1963.12.10.Du Crédit national.Aux Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime.Rapport

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Crédit national
Dossiers n° 67374/5FDE
6737 et 13889/FDE
Affaire : Société anonyme des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime au capital de 6 000 000 F
SS : 45, bld Haussmann - Paris (9ème)

Rapport
(CA du 10.12.1963)

Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime sont une des premières entreprises de construction navale à s'être engagée dans la reconversion : dès 1960, ils ont conçu un programme d'investissements destiné à reconvertir 20 % environ de leurs effectifs. La réalisation de ce programme qui portait sur 4 780 000 F de dépenses, fut encouragée par les pouvoirs publics et la société bénéficia, sur la proposition du comité 1ter dans sa séance du 24 novembre 1960, d’une prime d'équipement au taux de 12 % de 576 000 F. Pour financer le même programme, elle fut également autorisée à participer pour 3 000 000 F à l'emprunt groupé émis par la Société de développement régional de Normandie en 1960.
La réalisation du programme de 1960 a été conforme aux prévisions et l’objectif de reconversion a été atteint.
L’évolution de la conjoncture oblige la société à poursuivre son effort ; aussi se propose-t-elle de réaliser une seconde étape qui porterait en deux ans son pourcentage de reconversion de 20 à 30 et bénéficierait à deux cents personnes environ.
Dans le dossier soumis à notre étude, la société expose pour 1963 et 1964 son programme d’investissements et celui de la filiale, les ”Constructions mécaniques du Trait”, qu'elle a naguère constituée avec la société française Wean-Damiron pour développer son atelier de mécanique générale.

Historique

Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime faisaient jusqu'en 1945, intégralement partie de l'actif de la Maison Worms & Cie dont ils constituaient un des départements. Ils en furent détachés pour des raisons de simplification et formèrent alors une SA dont la Maison Worms conserva le contrôle.
Leur origine remonte à 1917 ; il s'agissait de créer un grand chantier de constructions navales susceptible de contribuer dès la fin des hostilités à la reconstitution de la flotte française de commerce.
L'atelier, qui fut construit de 1917 à 1919 au bord de la Seine sur la commune du Trait entre Rouen et Le Havre, eut un rapide essor, mais il devait être presque complètement détruit au moment de la 2ème guerre.
Sa reconstruction fut décidée en 1945 en même temps qu'était créée la SA des ACSM. Il fut largement tenu compte des progrès les plus récemment faits à l'étranger en sorte qu'il se présente comme un établissement très moderne.
Le capital social, de 100 000 F en 1945, a été progressivement porté à son montant actuel de 6 000 000 F par des incorporations de réserves et deux apports en nature. Il est divisé en 60 000 actions de 100 F détenues, soit par la Maison Worms, soit par une société de portefeuille du groupe Worms.
Au conseil d'administration, dont on trouvera la composition détaillée au dos de la page de garde, siègent les quatre associés-gérants de la maison mère et la SA des Forges et Chantiers de la Méditerranée qui est liée, depuis 1956, avec les ACSM par un accord de coopération technique et commerciale.
La Société des constructions mécaniques du Trait a, quant à elle, été créée sous forme de SARL en mars 1962 dans le cadre des opérations de reconversion. Son capital est de 4 000 000 F et son siège social est au Trait. C’est une filiale commune des ACSM, qui lui ont apporté leurs ateliers de mécanique évalués 2 000 000 F et de Wean-Damiron[1] qui a effectué un apport en espèces de même montant.

Activité

Les moyens de production dont dispose le chantier lui permettent de construire des unités de tout tonnage, jusqu’à 25-30 000 tonnes: cargos, minéraliers, petits pétroliers, mais la direction s’est surtout attachée à développer les navires spécialisés.
Plusieurs sous-marins et des dragueurs amagnétiques commandés par la Marine nationale ont été fabriqués au Trait. Plus récemment, la société a construit ou équipé des navires pour le transport sous pression du propane et du butane. Mais sa référence la plus brillante est sans aucun doute la commande actuellement en cours du premier navire méthanier lancé en Europe continentale : le méthane, pour des questions de sécurité, doit être transporté à l’état liquide, c’est-à-dire à - 160° C, ce qui, comme on peut le penser, pose des problèmes techniques très complexes[2].
Les problèmes d’isolation thermique à température élevée présentant bien des analogies avec ceux des basses températures, la société vient d’accepter de transformer un pétrolier en transporteur de soufre qui voyagera aussi à l’état liquide, mais à + 160° C.

