1989.00.De Worms & Cie.Historique.Nantes.Tours.Angers.Le Mans

Histoire de l'agence de Tours

D'après les témoignages de

MM. de L'Espinay, Lecomte, Sabatier et Pourol

 

[Illustration – légende :] Les établissements Worms dans l'ouest de la France

 

La Maison Worms en val de Loire : Nantes, Tours, Angers, Le Mans

L'histoire primitive

Dès l'origine, la vallée de la Loire retint tout particulièrement l'attention d'Hypolite Worms (premier du nom). Il mit à profit la progression du réseau ferré dans cette région pour organiser des dépôts de plâtre dans les gares principales : Orléans, Blois et Tours, comme en témoigne l'essentiel de la correspondance conservée dans les chronos de 1846 à 1848. Par la suite, lorsque ses affaires de charbon prirent définitivement le pas sur celles de plâtre, il continua de traiter avec les compagnies de chemins de fer locales mais dans le but cette fois de les approvisionner en combustible.

Durant tout le 19ème siècle, les opérations commerciales de la Maison dans la région s'effectuent par le biais d'intermédiaires, domiciliés le plus souvent à Nantes, tels les "de La Brosse et Fouche" en 1900 et les "Durand et Renault" en 1901[1].

Aussi, faut-il attendre le début du 20ème siècle pour voir la société Worms et Cie s'implanter sous son nom propre en Val de Loire.

Le premier établissement fut créé à Nantes à une date que les sources permettent simplement de situer entre 1895 et 1910[2]. Cette position fut consolidée trente ans plus tard environ par l'ouverture d'une agence à La Riche, près de Tours, le 15.III.1941[3] ; complétée à la fin de l'année suivante, par la fondation de deux autres établissements, le premier à Angers, le 15.X.1941, et le second dans Tours même, rue de la Traction, le 15.XI.1941[4].

[Légende :] Succursale de Tours : Historiogramme. Combustibles solides, liquides et gazeux

 

Tours, une agence qui devint succursale

Plus que sur le Val de Loire en général, c'est sur la région de Tours en particulier, que portent les témoignages de MM. de L'Espinay, Lecomte, Pourol et Sabatier qui y menèrent la partie la plus longue de leur carrière.

Au commencement...

En 1941[5], la succursale de Nantes, alors dirigée par M. Delmotte, rachète la maison Bourreau, située rue du Lieutenant Roze, à Tours, qu'elle utilise comme point d'ancrage pour ouvrir une agence.

Son premier directeur se nomme Claude d'Argent ; il sera remplacé par M. Domec, prédécesseur de M. de L'Espinay.

Les souvenirs des uns et des autres laissent dans l'ombre les 10 premières années d'existence de cet établissement. On peut conjecturer aisément toutefois que le négoce de charbon dut l'occuper exclusivement.

... était le charbon.

La place secondaire à la quelle cette activité se trouve reléguée dans les témoignages est le reflet de l'importance décroissante qu'elle revêtit progressivement dans l'économie de l'agence. Ce déclin n'est bien sûr ni le fait de ce seul établissement, ni circonscrit à la région tourangelle. Il concerne l'ensemble de la profession et le pays tout entier.

En fait, de l'Âge d'Or que le commerce charbonnier a connu, l'agence de Tours, née trop tard, n'aura pas même goûté les derniers éclats.

Bien au contraire, c'est à une période de crise et de récession et au besoin éprouvé par la Maison Worms de remédier à ces bouleversements, autrement dit de s'adapter, que se rapporte la fondation de cet établissement.

 

[Légende :] Papier à lettre à en-tête de l'agence de Tours portant la mention "Bois et Charbons" en 1955

 

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le développement du service "combustible" avait reposé sur l'importation des charbons d'origine principalement anglaise en vue d'approvisionner les industriels[6].

