1968.08.00.De Gérard Cornier.Coupure de presse sur les cargos Jumièges

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Trois navires appelés "Jumièges" : le dernier, construit en 1966 est (déjà) passé à l’étranger

La navire français "Jumièges", appartenant à Worms Compagnie maritime et charbonnière, a été livré, le mois dernier, à des armateurs étrangers. "Cardona", nom qui n’évoque pas grand-chose a priori, a remplacé celui du haut-lieu de la vallée de la Seine, si cher aux Normands que nous sommes, et qui disparaît, momentanément, espérons-le, des espaces maritimes. Ce "Jumièges" n’aura eu qu’une très courte carrière : il a été vendu seulement deux ans après sa mise en service ; les deux précédents avaient connu une plus grande longévité : vingt et un ans pour le premier et quinze pour le second.

"Jumièges" n° I : mort violente…
Le premier navire à porter le nom de "Jumièges" chez la Compagnie Worms, était un ancien britannique, acheté en 1921 et qui avait été construit à Newcastle en 1913 sous le nom de "Weltondale". C’était un vapeur charbonnier de 1.707 tonneaux de jauge brute, qui côtoyait déjà à la Compagnie Worms des navires du nom de "Caudebec" et "Yainville", dont les successeurs continuent de fréquenter assidûment la Seine.
Le "Jumièges" n° 1 devait malheureusement se perdre d’une façon dramatique non loin des Baléares, en janvier 1942. Le cargo avait été désemparé par une violente tempête, qui fut également fatale au paquebot "Lamoricière", de la Compagnie générale transatlantique, qui sombra la même nuit et dans la même région.

"Jumièges" n° II : toujours à l’ouvrage
Le "Jumièges" disparu ne fut pas longtemps sans remplaçant. L’armement Worms reprit en effet ce nom pour un charbonnier construit en 1948 et qui appartenait à l’un des types de navires construits en série juste après la guerre pour remettre sur pied – si l’on peut dire – la marine marchande française.
Le second "Jumièges" a été mis à l’eau par les chantiers de Grand-Quevilly, qui s’appelaient alors « Chantiers et Ateliers de Saint-Nazaire (Penhoët) ». Jaugeant environ 2.900 tonneaux, il pouvait porter 2.400 tonnes de charbons, phosphates, minerais. Il avait à bord une machine à vapeur de 1.200 CV.
Sa carrière française s’acheva sur son désarmement au Havre, jusqu’à ce qu’un armateur libérien en fasse acquisition et lui donne en novembre 1963 le nom de "Marylise". En avril 1964, il fut désarmé à Gênes et il lui fallut attendre la fin de l’an dernier pour reprendre la mer sous le nom de "Georgios", pour le compte d’un autre armement libérien.

"Jumièges" n° III : carrière écourtée
Lorsqu’en 1966, le 17 janvier, les chantiers « De Biesbodsch », à Dordrecht (Pays-Bas) lançaient le porteur de vrac "Jumièges", rien ne laissait penser que trois ans après ce navire moderne serait déjà rayé de la flotte française.
Navire de 3.800 tonneaux de jauge brut, le "Jumièges" chargeait 5.500 tonnes de fret en vrac dans ses trois cales bien dégagées et adaptées au transport des pondéreux ; il avait ses machines et son château à l’arrière et ne comportait pas d’installations de manutention à son bord, à l’instar des gros minéraliers « purs ». Un moteur de 3.620 CV le propulsait à plus de 14 nœuds de vitesse.
Il avait touché Rouen au retour de son premier voyage, le 28 juin 1966, où apportait 5.500 tonnes de charbon en provenance de Klaipeda.
Après deux années de service, où Rouen figura souvent soit comme port de chargement, soit comme port de déchargement, c’est également à Rouen qu’il a livré sa dernière cargaison sous pavillon français : 5.380 tonnes de phosphates de Casablanca. Le 2 août, il descendait la Seine à destination de Rotterdam et c’est dans ce port que ses acheteurs, en fait un armateur espagnol installé à Paris, en ont pris possession et lui ont donné son nouveau nom "Cardona", sous pavillon… panaméen.
Le "Normanville", autre « Worms » habitué de la Seine, avait également été vendu à cette maison au début de l’année et avait pris le nom de "Cassères", sous les couleurs du Panama. Les deux survivants, "Caudebec" et "Yainville", auront-ils la chance d’échapper au mouvement ? La vente prématurée du navire neuf qu’était le "Jumièges" ne permet guère de l’espérer.

Gérard Cornier
 

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