Sur le plan de la reconversion, les ACSM, qui ne sont pas constructeurs d'appareils moteurs et qui sont surtout bien outillés pour le travail des tôles, ont d'abord cherché à développer des activités de chaudronnerie. Depuis plusieurs années, ils élaborent, sous diverses licences américaines, des matériels de stockage d'hydrocarbures (en particulier des toits flottants), des châteaux d'eau métalliques, des structures tubulaires destinées au forage pétrolier et des filtres rotatifs. Ils exploitent également des licences Foster Wheeler pour des chaudières et une licence Sigma pour certains éléments de générateur à piston libre. Ils reçoivent aussi des commandes de chaudronnerie classique pour des installations industrielles que la société se procure à la faveur de ses relations avec des sociétés d'engineering.
Les facturations concernant les activités de reconversion ont, en deux ans, triplé de volume comme le prouve le tableau ci-dessous (en milliers de F) :

 

1960

1961

1962

Marine de commerce

62 554

74,4 %

53 770

73,5 %

64 285

73 %

Marine nationale

15 036

17,9 %

1 857

2,5 %

960

1 %

Activités de reconversion

6 532

7,7 %

17 748

24 %

23 263

26 %

Total

84 122

 

73 375

 

88 508

 

Dans le secteur de la mécanique qui leur est propre, les Constructions mécaniques du Trait ont, quant à elles, réalisé en 1962 un chiffre d'affaires de 4 millions F environ dont une partie (500 000 F) correspond il est vrai à des travaux facturés aux ACSM. Les autres ventes ont été réalisées par l'intermédiaire de Wean-Damiron. Le chiffre d'affaires en 1963 atteindra vraisemblablement 6 millions[3].

* * *

Nous donnons ci-contre, sous forme de tableau, un résumé des comptes d'exploitation des deux sociétés.
On mesure l'importance de l'aide à la construction navale en constatant que les subventions ont atteint pour les trois dernières années 56,3 millions F, soit en moyenne 18,5 millions par an.
Notons également que les dépenses d'approvisionnement sont relativement plus importantes que pour d'autres chantiers, puisque la société doit acheter les appareils moteurs quand ceux-ci ne sont pas directement approvisionnés par l'armateur.
Les frais financiers sont peu importants et compensés en grande partie par les agios perçus sur les clients. Les frais de personnel ont quelque peu augmenté au cours du dernier exercice. En 1962, l'activité a représenté environ 2,5 millions d'heures productives, ce qui a permis d'absorber tout juste les charges indirectes[4] qui se sont élevées à environ 1,2 million, l'année 1963 doit rapporter 2 800 000 heures[5], ce qui devrait améliorer la rentabilité si la société n'avait pas de charges exceptionnelles[6].