Or, ces données de base se trouvèrent considérablement modifiées par le conflit. Les importations de toutes provenances stoppèrent. Les difficultés de circulation des produits sur le territoire autant que les désordres internes auxquels les industries étaient confrontées, réduisirent les débouchés vers ce secteur.

Nécessité s'imposait donc de rechercher la matière première à l'intérieur de l'Hexagone et de s'orienter vers le marché des fournitures aux foyers domestiques.

Ces conditions nouvelles exigeaient d'adapter l'organisation commerciale. Depuis les succursales, des établissements de taille plus modeste furent créés. Ces "satellites", mieux implantés dans l'économie locale, étaient plus à même de suivre et de participer à son évolution. Ainsi, les deux établissements de Tours, comme celui d'Angers, permirent à la Maison de Nantes d'assurer une couverture régionale plus resserrée.

Leur apparition correspond, en outre, à la nécessité engendrée par la pénurie de charbon, d'exploiter d'autres sortes de combustibles : la tourbe à Crossac près de Nantes et à Vollandry près d'Angers, et le bois à Tours notamment où une scierie, située dans le quartier du Sanitas, fonctionna entre 1941 et 1945[7]. Il est à noter à ce sujet que la vente de bois fut associée au négoce de charbon dans certaines localités et cela, bien après la fin de la guerre[8].

Au lendemain de la Libération, le programme de mesures adopté par le gouvernement dans le but d'assurer la reconstruction du pays (nationalisations des houillères, des compagnies de gaz et d'électricité, plan "Monnet"), rendit définitifs ces changements que d'aucuns avaient espéré momentanés.

La Maison Worms se trouva non seulement soumise à l'Atic ; association à qui fut départi, en 1948, le monopole de l'importation des combustibles minéraux, mais elle perdit en outre, l'aliment substantiel que constituaient les charbons industriels dont la vente fut confiée directement à l'Atic[9] et aux Charbonnages de France[10].

C'est dire qu'à compter de la fin des années 40, à l'exception de quelques fournitures destinées aux industries locales (chemiseries, fonderies, tanneries, briqueteries...), l'approvisionnement des foyers domestiques représenta l'unique débouché et donc la seule promesse de développement du commerce charbonnier.

Naturellement, la Maison Worms ne fut pas seule à se convertir dans cette voie. Aussi, les sociétés de la place, à l'étroit dans un secteur réduit, risquaient-elles de se livrer une concurrence aux issues incertaines.

Face à ces dangers, on opta pour la sécurité fondée sur la régulation du marché. Dès 1948, des accords furent conclus qui donnèrent naissance au groupe charbonnier nantais.

L'agence tourangelle de Worms et Cie, alliant la vente en gros et au détail, eut recours à la Compagnie charbonnière de Tours, émanation de la société d'importation, Chattel et Dolffus, pour alimenter ses dépôts.

 

[Photographie  - légende :] Le personnel de l'agence de Tours vers 1955

 

Ceux-ci étaient au nombre de trois : le premier en date se trouvait rue du Lieutenant Roze, le deuxième, rue du Sanitas et le dernier, 22, rue Georges Courteline. M. Bourreau en fut le responsable.

En qualité de grossiste, le "service charbon" pourvoyait quantité de revendeurs dispersés dans les bourgs et villages de la région.

Ces fournitures, toutefois, n'excédèrent jamais 10.000 tonnes par an.

Quant au détail, la vente de 2.800 tonnes en une année représente un record qui ne fut pas renouvelé.

Dès le commencement des années 60, débute une période de récession qui s'annonce irréversible.

Certes, les hausses du prix du pétrole dues à des conjonctures ponctuelles, telle la fermeture du canal de Suez, en 1956, les problèmes d'approvisionnement au cours de l'hiver rigoureux de 1963, le blocage des raffineries durant les grèves de 1968, provoquèrent quelques mouvements de reprise, mais, la désaffection des particuliers à l'égard de l'utilisation du charbon devenait au fil des mois par trop générale pour espérer conjurer ce déclin.

