1948.07.29.De Worms et Cie.Historique.Shell Transport and Trading Co. Ltd.

Copie de lettre

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NB : Synthèse préparatoire à la rédaction de l'ouvrage intitulé "Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie".

Port-Saïd

29 juillet 1948

Shell Transport & Trading Co. Ltd

Dans les premières années qui suivirent ses accords avec la Maison Worms & Compagnie, la Maison M. Samuel & Co. n'avait cessé d'étendre ses opérations aux Indes, en Indochine et en Extrême-Orient.
Encouragée par le succès qu'elle avait obtenu dans sa navigation de tanks-steamers et l'exploitation de ses dépôts de pétrole pour la consommation locale, elle envisagea, en 1897, d'aller de l'avant et de s'organiser en vue du remplacement du charbon par le pétrole dans la navigation à vapeur. L'idée n'était pas nouvelle, mais le gros obstacle qui semblait s'opposer à l'adoption de ce nouveau combustible par la navigation résidait dans l'impossibilité pour les navires de trouver partout les approvisionnements nécessaires à leurs besoins. La Maison M. Samuel & Co. forma le projet de prendre les devants. Au mois d'octobre 1897, à l'époque, par conséquent, où la "Shell Transport & Trading Co. Ltd.", était constituée pour prendre la suite des affaires de la Maison M. Samuel & Co. ainsi que divers éléments de la firme Graham & Co. et les établissements dépendant de plusieurs entreprises de distribution travaillant dans les pays d'Extrême-Orient. l'Alderman Samuel eut une entrevue avec M. H. Goudchaux et lui exposa ses idées.
Ayant en vue, pour commencer, la navigation entre l'Europe et l'Indochine, il comptait créer des dépôts à Londres, Gibraltar, Marseille, Constantinople, Port-Saïd, Suez, Aden ou Périm, Colombo, Bombay, Calcutta, Singapore, Hong-Kong, Shanghai et Yokohama. Malgré les demandes qu'il avait déjà reçues, il tenait à faire à la Maison Worms et Compagnie, la première, l'offre de lui confier son agence à Marseille, à Port-Saïd et à Suez.
Le projet n'était pas fait, a priori, pour sourire à la Maison Worms : le succès de l'entreprise ne pouvait que porter préjudice aux dépôts de charbon. M. H. Goudchaux estima cependant que, si l'expérience devait être tentée, il était préférable de s'y associer et donna son acceptation de principe.
A la demande de l'Alderman Samuel, il eut un entretien préliminaire avec le président de la Compagnie du canal de Suez ; il lui exposa les grandes lignes du projet de MM. M. Samuel & Co. et, en particulier, leur intention d'établir des réservoirs de pétrole à chaque extrémité du Canal. Le président de la Compagnie du Canal exprima le désir d'être mis en possession d'un exposé détaillé du projet, d'une demande de terrains et de tous renseignements qui pourraient être utiles, en vue d'un examen par le Conseil.
Ayant déjà entre les mains, dans l'île de Bornéo, des sources de pétrole extrêmement riches, la Maison M. Samuel & Co. envisageait de s'adresser le moins possible, pour l'alimentation de ses dépôts, au pétrole russe. En ce qui concerne Port-Saïd, son idée aurait été d'établir, le long des berges du Canal, des conduites qui auraient puisé le liquide dans le dépôt de Suez et l'auraient amené jusqu'à Port-Saïd, de façon à éviter la double taxe de transit qu'entraînerait le passage des navires à l'aller et au retour.
M. H. Goudchaux comprit que cette solution ne semblait pas pouvoir être adoptée par la Compagnie du Canal. Sur son conseil la Maison M. Samuel & Co. l'abandonna, calculant d'ailleurs que malgré les deux taxes de passage, le pétrole de Bornéo, transporté par navires jusqu'à Port-Saïd, lui reviendrait encore moins cher que le pétrole de Batoum.
Le 24 novembre 1897, la Maison Worms saisit la Compagnie du Canal d'une demande officielle préliminaire ayant pour objet l'obtention à Port-Saïd et à Port Tewfik, de terrains propres à l'installation de dépôts, comprenant chacun une étendue de 40 à 50.000 mètres carrés, ainsi que les autorisations nécessaires pour leur exploitation. La demande précisait qu'il n'était pas nécessaire que lesdits terrains fussent situés à proximité immédiate des places où seraient amarrés les navires à ravitailler, pourvu que ces places pussent être reliées avec les dépôts par des moyens à étudier.
