1961.00.De NCHP.Fascicule les transports maritimes dans l'économie des iles de l'Océan indien

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Les transports maritimes dans l’économie des îles de l’océan Indien

Le commerce extérieur des îles de l’océan Indien
Madagascar
La Réunion
Les Comores

Est assuré par :
- des transports maritimes : Compagnie des messageries maritimes, Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation, Ligne scandinave de l’Afrique orientale, Robin Line, Clan Line.
- des transports aériens : Air France, TAI. Toutes ces Compagnies (aussi bien aériennes que maritimes) sont groupées, suivant le trafic qu’elles assurent, en conférences.

Qu’est-ce qu’une conférence[1] maritime ?
C’est une entente entre compagnies assurant régulièrement les mêmes liaisons ; elle a pour but d’éviter l’anarchie sans pour autant supprimer la compétition.
La conférence permet d’offrir à la clientèle :
- des frets stables
Contrairement au spéculateur occasionnel, le chargeur régulier désire obtenir des taux de fret sur lesquels il puisse se baser avec certitude et souvent pour d’assez longues périodes.
À cet égard la comparaison des indices des frets de l’océan Indien avec ceux du tramping met clairement en valeur cette stabilité.  

[Un graphique est inséré ici sur les indices de la Chamber of shipping base sterling, échelle 1952 (100 moyenne de l’année)]

- des frets égaux pour tous
Le chargeur régulier désire aussi une égalité réelle de traitement avec ses concurrents.

- des frets adaptés aux divers courants de trafic
La Conférence collabore directement avec les pouvoirs publics et les chargeurs pour étudier tout aménagement de tarifs nécessaire au développement des échanges commerciaux.

La conférence offre aussi :
- des services de qualité, c’est-à-dire :
- des liaisons régulières et fréquentes entre :
- tous les ports, même d’importance secondaire, couverts par la Conférence,
- et même les ports du monde entier, par voie de transbordement.
- des transports rapides
- des dates d’escale précises et annoncées longtemps à l’avance
- la prise en charge de toutes les marchandises quelles que soient leur nature et leur quantité, ce qui exige des navires toujours mieux adaptés et dotés d’aménagements spécialisés pour toutes les catégories de marchandises : véhicules à nu, denrées périssables congelées ou réfrigérées, liquides en vrac, marchandises dangereuses ou de valeur, colis lourds ou encombrants.

[Une carte de Madagascar est insérée ici indiquant « 23 ports à desservir dans l’océan Indien dont 19 pour la seule île de Madagascar]

[légende :] La desserte de toutes ces rades est assurée en permanence par six navires côtiers dont la mise en ligne constitue un investissement important et une lourde charge d’exploitation.

[Suit un schéma d’un navire]

- la sécurité pour les marchandises transportées ce qui leur permet d’obtenir par ailleurs les meilleures conditions d’assurance.
De tels services ne peuvent être assurés que par des lignes régulières mettant à la disposition de leur clientèle des unités qualifiées et des services harmonisés.
C’est ce qui différencie essentiellement les lignes régulières des armements au tramping qui ne peuvent s’intéresser qu’aux cargaisons importantes et homogènes (en général, à partir de 5.000 à 6.000 tonnes d’un même produit), et à des dates qui sont fonction des disponibilités de navires sur le marché du tramping.
En un mot, le trafic des lignes régulières est au tramping ce qu’est le commerce de détail au commerce de gros.
Voici un exemple précis des services rendus par les lignes régulières :
Au mois de septembre dernier un exportateur de Mormbé chargea un lot de 104 t. de manioc à destination de Nantes.
Pour l’armement de la Conférence qui a émis le connaissement de bout en bout, l’opération s’est soldée comme suit :

Fret net Morombé-Nantes

 

355.670 CFA

Prétransport Morombé-Tamatave

88.917,5 CFA

 

Frais de transbordement à Tamatave

69.034 CFA

 

Transbordement à Bordeaux

82.420 CFA

 

Réexpédition sur Nantes

170.935 CFA

 

 

 

411.306,5 CFA

Déficit

 

55.636,5 CFA


augmenté encore de la charge des commissions d’agences (au port de sortie, aux deux ports de transbordement et au port de destination).

Cet exemple, qui pourrait être multiplié, illustre bien les services rendus par les lignes régulières qui ne se contentent pas d’« écrémer » le bon fret, mais qui s’imposent de prendre en charge toutes les marchandises pour toutes les destinations.
- Voilà défini ce qu’offrent à la clientèle les lignes régulières groupées en conférences maritimes et qui dépasse de très loin les possibilités de l’armement isolé.
Il est à noter que le système conférentiel n’est pas propre à la ligne de l’océan Indien, mais qu’il constitue une coutume, vieille de près d’un siècle, universellement établie dans le monde entier.

Il n’existe pas de trafic régulier qui ne soit ainsi couvert et les gouvernements qui ont eu à examiner le travail des Conférences ont tous conclu que cette forme d’organisation était nécessaire aux intérêts des affaires et du commerce comme à ceux de la navigation.