Des 3 dépôts, seul celui de la rue du Lieutenant Roze conserva une activité relative jusqu'à sa fermeture en 1966-1967.

La vente au détail perdura, encore que sous la forme de passations de commandes qui ne dépassèrent guère 1.500 à 2.000 tonnes par an.

L'exploitation de la branche "charbon" cessa définitivement à Tours en 1970.

Or, à cette même date, l'agence parvenue à "sa vitesse de croisière", selon le mot de M. de L'Espinay, accédait au rang de succursale, à l'instar de l'établissement de Nantes qui lui avait donné naissance, trente ans plus tôt.

L'une des causes de cette réussite tient au dynamisme commercial de M. de L'Espinay et de son équipe qui, comprenant que l'avenir n'appartenait plus au charbon mais au fuel et au gaz, oeuvrèrent pour implanter dans toute la région et développer le commerce de ces nouvelles sources d'énergie.

Puis vinrent le fuel…

Lorsque M. de L'Espinay débute sa carrière dans la Maison Worms en décembre 1950, il est employé en qualité de représentant chez Stardis dont le directeur est M. Paulhe.

Cette société remplaça, à la fin des années 40, Les Pétroles franco-roumains au près de qui les succursales Worms se fournissaient en fuel.

Stardis, dont le siège social était domicilié au 41, boulevard Haussmann, fut fondée ou rachetée par MM. Worms et Cie. L'exploitation des combustibles liquides fut concentrée au sein de cette filiale qui, grâce à sa licence pétrolière, permit à la Maison d'acquérir son autonomie en matière d'approvisionnement. Le personnel de cette branche d'activité fut directement appointé par cette société. Le fuel était commercialisé sous la marque Stardis.

Malheureusement, cette organisation n'apporta pas les résultats escomptés. Aussi, décision fut prise en 1952-53 de dissoudre Stardis et, par la même, de stopper la vente du fuel dans la quasi-totalité des établissements Worms.

Seule l'agence de Tours, en raison des succès que ce négoce remporta dans la région, continua à s'y livrer et à le faire prospérer durant la période 1954-1961. La matière première lui était distribuée par la société Rhin-Rhône.

La vente des "combustibles liquides" demeura ainsi limitée jusqu'en 1961.

A cette date, en effet, la direction générale entreprit de réactiver son fonds de commerce.

Cette mission fut confiée à M. Léonardi, recruté dans ce but.

Le 15 mai 1961, Worms CMC, filiale de Worms et Cie[11], concluait un accord avec la société Antar au terme duquel celle-ci lui garantissait son approvisionnement en produits pétroliers[12].

Dès lors, la vente du fuel put reprendre dans l'ensemble des succursales.

 

[Carte – légende : Aire d'activité de la Société pétrolière des combustibles de l'Atlantique. Délimitation de la zone d'activité de Worms Distribution à partir du 17 mai 1974.]

 

Antar devint donc le fournisseur principal mais non exclusif[13] de l'agence de Tours, notamment, qui pouvait aussi bien recevoir de M. Léonardi l'ordre de s'adresser à telle autre société.

La mise en place de cette infrastructure ne modifia en rien les conditions d'exploitation du service "fuel" de l'établissement tourangeau.

Son développement, marqué par la conclusion de marchés avantageux comme l'adjudication de 12.000 tonnes à fournir à l'hôpital de Tours, fut constant durant les années qui suivirent.

A partir de 1968, Worms CMC, leader des négociants en fuel de Touraine, résolut de fondre ses intérêts en Val de Loire avec ceux de la Compagnie française Powell Duffryn et de l'Union industrielle Blanzy Ouest, au sein d'une société précédemment constituée par elles[14], la Société pétrolière des combustibles de l'Atlantique. L'opportunité lui en fut offerte lorsque la Société commerciale Delmas Vieljeux se retira de SPCA.

