1962.02.06.De Emile Biette - Paris Normandie.Article sur la Maison Worms

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Charbons, armement, constructions navales et banque

sont les quartiers de la "Maison" Worms, née avec la IIe République

La mort récente d'Hyppolite Worms, associé-gérant de la Maison Worms et Compagnie, président de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire et de la Société française de transports pétroliers, administrateur de la Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest et de la société Worms Compagnie maritime et charbonnière, a ramené l'attention sur la flotte au pavillon bleu frappé d'un disque blanc, flotte qui compta jadis dans ses rangs un cargo lui-même nommé "Hypolite-Worms".

Plâtre contre charbon

Cet Hyppolite Worms était le grand-père de l'Hyppolite Worms qui vient de disparaître. II était le fondateur des services de navigation qui devaient devenir plus tard Worms et Cie. C'était en 1848, il y a donc plus d'un siècle. Hyppolite Worms, qui s'occupait de la fabrication du plâtre, eut l'idée d'eu vendre à l'Angleterre. Le fret de retour serait constitué par du charbon, pris directement aux centres miniers. Pour réaliser ce projet, il installa une succursale à Newcastle, une à Rouen et une au Havre. Les denrées et les produits agricoles complétèrent bientôt les chargements.

Au moment du développement de la navigation à vapeur, les besoins en houilles étaient importants. Hyppolite Worms traita avec les armements pour les fournitures de combustible ; en particulier à l'époque de la guerre de Crimée, il s'assura le ravitaillement en charbon des unités du corps expéditionnaire français. Par la suite, il étendit même son activité hors d'Europe. En 1851, il s'établit à Cardiff, dont les produits étaient réputés. Il est devenu le plus gros acheteur français de charbon, il est un des principaux affréteurs français dont les bâtiments naviguent sous pavillon britannique.

Avoir ses propres navires

Mais cette situation ne devait pas se prolonger. Dès 1855, Hyppolite Worms est armateur. L'année suivante, il possède quatre cargos à hélice, et Bordeaux, Rouen, le Havre et Dieppe sont reliés à Grimsby. En 1857, Hambourg et Copenhague sont atteints. En 1858, c'est au tour de Cronstadt. A vrai dire, ces dernières liaisons sont assez sporadiques. Cependant, au fur et à mesure que le temps s'écoule, l'organisation se fait : la ligne Bordeaux-Hambourg devient l'armature du grand réseau de cabotage international qui fera ultérieurement la prospérité de la Compagnie.

En 1874, Hyppolite Worms prit avec lui Henri Josse, lequel avait dû, pour des motifs politiques, s'exiler outre-Manche. Ainsi apparut la raison sociale Worms et Cie. En 1877, Hyppolite Worms, le fondateur, mourut. Dès lors, des raisons sociales diverses se succèdent : Worms, Josse et Cie en 1881, puis Worms et Cie en 1895, Josse ayant été remplacé deux ans auparavant par Henri Goudchaux, un cousin par alliance.

La guerre russo-japonaise devait stimuler l'effort de la Compagnie en Méditerranée : des dépôts de charbon furent créés à Alger et à Port-Saïd.

En 1897, Marcus Samuel, un trafiquant de nacre du Proche-Orient, s'intéressant aux transports de pétrole, avait fondé la Shell. La Compagnie Worms en devint l'agent.

Et en 1908, Hyppolite Worms, le petit-fils du fondateur — celui-là même qui vient de mourir le mois dernier — entre dans la maison. Trois ans après, il devient associé et prend la direction de l'affaire.

II est aidé par Michel Goudchaux nommé associé en 1911. Quatre orientations différentes se font alors jour : les charbons, les services maritimes, les constructions navales et la banque.

En 1916, Henri Goudchaux disparaît et, en 1918, Hyppolite Worms organise la base de Beyrouth, tandis qu'on importe des charbons de la Ruhr, de la Pologne on du Tonkin, car le marché anglais est en "perte de vitesse". En 1929, il fonde la banque qui porte son nom, participe à la direction de la Compagnie havraise péninsulaire, rénove les Chantiers de la Seine-Maritime au Trait.

La "Maison" Worms

A la veille du second conflit mondial, les services de la Compagnie Worms touchaient la Grande-Bretagne, la Belgique, la Hollande, la Suède, le Danemark, l'Allemagne, la Baltique jusqu'à Leningrad. Pour assurer ce trafic, la Compagnie disposait de vingt-quatre navires, que la guerre devait réduire à onze. Sous l'uniforme des patrouilleurs auxiliaires, ou bien en continuant leur tâche de cargos, treize unités forent perdues. Ce furent les "Barsac", "Cérons", "Château-Palmer", "Château-Yquem", "Fronsac", "Jumièges", "La-Mailleraye", "Listrac", "Lussac", "Médoc", "Mérignac", "Pontet-Canet" et "Sauternes". Un gros effort s'imposait pour reconstituer la flotte. En même temps, les trafics s'étaient modifiés, la Méditerranée était devenue un nouveau théâtre d'opérations, le charbon se "faisait" de moins en moins. II fallait "repenser" les problèmes, se séparer de certains navires qui ne convenaient plus, en acquérir d'autres mieux adaptés. Mais cela, ce n'est plus de l'histoire, c'est de l'actualité. C'est la vie quotidienne — qu'il n'est pas dans notre intention de conter — de la "Maison" Worms.

Émile Biette

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