1963.10.18.De André Renaudin - Paris Normandie.Article sur le premier navire méthanier français

 

Le Havre, port méthanier

La maquette du premier navire méthanier en construction aux Chantiers du Trait

a été présentée hier soir à Paris

Un navire méthanier à sept citernes, destiné au port méthanier du Havre, a été commandé aux chantiers du Trait.

La présentation de la maquette que nous publions ci-contre a eu lieu hier, en fin d'après-midi, à Paris.

De nombreuses personnalités des services officiels du monde de l'armement, de l'air liquide, de la banque, ont été à cet effet accueillies par les représentants du Gaz de France et de ses sociétés filiales, la société Méthane Transports, et Gaz-Marine.

L'état-major des Chantiers du Trait, le président, M. Herrenschmit ; le directeur, M. Lamoureux, et le sous-directeur actuel, M. Grillat, étaient présents. Ce dernier étant tout spécialement appelé à veiller, l'an prochain, sur l'activité des ACSM.

L'opération "Beauvais"

La projection d'un film de court métrage, consacré aux opérations du méthanier expérimental "Beauvais", avait précédé la présentation de la maquette. Ce film a fourni le détail de ce que l'on a appelé "l'Opération Beauvais".

Il s'agit de la transformation d'un liberty-ship, mis tout exprès à la disposition de la société d'études par l'administration de la Marine marchande.

L'expérimentation des diverses méthodes de transport du gaz naturel saharien par navire, ainsi que les autres expérimentations de chargement et de déchargement du gaz naturel liquéfié, ont été clairement expliquées.

Méthane-Transport est la société d'études créée en 1960 par M. Labbé, associé gérant, de MM. Worms et Compagnie, et président du Comité central des armateurs français. Cinq sociétés d'armement et cinq banques ont constitué cette société, sur l'initiative de Gaz de France.

Le concours d'un groupement des principaux chantiers navals français a été obtenu pour la circonstance.

Le "Beauvais" a déjà été transformé aux chantiers de Penhoet en méthanier. Il a permis d'étudier la mise en service de trois réservoirs de conceptions très différentes (acier à 9% de nickel et alliage aluminium).

En outre, toutes sortes de mécanismes et d'appareils ont été confrontées pour le service à très basse température (notamment cinq types de pompes de cargaison).

Les essais se sont poursuivis au printemps et pendant l'été 1962. Le "Beauvais" ayant reçu un chargement de gaz naturel de Lacq liquéfié à la station expérimentale du méthane liquide, sise à l'usine à gaz de Roche-Maurice, près de Nantes.

Une véritable coordination des efforts administratifs a permis de mener à bien de tels essais.

Le nouveau navire en construction

Le premier navire méthanier français prendra donc, en 1964, la relève du "Beauvais".

Le bateau sera long de 201 m., large de 24 m. 70.

Les sept citernes auront une capacité totale en liquide de 25.500 mètres cubes. Le navire transportera à chaque voyage, entre Arzew et Le Havre, une quantité de gaz naturel (13,8 millions de mètres cubes de gaz), équivalente en thermies à la consommation annuelle de gaz d'une zone urbaine comme Rouen ou Rennes. Sa mise en service est prévue pour le quatrième trimestre de 1964. On sait qu'un accord a été conclu, en 1962, avec la Société d'exploitation des hydrocarbures, à Hassi R' Mel (Sahara). Le Gaz de France recevra par cette voie 420 millions de mètres cubes de gaz, qui seront ultérieurement amenés dans la région parisienne.

Le second problème, dont la solution aboutit au projet du Havre port méthanier, comprend le transport du gaz par mer, à la température de - 160°.

Les bateaux calorifugés

d'une part pour Londres,

d'autre part pour Le Havre

Pour amener le gaz à une si basse température, on le fait traverser, sous une pression de 40 kg. cm2, une série d'échangeurs de température dans lesquels il cède graduellement ses calories à des fluides frigorigènes, qui sont eux-mêmes refroidis par compression et détente. Il est finalement liquéfié par le froid dû à sa propre détente jusqu'à la pression atmosphérique.

 

Le liquide obtenu est ensuite stocké, puis transporté par bateaux calorifuges vers son port de destination, où il sera regazéifié.

La première usine de liquéfaction a été mise en construction à Arzew, à proximité d'Oran. Capacité de liquéfaction estimée à 1,5 milliards de mètres cubes de gaz par an.

Ce gaz sera acheminé, d'une part, vers Canwey-Island, dans l'estuaire de la Tamise, à bord de deux méthaniers de 12.000 tonnes ; d'autre part, à bord du méthanier expérimental français "Beauvais" (en attendant la mise en service du premier navire actuellement en construction au Trait), jusqu'aux installations de réception aménagées par le Gaz de France et situées dans le port pétrolier du Havre.

L'année prochaîne, le gaz d'Hassi R' Mel aura franchi la mer en très grosses quantités pour être distribué aux consommateurs de Paris et de Londres.

André Renaudin

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