Deux protocoles furent signés en 1968 fixant à 20% la prise de participation de Worms CMC dans le capital de SPCA, étant entendu que celle-là ferait apport à celle-ci de son fonds de commerce "achat et vente de tous combustibles liquides, carburants, huiles et graisses" exploité à Tours et à Nantes.

Cet accord de concentration fut ratifié le 24 avril 1969, avec effet au 1er janvier de cette même année (3)[15].

Le personnel de ces deux établissements employé dans cette branche fut appointé par SPCA dont le nom se substitua à celui de Worms dans la dénomination du service "fuel".

Le contrat avec Antar demeura actif indépendamment de cette transformation, chaque associé se devant d'approvisionner SPCA au pro-rata de sa participation (1)[16].

Afin de diversifier ses ressources et de garantir la sécurité de ses fournitures, Worms CMC conclut, en 1970, avec Elf un accord comparable à celui avec Antar, portant sur un tonnage de 50.000 M3[17].

Deux ans plus tard, le 29 décembre 1972, une résolution fut adoptée manifestant un changement de politique dans l'exploitation de la branche "combustibles liquides".

Worms CMC, en effet, décida de faire apport du fonds de commerce "vente et distribution des combustibles liquides, lubrifiants et produits blancs en France" à une filiale, dénommée Worms Distribution, spécialement constituée dans ce but, filiale dont Esso devint dès l'origine, l'actionnaire majoritaire avec 51% du capital et dans laquelle Worms n'avait plus aucun intérêt en 1977[18].

Le service "fuel" de l'agence de Tours fut transféré à Worms Distribution, un an et demi plus tard, le 17 mai 1974, après avoir été rétrocédé par SPCA à Worms CMC.

Dès lors, l'unique activité de cet établissement résida dans le commerce du gaz.

 

[Photographies – légendes : Stand d'exposition à la foire de Tours en 1955 ; Camion de livraison "Stargaz".]

 

... et le gaz.

Le service "gaz" fut fondé à Tours en 1952, l'année même où la Maison Worms créa cette branche d'activité.

A l'instar de Stardis en ce qui concerne le fuel, MM. Worms et Cie exploitèrent ce fonds de commerce par l'intermédiaire d'une société spécialisée qu'ils constituèrent, la Société d'approvisionnement en combustibles gazeux, ayant pour objet : la distribution du gaz butane sous la marque Stargaz (1)[19].

Cette société, domiciliée au 43, boulevard Haussmann, était dirigée par MM. Vignet et de La Ruffie.

Le personnel employé au service "gaz" tel M. Lecomte (qui fut recruté dès 1952 par M. de L'Espinay) fut rémunéré directement par cette filiale jusqu'en 1961.

Détentrice d'une licence d'importation (2)[20], SACG pouvait acheter le gaz butane directement en raffinerie au prix paritaire. Son réseau commercial comprenait 4 agences situées au Havre, au Mans, à Nantes et à Tours et couvrait, en 1959, 18 départements dont la Sarthe, le Loir-et-Cher, l'Indre, la Vienne, les Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire et l'Indre-et-Loire qui relevaient de l'établissement tourangeau.

A la suite d'accords passés avec Antar en 1959, SACG devint concessionnaire de cette société dont elle distribua le propane sous la marque Antargaz. Et en effet, selon M. de L'Espinay, les approvisionnements se faisaient chez Antargaz dans un centre de remplissage "Primagaz", situé à Saint-Pierre-des-Corps.

En janvier 1961, la Société d'approvisionnement en combustibles gazeux fut absorbée par Worms CMC qui poursuivit l'exploitation de la branche "combustibles gazeux" en son nom.

En 1967, la marque Stargaz fut cédée à Antargaz par la Maison Worms qui devint agent général de cette société à Nantes, Tours, Toulon et Bayonne.

