1948.08.00.De Worms et Cie.Historique de la ligne Dunkerque-Hambourg (1894-1906)

Copie de note

NB : Synthèse préparatoire à la rédaction de l'ouvrage intitulé "Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie". L'image (PDF) de ce document, de mauvaise qualité, n'a pas été conservée.

Ligne Dunkerque-Hambourg

1894, la Maison Worms avait déjà songé à introduire l'escale de Dunkerque dans les itinéraires de ses navires, mais elle doutait qu'il fût possible d'y récolter un fret suffisant et d'y réussir sans l'aide d'une subvention du Chemin de fer du Nord.
Il n'est pas possible, au point où en est actuellement le dépouillement des archives, de savoir si la chose fut essayée par la suite, avant l'année 1906 ; mais vers le milieu de cette année elle décida de créer un service régulier entre ce port et Hambourg, avec départ tous les 14 jours.
Le premier départ fut fixé au 30 juillet.
Pour assurer le fonctionnement du nouveau service elle se borna, tout d'abord, à prendre un agent. Elle choisit la succursale de la Maison Daher & Cie, se réservait de reprendre à tout moment sa liberté d'action et de s'installer elle-même à Dunkerque, soit que le service qu'elle allait organiser prenne une extension justifiant cette mesure, soit qu'elle prenne d'autres affaires sur la place de Dunkerque.
En fait, l'agence fut transformée dès le 1er janvier 1907, en succursale chargée de s'occuper également de toutes affaires d'agence maritime, consignation, transit, etc., et de servir de correspondante à la Maison Daher & Cie qui s'engagea à lui confier toutes opérations de transit et de consignation qu'elle avait en cours et celles qu'elle pourrait y obtenir.
La direction du Havre voyait dans cette escale, surtout un "avant-poste" destiné à protéger Le Havre et Rouen contre l'établissement d'une concurrence. Elle espérait, cependant, arriver à recruter, comme les autres lignes qui fréquentaient le port, un fret rémunérateur.
Elle se voyait, d'ailleurs, de plus en plus devant la nécessité de contrôler le trafic entre la France et Hambourg dans le plus grand nombre possible de ports français et d'étendre ses services entre la France et l'Allemagne par Hambourg, toutes les fois qu'un mouvement d'affaires existait ou pouvait être provoqué.
Les débuts furent difficiles. Elle éprouva les plus grandes difficultés à ramener à Dunkerque le trafic des régions du Nord et de l'Est qui, depuis plusieurs années, prenait la route d'Anvers.
L'annonce de la création du service de Dunkerque provoqua quelques protestations, dont une de la part de Danois "Det Forenede Dampskibs-Selskab" de Copenhague, qui avait établi à Dunkerque un service hebdomadaire régulier qui lui assuirait, en quelque sorte, le monopole des expéditions de ce port pour les ports danois, allemands et russes de la Baltique.
Les deux Maisons, qui vivaient depuis longtemps en bonne intelligence et s'efforçaient de ne pas se nuire, échangèrent, à ce sujet, une correspondance intéressante, qui montre quelles furent, pour la Maison Worms, les conséquences de l'ouverture du canal de Kiel.
Jusqu'à cette ouverture, Copenhague était la voie naturelle de tout le trafic des ports de France jusqu'aux ports allemands, danois et russes de la Baltique, dont la Maison Worms n'avait, pour ainsi dire, aucune part par Hambourg. La Det Forenede Dampskibs-Selskab n'avait jamais cessé d'affirmer son intention de et de conserver toute la partie de ce trafic en provenance des ports français qu'elle desservait.
La nouvelle situation géographique créée pour Hambourg vint changer la situation au profit de la Maison Worms.
Le directeur de la succursale du Havre se rendit alors à Copenhague avec M. Cellier de Hambourg, pour signaler à la Det Forenede Dampskibs-Selskab l'intérêt que la Baltique allait prendre pour la Maison Worms, par suite de l'activité nouvelle des lignes au départ de Hambourg. Il fut très courtoisement accueilli et le directeur de la Compagnie danoise mit une entière bonne grâce pour lui déclarer que sa Compagnie ne pouvait considérer comme une concurrence que la Maison Worms mit à profit la nouvelle situation, à la condition de le faire discrètement sans avilir les frets.
