sublime Porte, sur les mêmes bases - sauf variation résultant de la différence de fret. Vous voudrez bien m'indiquer quels seront ces autres points, et je vous indiquerai mon prix modifié selon les prix de fret.
Si à Constantinople, dans le cours d'un marché à l'année, vous trouviez, comme cela se présente souvent à racheter sur votre place des charbons équivalents, convenables à vos livraisons, à un prix inférieur à mes limites, vous le traiteriez pour mon compte ; ces achats seraient faits sans commission de votre part, mais le bénéfice en résultant serait à partager entre vous et moi, sans préjudice des autres avantages à vous réservés.
J'ai cherché à prévoir tous les cas, et vous placer de manière à profiter de suite de toute opération qui pourrait se présenter : si quelque chose m'a échappé, veuillez m'en faire part, j'y remédierai aussitôt.
Je termine ma longue lettre en appelant votre attention sur ce point, que je mets à votre disposition les charbons les plus réputés et, en effet, les meilleurs de l'Angleterre, et que mon prix est modéré. Cela doit vous faciliter des ventes et j'espère que nos relations pourraient, dès leur début, prendre une importance satisfaisante.
Agréer, Messieurs, mes salutations empressées.

H. Worms
46, rue Laffitte

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