 

[Carte – légende :] Zone d'activité de la succursale de Tours en 1969-1970

 

10 années plus tard, en 1977, décision fut prise par Worms CMC de faire apport de son fonds de commerce "gaz" à une société filiale spécialement créée dans ce but, Worms Gaz, homologue de Worms Distribution.

En 1983, suite à la vente de 51% du capital de Worms Gaz, la société Worms CMC céda le contrôle de sa filiale à Elf Antargaz ; cession qui aboutit à une liquidation totale 3 années plus tard, en 1986.

Les clients

Qu'il s'agisse du fuel ou du gaz, la succursale a pratiqué une activité de grossiste et de détaillant.

En ce sens, elle fournissait les particuliers résidant à Tours et dans les environs aussi bien que des revendeurs.

La clientèle (fuel) se répartissait en 3 catégories :

- les dépositaires -

D'après le protocole signé avec SPCA le 17 mai 1974, Worms comptait par exemple 26 dépositaires dans le seul département d'Indre-et-Loire.

- les revendeurs libres -

- les consommateurs directs -

Ce réseau conjuguant la distribution du fuel et du gaz, s'étendait sur une large zone géographique couvrant 9 départements : l'Indre-et-Loire, la Sarthe, le Loir-et-Cher, le Loiret, le Cher, l'Indre, la Vienne, les Deux-Sèvres et le Maine-et-Loire.

 

[Illustration – légende :] Paquet de Brennfix, allume-feu fabriqué en Allemagne et vendu par l'agence

 

"Le savoir-faire "Worms"

Outre ces renseignements au sujet d'événements qui constituent les principaux jalons de l'histoire de la succursale de Tours, les témoignages des "anciens Worms" projettent un faisceau de lumière sur ce que fut leur vie au service de la Maison.

Au fil des souvenirs évoqués, la commercialisation du fuel et du gaz dans la région acquièrent les allures d'une véritable épopée.

A l'origine, raconte M. de L'Espinay, les concurrents étaient certes peu nombreux, mais leur ingéniosité se trouvait décuplée par le fait que la clientèle était à "conquérir".

Il convenait par conséquent de persuader l'utilisateur potentiel des avantages du gaz ou du fuel, selon les cas, sur toutes autres sources d'énergie, avant de lui vanter les qualités de Stargaz sur toutes autres marques.

A cette époque, M. de L'Espinay qui était employé en tant que "caravanier", sillonnait le pays sur son vélo, puis, sur sa mobylette, en quête de marchés, trouvant plus de raisons à se comparer à un chineur qu'à un agent commercial.

La qualité du service fut la meilleure garantie de succès de l'agence. Ainsi, ce fut en effectuant des livraisons qui anticipaient la demande des clients, en respectant rigoureusement les plannings et donc, en offrant la sécurité d'approvisionnements réguliers que le service "fuel" parvint à ravir à la Maison Desmarets Frères (ancêtre de Total) la clientèle des boulangers de la région.

La parfaite connaissance du terrain et le dynamisme de l'équipe dirigée par M. de L'Espinay portèrent l'intérêt sur le négoce de produits connexes.

L'agence assura ainsi la représentation des huiles Igol, entreprit la commercialisation du Ffast (détergeant similaire au Tipol) et du Brennfix (allume-feu fabriqué en Allemagne puis, en Angleterre) et la vente d'appareils ménagers de la marque Auer et Goma ainsi que l'installation d'appareils de chauffage au propane.

Parmi les réalisations marquantes, on retiendra l'équipement de nombreuses églises de la région en installations de chauffage à gaz qui portent encore la plaque Worms, ainsi que celle des cuisines de l'hôpital et de l'aéroport de Tours.

Au regard d'une activité si intense, comment s'étonner que MM. Lecomte et Pourol, actuellement employés chez Wogegal ou M. Sabatier chez Worex, continuent encore à être considérés comme des "Worms", tant est demeuré vivace dans la conscience des gens de la région, le lien qui les a unis à la Maison.