La Compagnie du Canal soumit l'affaire à l'étude de ses services d'Égypte, mais prévint la Maison Worms que l'autorisation du gouvernement égyptien serait indispensable.
Des conférences eurent lieu sur place, entre les représentants des différentes parties intéressées, à la suite desquelles la Maison Worms adressa à la Compagnie du Canal, le 6 avril 1898, une longue lettre donnant des précisions sur les moyens proposés par MM. M. Samuel & Co. pour l'organisation et l'exploitation de leur entreprise, sur les caractéristiques du combustible qu'ils se proposaient d'avoir en stock, les avantages du combustible liquide, les usages qui en étaient déjà faits, etc. (Elle signalait que le combustible liquide était déjà largement employé depuis longtemps en Russie, par les vapeurs de la mer Caspienne, les locomotives des chemins de fer de la Russie du Sud, les usines et les raffineries. La Compagnie des chemins de fer du Great Western en Angleterre avait 37 locomotives aménagées pour son emploi, soit seul, soit combiné avec le charbon. Les gouvernements russe et italien en avaient adopté l'emploi pour leurs torpilleurs et pour plusieurs de leurs navires de guerre - le gouvernement russe se proposait de créer un dépôt important à Cronstadt - le gouvernement américain venait de commander un torpilleur avec installation spéciale pour l'emploi de ce combustible - l'Allemagne avait décidé de l'employer pour ses torpilleurs et avait construit à Wilhelmshaven des citernes de grandes dimensions pour l'emmagasiner, etc.).
La Compagnie du Canal fit connaître sa réponse le 7 novembre 1898. Elle retenait que la question de l'installation d'un dépôt à Port-Saïd était ajournée d'un commun accord, jusqu'au jour où il serait possible de la faire examiner sur place par le chef du transit, l'ingénieur en chef du Canal et un représentant de la Maison M. Samuel & Co. En ce qui concernait Suez (Port Tewfik), l'emplacement désiré par la Maison M. Samuel n'étant pas situé sur un terrain concédé à la Compagnie du Canal, celle-ci se bornait à examiner le tracé proposé pour la canalisation au moyen de laquelle le mazout serait refoulé des réservoirs dans les chalands-citernes, cette canalisation devant, sur une partie de son parcours, être placée dans les terrains de la concession du Canal maritime. Elle refusait son autorisation à l'itinéraire préféré par MM. M. Samuel & Co. et indiquait celui auquel elle ne s'opposerait pas, et les conditions que le travail devrait remplir. Enfin, elle se déclarait disposée à autoriser ses représentants à la Commission d'administration du domaine commun, à voter en faveur de la location à MM. M. Samuel & Co., ou autres intéressés, d'une surface de terrain et d'eau, dans la nouvelle darse de Port Tewfik, afin de faciliter le stationnement des chalands-citernes et des remorqueurs utilisés pour le trafic du mazout.
MM. M. Samuel & Co. et la Maison Worms n'avaient pas attendu cette réponse pour mettre au point l'organisation de l'agence, ni pour entreprendre des démarches auprès des administrations égyptiennes en vue d'obtenir la disposition des terrains et les autorisations nécessaires, tant en ce qui concernait Port Tewfik qu'en ce qui concernait les dépôts à créer à l'intérieur du pays pour la consommation indigène.
MM. M. Samuel & Co. avaient même pris déjà leurs dispositions afin de pouvoir expédier sans retard d'Angleterre, les matériaux nécessaires, dès que la Maison Worms serait en mesure de commencer les travaux, etc.
L'accord fixant les conditions de l'agence est en date du 30 mars 1898. II fut conclu par la "Shell" Transport & Trading Co. Ltd. MM. M. Samuel & Co. étaient les "managers". Il englobait toutes les affaires de pétrole, quelles qu'elles fussent, de cette société à Port-Saïd et à Suez. Il était convenu que la Maison Worms prêterait son aide pour la construction des dépôts, qu'elle serait chargée de l'agence des navires de la Compagnie à Port-Saïd et à Suez, aux conditions déjà existantes pour MM. Samuel & Co. ; elle s'interdisait de s'intéresser dans toutes autres affaires de pétrole dans toutes places et tous ports à l'est de Suez et à l'ouest de l'Amérique susceptibles de concurrencer les opérations de la "Shell".