Moyens de production

Le siège social et la direction générale, qui emploient une vingtaine de personnes, sont à Paris dans des locaux en location[7].
Les chantiers situés sur la rive droite de la Seine, entre Rouen et Le Havre, occupent en bordure du fleuve une superficie totale d'environ 25 hectares[8]. Ils ont été, comme on l'a dit, entièrement reconstruits après la guerre et la plupart des installations sont, de ce fait, récentes et en très bon état.
Pour la construction des navires, les chantiers disposent de 8 cales : les deux plus grandes ont 190 m de long sur 23,5 m de large ; les six autres sont plus petites et sont moins utilisées. Les moyens de manutention permettent de monter des éléments préfabriqués de 70 tonnes.
En 1946, il était difficile de prévoir que la plupart des transports par mer se feraient avec des navires de plus en plus encombrants, aussi peut-on regretter maintenant qu'un chantier aussi moderne ne possède pas, à la place des six petites cales, une seule de plus grandes dimensions. Il est vrai que la Seine serait, de toute façon, trop étroite pour lancer des navires très longs.
Le navire méthanier qui est en cours de construction sur une des deux grandes cales a l'encombrement maximum compatible avec celle-ci. Une nouvelle unité de plus fort tonnage ne pourrait donc pas être construite au Trait.
Depuis 1957, les navires une fois lancés sont achevés sur un quai d'armement de 210 m de long, équipé avec une grue de 15 tonnes. Jusqu'à cette date, les opérations de finition étaient exécutées à Rouen ou au Havre, mais le montage de l'appareil moteur était le plus souvent fait sur cale avant le lancement. Cette habitude un peu particulière a été conservée.
Les ateliers de fabrication comprennent essentiellement :
- en tête des deux grandes cales et dans le même axe, un très bel atelier de tôlerie de 18 500 m2 divisé en cinq nefs de 25 m de large sur 125 m de long. Cet atelier a été récemment agrandi par l'allongement de deux nefs sur 50 m.
Il est équipé de moyens de manutention très puissants qui permettent de soulever 50 tonnes en couplant des ponts roulants de 25 tonnes.
Les tôles prises sur le parc à tôles voisin par des électro-aimants rentrent sur une machine à grenailler et à peindre ; elles sont ensuite découpées dans les deux premières nefs sur différentes machines à oxycouper dont une très récente (machine à tracer au 1/10e). Les autres nefs sont équipées en presses, en rouleuses et en machines à souder. Un four de 6 m de long permet de chauffer les tôles épaisses avant passage à la presse.
Deux nefs sont exclusivement réservées aux commandes de reconversion et nous avons remarqué, lors de notre visite, le montage des chaudières pour une raffinerie de Thaïlande.
- un atelier de mécanique de 3 800 m2, loué maintenant aux Constructions mécaniques du Trait. Cet atelier commence à être bien équipé en machines-outils de grande taille, mais il manque, semble-t-il, de quelques machines de précision, par exemple de machines à pointer.
En dehors de ces deux ateliers principaux, citons entre autres parmi les installations intéressant la reconversion :
- un atelier en cours d'implantation où doivent être transférées les fabrications de toits flottants,
- une cale (n° 6) couverte il y a quelques années à la demande de la Marine nationale et transformée maintenant en atelier par la construction d'un plancher en ciment,
- un atelier de menuiserie et d'ébénisterie bien outillé,
- un petit atelier spécialement aménagé en 1960 pour la fabrication en série d'éléments de bâtiments préfabriqués[9]. Ce département semble travailler très au ralenti,
- un four de détente à 750° de 12 m de long.
Les chantiers disposent donc d'un ensemble d'installations de grande valeur et qui fait excellente impression.
Ils emploient 1 985 personnes dont 1 837 pour les ACSM et 148 pour les CMT.
L'ensemble du Trait jouit à l'égard de la direction générale d'une large autonomie. Il possède entre autres un service d'approvisionnement et des services comptables ; cependant il n'a pas de service commercial.
Les affaires commerciales sont, en construction navale, traitées à l'échelon le plus élevé. Certaines commandes de reconversion, comme celles ayant trait à de grands ensembles, sont également du domaine de la direction générale elle-même. Signalons toutefois que la société a créé récemment, avec les Forges et Chantiers de la Méditerranée, une petite société de prospection commerciale qui a embauché deux ingénieurs chargés de rechercher de nouveaux débouchés dans les secteurs en expansion.
Le rapprochement des ACSM avec Wean-Damiron, bureau d'engineering spécialisé dans les installations sidérurgiques, et la création des CMT répondaient en quelque sorte au même souci, comme la création de la nouvelle société Botalam dont on parlera plus loin.
A notre avis, il serait cependant souhaitable qu'un service commercial soit organisé et qu'en plus du président un ou plusieurs cadres supérieurs soient personnellement responsables de la reconversion et du plein emploi du personnel dans les années à venir.

Situation financière

Nous présentons ci-contre le bilan des ACSM arrêté au 31 décembre 1962.
Les immobilisations s’élèvent à 48,6 millions F en valeur brute. Sur ce total, les investissements de reconversion[10] engagés depuis 1960 représentent 7,9 millions.

ACSM et CMT

Résultats antérieurs (en milliers de F)

 

1960

1961

1962

ACSM

1962

CMT

Ventes, y compris loi d'aide
dont loi d'aide
Augmentées de la variation des stocks
on obtient :

101 354
15 249
- 16 010
  85 344

92 308
15 373
+ 3 371
95 679

110 842
25 678
- 24 933
  85 909

2 336
-
+ 2 227
4 563

Amortissements et provisions
Bénéfice après impôt
Total

2 624
      10
2 634



3,1 %

5 126
     188
5 314



5,5 %

3 611
- 3 392
219



0,3 %

164
- 53
111



2 %

Éléments principaux du compte d'exploitation :
Achats, fournitures et services extérieurs
Personnel
Excédent des frais financiers sur les produits



51 352

23 205

- 341



60 %

27 %
 



62 606

25 413

190



65 %

27 %

0,2 %



57 182

26 370

314



67 %

31 %

0,4 %



2 719

1 431



60 %

31 %

                   

Escompte à moyen terme
(Conseil d'administration du 10 décembre 1963)

Bénéficiaire du crédit : Société anonyme des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime
SA au capital de 6 000 000 F
SS : 45, boulevard Haussmann - Paris (9ème)
Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime sont une filiale à 99,9 % de la Banque Worms et Cie.
Établissements de crédit présentateurs„ montant et durée du crédit :