De l'aveu de tous ces témoins, on "vivait bien chez Worms", la confiance et la liberté d'action y étaient de mise, ce qui explique la longévité des carrières et un attachement qui ne se démentit pas.

La Maison Worms

Au-delà de l'histoire de l'agence de Tours, les témoignages que nous avons recueillis livrent certaines informations qui intéressent la vie de la Maison en général et viennent préciser ce que nous connaissons par ailleurs.

Un cadre d'exploitation solidement établi

L'organisation interne de la Maison était construite en 3 strates.

Au sommet, la direction générale des Services combustibles, située à Paris, à laquelle étaient reliées les succursales, implantées dans les grands centres urbains, en général près du littoral, qui coiffaient un nombre variable d'agences, installées le plus souvent dans l'arrière-pays.

C'est dire que les notions de "succursale" et d'"agence" servaient à désigner deux structures distinctes, l'agence étant de création plus récente, ayant une activité plus réduite et une autonomie moins grande.

Ainsi, par exemple, M. de L'Espinay bien qu'appelé à remplir des fonctions dans l'agence de Tours, fut engagé non par M. Domec qui en était le responsable mais par M. Delmotte, directeur de la succursale de Nantes.

En revanche, lorsque l'établissement tourangeau se développa, M. de L'Espinay recruta lui même les membres de son personnel.

Cette hiérarchie répondait à une gradation "géographique" des pouvoirs, la DGSC traitant toutes les questions d'intérêt national, la succursale agissant au niveau régional et l'agence, sur le plan local.

A ces trois échelons, l'organigramme était construit sur un modèle commun. A la tête de l'ensemble, placé sous l'autorité du PDG de Worms CMC[21], se trouvait le directeur général des Services combustibles, poste occupé par M. Leroy durant de nombreuses années, au quel correspondaient le directeur de succursale et le chef d'agence.

Chacune des branches particulières, "charbon", "fuel" et "gaz", était administrée par un responsable spécialisé, au siège[22] comme dans tous les établissements qui en dépendaient. M. Lecomte, notamment, à Tours, s'occupa exclusivement de l'exploitation des combustibles gazeux alors que M. de L'Espinay gérait plus particulièrement le service des combustibles liquides.

Un facteur de développement, la liberté d'entreprendre

Bien que rigoureuse, cette organisation ne fut pas rigide.

L'histoire de l'établissement de Tours montre en effet comment, grâce à l'importance de son développement, une agence fut promue au rang de succursale.

Chaque responsable, à quelque niveau que ce fût, bénéficia d'un climat de confiance et ce faisant, d'une liberté d'action lui permettant de saisir les opportunités que la conjoncture ou le marché lui offraient de développer le fonds de commerce, voire d'y adjoindre la vente de produits annexes, à titre expérimental ou durable.

Sur le plan horizontal, les relations entre succursales excluaient toute forme d'ingérence. Les directeurs étaient leur propre patron et la gestion de leur établissement s'apparentait à celle d'une PME.

Cette mise en oeuvre précoce d'une politique de décentralisation, conduite par des hommes de terrain qui possédaient leur métier, a indéniablement constitué l'un des facteurs de la prospérité de la Maison Worms.

 

 

[1] Copie de lettres.

[2] Les sources se résument à la collection des actes sociaux où, jusque dans les années 1940 et à l'occasion de chaque modification statutaire, était dressée la liste des "comptoirs" dépendant du siège. Ainsi, peut-on constater que si la succursale de Nantes n'est pas mentionnée dans l'acte de 1895, en revanche elle figure sur le suivant, datant de 1910.

[3] Registre du commerce du 6.V.1942.

[4] Registre du commerce du 12.IV.1945.

[5] Cette date indiquée par le registre du commerce est corroborée par les archives les plus anciennes de la succursale de Tours.

