1981.12.22.De Jean Gosselin.Note Mes souvenirs sur les débuts de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire

Le PDF est consultable à la fin du texte.

Mes souvenirs sur les débuts de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire

C’était, si je me souviens bien, dans le courant de l’année 1934 : j’étais en stage au service technique de la Maison Worms & Cie au Havre, lorsque je fus amené à accompagner M. Le Magnan et M. Quillet, le premier ingénieur en chef de notre armement et le second, son adjoint, à bord de navires de l’armement Grosos, autrement dit de la Compagnie havraise péninsulaire qui étaient amarrés dans les bassins du port du Havre.
Il s’agissait pour ces messieurs d’apprécier l’état de cette flotte et sa valeur en vue de sa prise en charge par la Maison Worms, ce qui très certainement ne me fut pas révélé à ce moment.
M. Eugène Grosos avait créé cette flotte d’abord pour assurer des liaisons entre Le Havre et les portes de la péninsule ibérique, d’où son nom de Compagnie havraise péninsulaire. Cette compagnie connaissait maintenant de graves difficultés et recherchait un concours financier.
Elle s’était développée dans les années de la conquête de Madagascar (1896-1902) pour assurer le transport des troupes et assurer l’approvisionnement du corps expéditionnaire et avait atteint un tonnage qui, une fois la période de la conquête terminée, dépassait les besoins de l’île.
Ses navires étaient vieux pour la plupart et les revenus de leur exploitation ne permettaient plus d’en assurer un entretien satisfaisant. C’est ce que nous avons constaté en visitant les navires, en sondant les tôles : bien souvent, sous les planchers, nous ne trouvâmes que rouille et les cloisons des coursives ne tenaient que grâce à la multitude des couches de peinture qui y avait été appliquée…
Le rapport que firent MM. Le Magnan et Quillet permit aux associés de notre Maison d’apprécier à sa juste valeur l’apport de la flotte Grosos dans la société d’exploitation à constituer, la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire, la NOCHAP.
Le service armement de la Cie havraise péninsulaire vint s’installer dans nos locaux de la rue Jules Siegfried ; le chef d’armement, le Cdt Hayet et son personnel dont son homonyme, passèrent sous l’autorité de notre chef d’armement le Cdt Sagon. Le service commercial, avec son chef, M. Camus, trouvèrent place dans nos bureaux du boulevard de Strasbourg. Au départ, les méthodes de travail de nos deux armements différaient ; petit à petit les services fusionnèrent au fur et à mesure que les chefs des services de la Maison Grosos se retiraient pour convenance personnelle ou atteints par l’âge de la retraite.
On en était là lorsque je quittais Le Havre en mai 1936.
Je perdis de vue la NOCHAP jusqu’en 1945 où je la retrouvais, ou plus exactement, son agence à Rouen.
Lorsque la Maison Worms coiffa la Cie havraise péninsulaire, celle-ci avait à Rouen une agence directe qui était installée quai du Havre à l’angle du boulevard des Belges, dans un immeuble qui abrita dans le passé la Compagnie des Indes. Ce bâtiment qui en porte encore la marque sur le plan architectural sous la forme de cariatides représentant des masques d’Indiens et soutenant l’entablement du premier étage.
Cette agence, en 1929, avait pour directeur M. Eugène Mesnil, le type même du capitaine de cuirassiers, avec de belles moustaches gauloises, lequel était assisté d’un sous-directeur, M. Honoré Lévesque. Alors que le premier devait profiter de son prestige physique pour assurer le rôle représentatif d’un directeur d’agence d’une compagnie notablement connue, le second incarnait le parfait chef de bureau. M. Lévesque était l’homme le plus ponctuel qu’il soit et exigeait du personnel qu’il avait choisi avec soin qu’il se soumit au contrôle du parfait maître d’école qu’il incarnait. À ce prix, les documents étaient parfaitement faits et en temps voulu et le service marchait bien.
Il fut incorporé dans les services de la succursale Worms et M. Lévesque perdit, non sans un petit serrement de cœur, son titre de sous-directeur contre celui de chef de service.
La Maison n’eut d’ailleurs qu’à se louer des services de ce collaborateur dévoué qui ne la quitta qu’à l’âge de la retraite, avec le galon de fondé de pouvoirs.

Rouen, le 22 décembre 1981
Jean Gosselin
Ancien directeur chez Worms CMC
 

Back to archives from 1981