La bonne entente ne cessa pas à la suite de cette visite. La Maison Worms chercha a éviter de marcher sur les brisées de la Det Forenede Dampskibs-Selskab, lui signala la nécessité d'augmenter la fréquence et la régularité des départs pour la Baltique, en vue de répondre au désir de la clientèle et renonça même, à deux reprises, sur l'affirmation de la Det Forenede Dampskibs-Selskab que celle-ci pouvait suffire à assurer les besoins, soit à entreprendre, par le canal de Kiel, une ligne directe sur la Baltique, soit à établir d'accord avec elle, un service combiné via Copenhague tantôt via Hambourg.
Elle tint, cependant, toujours, à manifester la nécessité pour elle de surveiller le courant de trafic que l'ouverture du canal pouvait créer pour la Baltique, via Hambourg, et de ne pas s'en désintéresser complètement en fait, malgré l'espoir que la Det Forenede Dampskibs-Selskab semblait avoir eu de pouvoir retenir la préférence à la voie de Copenhague, celle de Hambourg fut recherchée et il s'établit un petit courant de trafic, dont la Maison Worms avisa d'ailleurs la Det Forenede Dampskibs-Selskab.
Il y avait là une évolution que la Det Forenede Dampskibs-Selskab, peut-on dire, avait elle-même jugée comme naturelle et inévitable mais comme la quantité de marchandises qui lui échappait par la voie de Hambourg allait sans cesse en augmentant, elle songea à incriminer la Maison Worms. Celle-ci comprenait, par contre, que par la force des choses les Hambourgeois feraient toujours leur possible pour concurrencer Copenhague et que, si elle ne voulait pas se prêter à leur désir dans une mesure raisonnable, elle risquerait de compromettre sa réputation et sa position et que le jour où elle refuserait le fret qu'elle avait pour la Baltique on irait l'offrir à des concurrents.
La Det Forenede Dampskibs-Selskab prit pour base principale de sa réclamation les déclarations contenues dans la publicité dont la Maison Worms accompagna la création de son nouveau service.
« Pour ce qui est de Dunkerque, lui écrivit-elle, entre autres choses, nous y avons établi un service hebdomadaire et régulier ...qui nous assure pour ainsi dire le monopole des expéditions de ce port pour les ports danois, allemands et russes de la Baltique. Du moment que vous annoncez que vous délivrez des connaissements directs pour certains de ces ports toutes les marchandises que vous obtiendrez nous seront fatalement enlevées et cela, comment pourrions-nous l'envisager, sinon comme un empiétement sur notre terrain ! Ce que nous voudrions, c'est qu'en ce qui regarde les ports de la Baltique que nous desservons, vous renvoyiez les chargeurs à nos agents. »
« Nous vous demandons, répondit la Maison Worms, s'il est raisonnable, étant donné notre situation bien connue dans le grand port de l'Elbe, de vouloir que nous nous prêtions à détourner de lui, en le refusant désormais, au profit de Copenhague, un trafic qui lui est venu tout seul, et sans que nous lui courions après, grâce aux facilités qu'il a su offrir le premier ! »
Au sujet de Dunkerque et de l'annonce incriminée, elle expliquait, en outre, qu'elle n'y avait ajouté elle-même aucune importance car elle avait donné des instructions à ses agences pour qu'en aucun cas il ne soit fait une offre inférieure aux prix de la Det Forenede Dampskibs-Selskab que, de plus, les départs de celle-ci étant hebdomadaires, alors que les siens n'avaient lieu que tous les 14 jours, il était certain que la Maison Worms ne récolterait rien que dans des cas exceptionnels.
La Det Forenede Dampskibs-Selskab proposa une réunion pour solutionner le débat, mais, alléguant qu'elle ne pouvait, pour le moment, déléguer quelqu'un au Havre, elle demanda que cette réunion eût lieu à Copenhague. La Maison Worms accepta, mais sans pouvoir préciser à quelle date un de ses associés ou quelqu'un de sa direction pourrait entreprendre le voyage.
Les choses en resteront là, au moins provisoirement !

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