Cet accord était conclu pour dix ans, à partir du 1er janvier 1898,. mais lorsque l'Asiatic Petroleum Cy Ltd fut constituée, en 1903, pour la vente des produits, avec le concours de la "Shell", de la Royal Dutch et d'un groupe de producteurs russes et indo-néerlandais, l'accord du 30 mars 1898 fut annulé et remplacé par un accord similaire entre la nouvelle société et la Maison Worms, en date du 26 juillet 1904.
Cet accord précisait que la Maison Worms serait l'agent de l'Asiatic Petroleum Cy Ltd pour les affaires de pétrole :
- dans les ports de Port-Saïd, Suez et Alexandrie,
- dans tout l'hinterland qui pourrait être approvisionné par ces ports plus économiquement que par tout autre,
- dans tous les ports voisins de l'Égypte vers lesquels l'Asiatic Petroleum Cy Ltd ne ferait pas d'expédition directe.
L'agence s'entendait pour tous les produits dérivés du pétrole brut ("Crude Petroleum").
Vers la fin du mois de juin 1898, la Maison Worms prit possession du terrain mis à la disposition de la "Shell" à Port Tewfik, par le gouvernement égyptien. La "Shell" remit alors à la Maison de Suez des instructions générales pour la conduite de l'affaire et l'exécution des travaux et commença, au début du mois d'octobre, l'expédition du matériel nécessaire pour la construction de deux réservoirs de 4.000 tonnes chacun. Elle décida, peu de temps après (décembre) d'en porter le nombre à trois.
Elle considérait que son installation de Port Tewfik était, pour le moment, la plus intéressante de celles qu'elle faisait établir en direction de l'ouest. Elle prévoyait qu'elle y réaliserait d'importantes affaires. La situation à l'extrémité occidentale de la ligne de ses dépôts faisait dépendre de son achèvement la possibilité de conclure avec les armateurs des contrats qu'on ne pouvait pas espérer obtenir tant que les navires ne pourraient pas s'y ravitailler.
En juin 1899, l'installation de Port Tewfik, comprenant trois réservoirs de 4.000 tonnes chacun pour le "mazout", ou "liquid fuel", destiné à la navigation et aux machines à vapeur de l'industrie, et à la "Kerosene" pour l'éclairage, et une usine d'emballage pour la distribution de la "Kerosene", réalisée par les soins de la Maison Worms reçut son premier approvisionnement de kérosène (300 tonnes environ).
La première cargaison de "Liquid Fuel" arriva seulement près de 4 mois après, par le navire "Nerite", le 18 octobre 1899. Elle s'élevait à 6.050 tonnes. Selon le désir de la "Shell" on donna à l'événement un certain caractère de solennité. Un déjeuner fut offert à bord du navire aux autorités du port, etc. Le déchargement fut opéré en 31 heures. La rapidité de l'opération mettait en évidence les avantages du liquid fuel au point de vue de la facilité et de l'économie de sa manipulation, en même temps que la qualité de l'installation réalisée. Le capitaine du "Murex", le pionnier des navires réservoirs de la Maison M. Samuel & Co., déclara que cette installation était la meilleure de celles de la "Shell". Le temps réalisé pour le déchargement du "Nerite" était, aux dires d'un autre capitaine, un dès meilleurs, sinon le meilleur, de ceux réalisés jusque là, à sa connaissance, dans aucun autre port.
L'approvisionnement constant étant désormais assuré, il devenait possible d'intensifier la propagande auprès de la clientèle éventuelle. Au mois de novembre la "Shell" put ainsi pratiquement conclure un arrangement avec la Hamburg-American Co. pour le ravitaillement à Suez, à partir du mois de mai suivant, de 7 à 20 de ses navires assurant un service avec l'Orient.