 

%

Francs

MM. Worms et Cie, chef de file

39

780 000

Crédit lyonnais

15

300 000

Banque nationale pour le commerce et l'industrie

15

300 000

Société générale

15

300 000

Sofibanque-Hoskier

10

200 000

BIAN

6

120 000

(5 ans)

 

2 000 000

 

Activité et moyens de production

Les ACSM sont spécialisée dans la construction de navires de tonnage moyen pouvant aller jusqu’à 30 000 tonnes de port en lourd : cargos, minéraliers, petits pétroliers, mais l'entreprise s’est surtout attachée à développer les navires spécialisés ; elle fabrique actuellement le premier navire méthanier fabriqué en France.
La société construit seulement les coques et n’a pas les moyens de production pour la fabrication des moteurs.
Depuis trois ans la société a entrepris une reconversion partielle qui doit porter à 40 % son effectif reconverti en 1965. Les nouvelles activités sont des fabrications de chaudronnerie, destinées principalement à l’industrie chimique et à l’industrie du pétrole.
Dans le secteur de la mécanique, les ACSM se sont associés à un bureau d'engineering, la société Wean-Damiron, spécialiste des installations sidérurgiques pour former les Constructions mécaniques du Trait, SARL au capital de 4 000 000 F (ACSM : 50 % - WD : 50 %)
Facturations (en milliers de F)

 

1960

1961

1962

Marine de commerce

62 554

74,4 %

53 770

73,5 %

64 285

73 %

Marine nationale

15 036

17,9 %

1 857

2,5 %

960

1 %

Activités de reconversion

6 532

7,7 %

17 748

24 %

23 263

26 %

Total

84 122

 

73 375

 

88 508

 

 

Moyens de production

Le siège social et la direction générale sont à Paris dans des locaux en location.
Les chantiers sont situés entre Rouen et Le Havre sur la commune du Trait.
Surface couverte : environ 30 000 m2 sur un terrain de 25 ha dont 23 ha en toute propriété et 2 ha amodiés.
8 cales, dont 2 de 190 m
Atelier de tôlerie de 18 500 m2
Atelier de mécanique de 3 800 m2 loué aux Constructions mécaniques du Trait
Important parc de machines-outils, matériel de chaudronnerie et de soudure. Moyens de levage.

Effectif

1 837 personnes dont 20 à Paris

Situation financière

Voir ci-joint bilan au 31 décembre 1962

Constructions mécaniques du Trait

Gérance
M. Pierre Herrenschmidt – Cogérant
M. Paul Damiron – Cogérant
et

Liste des associés

Répartition du capital social

SA des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime
9, rue Tronchet - Paris 8ème

19 970 parts sociales de 100
 

SA Wean-Damiron
10, place des États-Unis - Paris

19 970 parts sociales de 100
 

Divers

60 parts sociales de 100

Total

40 000 parts sociales de 100

Dossier E. N°
Section : Métallurgie
Indice : 25-2

 

[1] Wean-Damiron est une SA au capital de 2 520 000 F, créée en 1956 entre le groupe américain Wean-Mc Kay (50 %) et l’affaire française Damiron et Cie (50 %). Conception d’équipements pour les industries métallurgiques.

[2] Rappelons que le Crédit national participe au financement de ce navire et qu’il a consenti un prêt de 20 millions F à son armateur, la société Gaz Marine (prêt n° 12.490 - Conseil d’administration du 30 juillet 1963).

[3] Jusqu'à présent, CMT n'a pas d'autre client que ses deux actionnaires, ACSM et W-D ; ceux-ci ont convenu que l'affaire travaillerait à prix coûtant de manière à ne dégager ni bénéfice ni perte.

[4] Frais de siège et frais financiers à long terme.

[5] Dont 1 700 000 pour le méthanier.

[6] La capacité maximum du chantier est de 3 à 3,5 millions d'heures productives par an.

[7] La direction générale, depuis mars 1963, est au 9, rue Tronchet Paris (8ème) où les ACSM occupent deux étages (300 m2 environ au total) d'un immeuble appartenant à la Mutuelle générale française Vie (Le Mans). Le siège social, où il n'y a plus de services, est boulevard Haussmann dans un immeuble de la Maison Worms.

[8] 23 ha en toute propriété et 1,5 concédé par les Domaines.

[9] Écoles, laboratoires, bureaux d'études. Ces éléments sont montés par une entreprise havraise de construction.

[10] A l’exclusion des frais de formation et d’études qui ont été passés en frais généraux.

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