En ce qui concerne plus particulièrement les îles de l’océan Indien, les armements groupés au sein de la Conférence Export-Import des lignes de la navigation desservant Madagascar et dépendances, Les Comores et l’île de La Réunion, ont toujours eu à cœur d’offrir le meilleur service aux usagers et les efforts faits dans ce sens, plus spécialement depuis la guerre, méritent d’être soulignés.
- Les efforts des armements de la Conférence pour améliorer leurs services ont largement précédé la progression du commerce extérieur malgache…

[Insertion d’un schéma intitulé « Accroissement de la flotte comparé au trafic de l’océan Indien »]

Le coût du fret
Qu’est-ce que le fret ?
Le fret constitue la rémunération du seul transport maritime. Il ne représente donc qu’un des éléments du prix de revient du transport d’un produit.

Quelle est la part du fret dans le prix de revient d’un produit rendu à destination ?
En règle générale, plus un produit est « riche » moins, proportionnellement, la charge du fret est lourde. Elle va même jusqu’à être négligeable pour certaines marchandises de grande valeur qui, parfois, n’hésitent pas à emprunter la voie aérienne.
Même dans le cas des produits « pauvres » choisis à dessein (ci-dessous) il apparaît clairement que le transport maritime ne constitue pas un élément prédominant du prix de revient : rarement plus de 10 %, exception faite pour certains produits comme le ciment par exemple qui, en raison de leur très faible valeur, sont des cas extrêmes.

Voici quelques exemples :

[Un schéma est inséré ici]

Comment se préparent les frets de la Conférence de l’océan Indien avec :
- les tarifs pratiqués dans d’autres phases du transport
Voici un exemple : celui de 1 tonne de ciment

[Un schéma est inséré ici]

- les frets en vigueur dans d’autres Conférences
La confrontation entre les tarifs pratiqués sur des lignes soumises à des conditions d’exploitation différentes présente toujours un caractère artificiel.
Toutefois, pour fixer les idées, il est intéressant de voir comment se comparent les frets de la Conférence de l’océan Indien et ceux d’autres Conférences africaines : Côte occidentale d’Afrique et Est Afrique.

Comparaison des taux nets (en NF)

À l’exportation de

 

Tamatave

Mombasa

Pointe Noire

Cafés en sac

T

158,76

174,81

120,25

Cuirs secs

T

148,50

255,49

157,25

Arachides en coques

T

170,10

159,90

126,72

Graines de ricin

T

71,10

151,58

76,77

Sisal

M3

53,10

71,31

56,80

Tabacs bruts

T

291,60

166,25

307,10

Manioc

T

61,20

83,39

91,57

Tapioca

T

90,00

83,39

91,57


En dépit de certaines disparités, les frets en sortie de Madagascar sont en général moins « chers » ; ils le sont dans tous les cas si l’on tient compte de l’éloignement et des conditions plus difficiles d’opérations (questions sur lesquelles nous reviendrons ci-après).
Cette situation qui favorise les exportations malgaches est le résultat de la politique de soutien aux produits de la Grande Ile que les armements de la Conférence s’imposent depuis de nombreuses années.
 

À l’importation sur

 

Tamatave

Mombasa

Pointe Noire

Automobiles à nu

M3

121,50

94,63

110,07

Farines

T

74,70

71,82

66,00

Fers en barres

T

107,10

87,09

72,84

Machines

T/M3

165,60

144

121,17

Papier impression balles

M3

148,50

139,05

80,47

Tissues en balles

T

244,80

98,70/M3

255,30


Les frets pour Tamatave plus élevés en valeur absolue, restent néanmoins dans l’ensemble parfaitement comparables à ceux pratiqués par les autres Conférences africaines, surtout si l’on tient compte des servitudes particulièrement lourdes de la ligne de l’océan Indien.

Les servitudes de la ligne
Le fret d’une ligne régulière, rémunération d’un service, dépend des conditions dans lesquelles s’effectue ce dernier.
À cet égard quels sont les facteurs particuliers à la ligne de l’océan Indien :
- distances considérables à parcourir. Pour relier Madagascar à l’Europe les navires doivent accomplir une distance représentant plus du quart du tour du monde.
Le tableau ci-dessous montre clairement les différences de distances entre les ports d’Europe/Mombasa et Pointe Noire d’une part, Tamatave d’autre part. Il y a lieu de noter à ce sujet que si Pointe Noire est le port terminal pour la COA. Tamatave est loin de l’être pour l’océan Indien.
 