Au mois de mai 1899, la "Shell" avait déjà ouvert en Orient les dépôts de Yokohama ; Kobe, Shanghai, Hong-Kong, Bangkok, Singapore, Penang, Calcutta, Bombay, Madras ; Colombo, approchait de son achèvement, ainsi que plusieurs autres dans différents ports côtiers en Chine ; Aden était en cours de réalisation.
II n'était pas question pour le moment d'établir un dépôt à Port-Saïd, mais la Maison Worms était en mesure d'y fournir aux navires une quantité suffisante pour atteindre Suez ; pour des quantités importantes elle pouvait, moyennant préavis et arrangement spécial, les faire venir exprès par citernes à vapeur.
Par contre, la "Shell" était anxieuse de voir réaliser les installations projetées dans d'autres villes. Elle hâta les choses le plus possible pour Alexandrie et pour Le Caire, où elle voulait avoir d'importants dépôts, en particulier pour Alexandrie où elle voulait pouvoir recevoir aisément une cargaison complète. Pour le Caire elle ne prévoyait qu'un réservoir de 100 tonnes.
II avait été prévu que la Maison Worms se bornerait à établir, en dehors de Port-Saïd et de Suez, de simples sous-agences confiées à des tiers. Au mois d'avril 1899 la "Shell" lui demanda si elle serait disposée à établir à Alexandrie un bureau qui serait régi dans les conditions prévues par leur accord. La Maison Worms n'hésita pas à entrer dans ses vues à ce sujet, elle chargea sa succursale de Port-Saïd de procéder à une étude approfondie de la question et de rechercher éventuellement une personnalité offrant les garanties voulues et ayant une grande connaissance de l'Égypte, pour prendre la direction du nouvel établissement. Elle lui demanda d'examiner en même temps si la même solution ne serait pas à adopter pour Le Caire.
Ses dirigeants se demandèrent même, à cette occasion, s'il n'y aurait pas intérêt pour la Maison Worms à entreprendre toute cette affaire de pétrole en Égypte en son nom et pour son propre compte, mais jugèrent que cela ne conviendrait pas à la "Shell" et que celle-ci préférerait qu'elle s'en tînt à son rôle d'agent. Ils consultèrent néanmoins leur Maison de Port-Saïd à ce sujet.
Zanzibar - Le 28 décembre 1898 la Maison Worms offrit à MM. M. Samuel & Co. de mettre à leur disposition les services de sa Maison de Zanzibar. Ils répondirent qu'ils seraient disposés à étendre leurs opérations à ce port si les perspectives y étaient suffisantes et la prièrent de lui procurer des renseignements à ce sujet. La Maison Worms estimait que le champ d'opérations possibles y était assez restreint et que le moment n'était pas venu d'y établir un dépôt de mazout, mais que pour la "Kérosène" la situation y était peut-être différente et qu'il pouvait y avoir une place à prendre. Elle demanda à son directeur local un rapport détaillé sur la question.
L'affaire ne reçut pas d'autre suite, en ce qui concerne la Maison Worms ; mais en août 1899 MM. M. Samuel & Co. lui firent savoir qu'ils avaient fait des arrangements pour ce port, avec une autre maison agent elle-même d'une entreprise avec laquelle Ils étaient liés par des accords généraux qui englobaient à la fois Zanzibar, Mombasa et tous les ports du golfe Persique. Ils s'excusèrent très courtoisement.
Alger - Au mois de mars 1899, à l'occasion d'ouvertures qu'ils avaient reçues d'une maison d'Alger, et au sujet desquelles ils consultèrent la Maison Worms, ils firent connaître à celle-ci qu'il était hors de question pour eux de donner leur agence dans ce port à une autre Maison que la Maison Worms, dans le cas, assez probable, où ils décideraient d'y installer des réservoirs.
A la fin de l'année 1921, l'Asiatic Petroleum, poursuivant sa politique d'installation directe, dans les pays où étaient vendus ses produits, manifesta à la Maison Worms, son désir de reprendre directement en mains la gestion de ses intérêts. L'organisation que celle-ci avait constituée fut ainsi reprise par l'Asiatic Petroleum à partir du 1er avril 1922.

N.B.- La note ci-dessus ne fait pas état de l'Anglo-Saxon Petroleum Cy Ltd. qui ne fut constituée qu'en 1907.
Ci-joint 3 documents annexes :
- 2 coupures de journaux
- 1 circulaire de la "Shell" (Liquid Fuel contracts 1902).


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