[6] Sur le million de tonnes importé par la Maison Worms en 1937-1938, l'essentiel se composait de charbons industriels. Les principaux clients étaient des sociétés gazières (usines à gaz : Société genevoise gaz, France et Étrangère, Gaz Lebon etc.), des sociétés d'électricité, des cimenteries et la grosse industrie. Des stocks de soute étaient constitués à Port-Saïd et à Suez. Réf. Propos de Michel Leroy consignés par M. Francis Ley.

[7] Cette indication chronologique correspond aux dates extrêmes des documents concernant le personnel employé dans la scierie.

[8] Le papier à en-tête de l'agence de Tours portait la mention "Bois et Charbon" en 1955.

[9] L'Atic - Association technique de l'importation charbonnière - fut créée en novembre 1944 sous le statut de la loi de 1901. Ayant pour but initial de représenter l'ensemble de la profession et d'en défendre les intérêts, l'Atic devint en 1946, l'organe de contrôle nécessaire à l'exécution des programmes d'importation définis par l'État, avant que celui-ci ne lui confie en 1948, la mission de traiter la totalité des achats à l'étranger et d'assurer le transport des charbons jusque dans les ports français.

[10] Article 6 du titre 1 de la loi de nationalisation des combustibles minéraux du 17 mai 1946. « Art. 6. — Un règlement d'administration publique, pris sur la proposition du ministre chargé de l'économie nationale, du ministre des finances, du ministre chargé des mines et du ministre des affaires étrangères, le commissaire au plan et les Charbonnages de France entendus, détermine les conditions dans lesquelles le commerce de l'importation et de l'exportation des combustibles minéraux qui font l'objet des mesures de nationalisation dans les termes de l'article 1er est réglementé et contrôlé par l'État. Les Charbonnages de France sont habilités à faire toutes propositions et à donner un avis sur les programmes d'importation et d'exportation desdits combustibles minéraux. »

 

[11] Le 1er décembre 1956, Worms constitua en sociétés ses deux départements, combustible et maritime, sous le nom de Worms, Compagnie maritime et charbonnière.

[12] Ce contrat, concernant le "marché de détail" sur l'ensemble du territoire, fut conclu pour une durée initiale de 5 ans, prolongée le 28 octobre 1964, jusqu'au 14 mai 1971.

[13] Le contrat avec Antar prévoyait une quantité de fournitures limitée à 12.000 tonnes en 1961 et révisable chaque année. Le tonnage de base était de 50.000 T en 1973.

[14] Le protocole du 31 décembre 1968 se réfère à un acte daté du 10 juillet 1959 constitutif, semble-t-il, de SPCA.

[15] Protocole du 31 décembre 1968, acte s.s.p. du 3 mars 1969, CA de Worms CMC du 28 février 1969 et protocole du 24 avril 1969.

[16] Prolongé jusqu'au 14 mai 1977, ce contrat fut résilié par Worms CMC en janvier 1974 en raison de l'impossibilité où Antar se trouvait de livrer le tonnage prévu.

[17] Contrat en date du 24 mars 1970.

[18] Acte s.s.p. enregistré le 24 juillet 1973, CA de Worms CMC du 4 mai 1973. Le calendrier de transfert des actions WD détenues par Worms CMC prévoyait que les 49% restants seraient rachetés par Esso entre juillet 1974 et janvier 1983. Il semblerait qu'ils aient été liquidés plus tôt, dès 1977.

[19] SACG a été créée en août 1952 sous forme de SARL. Elle fut transformée en société anonyme le 1er janvier 1954.

[20] Cette licence lui fut délivrée le 19 avril 1953.

[21] M. Labbé remplit cette fonction de 1956, date de la constitution de Worms CMC, jusqu'en 1974. M. Barnaud prit sa succession.

[22] M. Léonardi pour le fuel et M. de La Ruffie pour le gaz.

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