(en milles)

Mombasa

Pointe Noire

Tamatave

 

 

 

Via Pt Saïd

Via Le Cap

Oslo

6.885

5.390

7.455

8.525

Goteborg

6.815

5.320

7.385

8.755

Hambourg

6.720

5.225

7.290

8.660

Rotterdam

6.400

4.905

6.970

8.340

Anvers

6.385

4.890

6.955

8.325

Dunkerque

6.310

4.680

6.850

8.140

Le Havre

6.210

4.580

6.750

8.040

Bordeaux

6.040

4.420

6.590

7.880

Marseille

4.620

4.440

5.180

7.900


Du fait de l’éloignement des Iles de l’océan Indien, la durée moyenne de la rotation d’un navire rapide est de 4 mois et plus, tandis qu’elle se situe entre 2 et 3 mois sur la Côte occidentale d’Afrique.
Un navire qui accomplit 3 voyages sur la COA n’en effectuait que 2 dans les mêmes conditions sur l’océan Indien.

- passage par le Canal de Suez qui est la source de frais importants. Ceux-ci sont évalués à des dépenses correspondant à un trajet maritime de l’ordre de 1.000 à 1.200 milles.

À chaque passage du Canal de Suez un navire de la Conférence de l’océan Indien

Paie de 1.800 £ à 2.500 £.
Soit de 1.250.000 frs CFA à 1.750.000 frs CFA.
Soit aller et retour de 2.500.000 frs CFA à 3.500.000 frs CFA.

[Un schéma représente ici Port-Saïd et Suez]

- multiplicité et précarité des ports à desservir
Parmi les servitudes d’une ligne régulière, une des plus lourdes est de devoir accepter toutes les marchandises pour toutes les destinations.
À cet égard, ainsi que nous l’avons déjà vu, la situation de Madagascar est particulièrement défavorable : 19 ports et rades à desservir[2], soit par transport direct, soit par transbordement, ce qui de toute façon impose aux Armateurs de lourdes charges (rémunération du 2e navire associé au transport, frais de transbordement très élevés).
Cette multitude d’escales imposées par la géographie de la Grande Ile, dont les voies de communications intérieures sont rares et difficiles n’est malheureusement pas en voie d’amélioration. L’expérience prouve en effet que la mise en route d’industries et d’exploitations nouvelles oblige bien souvent à desservir des rades supplémentaires : ciments à Amboanio, sucre à Port-Saint-Louis, ilménite envisagé à Vatomandry…

Inutile de dire que le trafic de Madagascar ainsi dispersé ne permet pas la constitution de grands ports modernes en eau profonde et que les opérations des navires doivent donc s’effectuer dans des conditions de travail difficiles, à la merci des intempéries et avec souvent des attentes longues et onéreuses.

Déséquilibres profonds du trafic
- un déséquilibre permanent affecte l’ensemble des échanges. Le total des importations de Madagascar est en effet régulièrement supérieur aux exportations.

[Un graphique indique les chiffres de l’importation et de l’exportation à Madagascar]

La Réunion qui à cet égard bénéficiait d’une situation plus favorable semble malheureusement depuis quelques années souffrir d’un déséquilibre identique à celui de Madagascar

[Un graphique indique les chiffres de l’importation et de l’exportation à La Réunion]

- un déséquilibre saisonnier des exportations aggrave encore considérablement cette situation en « concentrant » les chargements dans l’océan Indien sur quelques mois de l’année. Ces variations saisonnières sont la conséquence de l’économie essentiellement agricole de Madagascar et de La Réunion.

[Un graphique représentant le trafic en tonnes à Madagascar et à La Réunion entre 1956 et 1960]

Du fait de ces déséquilibres il est donc clair que les navires mis en charge en Europe ne peuvent pas trouver dans l’océan Indien la contrepartie des tonnages qu’ils y ont transportés à l’aller.
Comme dans toute industrie, l’Armateur n’obtient une rentabilité satisfaisante de son outil, un navire extrêmement onéreux en la circonstance, que s’il peut lui assurer, sinon un plein emploi, du moins une utilisation suffisante.

En conclusion

Les Armements de la Conférence de l’océan Indien, en dépit de tous ces obstacles, ont accompli depuis la guerre un effort d’investissement et d’organisation qui profite directement à l’économie des pays de l’océan Indien.
À l’aube de son indépendance, Madagascar procède à l’inventaire de ses richesses, de ses possibilités, de ses retards…
À l’actif de son commerce extérieur, la Grande Ile peut être fière de disposer de services maritimes qui comptent parmi les meilleurs du monde par leur vitesse, leur régularité, leur sécurité et leur parfaite adaptation aux exigences du trafic.
Au moment où la République malgache doit faire face à des problèmes d’investissement de toutes sortes pour combler les retards de son économie, la Conférence de l’océan Indien est heureuse de pouvoir mettre à sa disposition des liaisons maritimes modernes, efficaces et économiques avec les pays qui sont ses fournisseurs et ses clients.




 

 

[1] À ne pas confondre, comme il est souvent fait à tort, avec un « pool » qui consiste en une mise en commun, par les diverses compagnies assurant un trafic, de leurs recettes. Il n’y a pas de « pool » sur la ligne de l’océan Indien.

[2] 5 ou 6 seulement pour la COA.

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