1947.09.18.De Roland Gada - Worms et Cie Hambourg.Compte-rendu de voyage

Copie

Le PDF est consultable à la fin du texte.

NB : La photocopie de ce courrier fait partie d'un dossier qui a été transmis, en 1978, à Francis Ley par Roland Gada, pour la documentation de l'ouvrage "Cent ans boulevard Haussmann", documentation regroupée dans une reliure sous le titre "Témoignages maritimes".

Hambourg, 18 septembre 1947
Messieurs Worms & Cie
45, boulevard Haussmann - Paris

Confidentielle

Objet : Compte-rendu de voyage à Hambourg

Messieurs,
Vous m'avez donné instructions, au cours de notre entretien du 1er de ce mois, de me rendre à Hambourg afin d'y recueillir :
a) des précisions concernant notre succursale dans ce port et la situation de MM. Adler & C° et de l'Argo Reederei,
b) tous renseignements susceptibles de vous être utiles dans le choix de la formule à adopter pour l'orientation de notre activité future à Hambourg.

Je me suis entretenu avec M. Heinsohn, fondé de pouvoirs de la Maison de Hambourg, et avec M. Richard Adler Junior, représentant de la Société Adler dans cette ville - mais n'ai pu voir l'avocat de notre succursale, le Dr. Krauel, actuellement en voyage.

Hambourg - La Maison de Hambourg avait cessé toute activité avant le début des hostilités, mais n'était pas radiée du Registre du commerce et, les taxes et impôts ayant été régulièrement payés jusqu'à présent, elle continue à exister légalement sous la gérance du Dr. Krauel, désigné comme séquestre. Pour qu'elle puisse reprendre son activité il faudrait - ou plutôt, il aurait fallu, jusqu'à maintenant, que nous en demandions l'autorisation aux services britanniques du Contrôle des biens qui se seraient sans doute fait tirer l'oreille, mais cette demande va nous être épargnée grâce à l'annulation imminente, en zone britannique, de la loi sur le commerce avec l'ennemi comme cela a eu lieu déjà, le mois dernier, clans l'enclave de Brème.
Rien ne s'opposera alors à ce que le Dr Krauel remette ses comptes et son mandat entre les mains de M. Heinsohn, qui est toujours légalement fondé de pouvoirs de la Maison de Hambourg, et à ce que celle-ci reprenne son activité.
Une des formules que nous avions envisagées à Paris et qui aurait consisté à incorporer notre organisation dans celle d'Adler ne peut être retenue - pour le début tout au moins, du fait que le bureau de M. Adler à Hambourg est juste assez grand pour contenir M. Richard Adler junior et sa secrétaire. II y aurait aussi d'autres raisons, momentanées, d'un autre ordre.
M. Adler est comme à peu près tout le monde à Hambourg, à la recherche d'un local plus vaste et compte bien être à même, un jour, de nous offrir un bureau dans ses locaux. Pour l'instant il faudrait nous installer là où nous trouverions de la place. M. Heinsohn pense que nous pourrions obtenir une pièce chez MM. Sartori et Berger.
Le matériel et le mobilier de la succursale de Hambourg est détruit (sauf une armoire à dossiers et une partie de nos archives) et la pièce que nous occuperions serait à meubler sommairement, la plus grosse dépense serait la machine à écrire dont le prix est actuellement (à Berlin) de l'ordre de 6.000 Marks (18.000 francs).
J'ai demandé à M. Heinsohn de préparer un devis de ce que coûterait notre nouvelle organisation, mais nous pouvons sans attendre ce travail, nous faire une idée assez précise des frais qu'elle entraînerait.
Pour le début, et aussi longtemps que les opérations se borneraient à des consignations isolées de navires sur lest ou chargés en vrac, M. Heinsohn pourrait avec l'aide d'une secretaire effectuer le travail en recourant au besoin à l'appui d'Adler dans certains cas particuliers. Les appointements de ces deux employés représenteraient le poste le plus important des frais généraux et seraient de l'ordre de 1.000 à 1.200 Marks par mois.
La Maison de Hambourg dispose encore chez la "Sparkasse" d'un crédit de 18.000 Marks (21.000 - 3.000) dont il est probable (je n'ai pu, en l'absence de M. Krauel, en avoir la certitude) qu'elle obtiendra le remboursement par versements échelonnés. Elle pourrait en outre obtenir des fonds sur place, soit d'une banque, soit d'un armement.
En résumé, la dépense à envisager pour la remise en marche et l'entretien de la succursale de Hambourg serait de peu d'importance, même si les affaires étaient longues à reprendre, aussi longtemps que la relation réelle entre franc et Mark et la valeur d'achat du Mark resteront ce qu'elles sont actuellement. II en serait autrement le jour où se produirait une réforme monétaire ou une haussa importante des prix - ce qui doit forcément arriver dans un avenir plus ou moins éloigné.
La meilleure façon de se couvrir contre ce risque est de veiller à maintenir une certaine avance en Marks à la Maison de Hambourg et de limiter son personnel au strict minimum aussi longtemps qu'elle ne couvrira pas ses propres frais.
Peut-être estimerez-vous d'ailleurs, que ce risque est peu de chose en regard de l'intérêt qu'il y aurait à être présent en un point aussi important que va le devenir Hambourg à la faveur des événements qui se préparent.

Adler & Cie - Des 44 navires qu'elle possédait en 1939, il ne reste plus à l'Argo Reederei que les 4 bâtiments : "Butt" - "Yves" - "Pinguin" - "Specht" - qui naviguent pour le compte ou sous le contrôle des autorités d'occupation. D'eux d'entre eux sont spécialisés dans le transport de poisson de Norvège et d'Angleterre sur Hambourg.
La Maison Adler et C° est toujours dirigée par M. Richard Adler Son, secondé à Brême par son fils Max et à Hambourg par Richard Adler Junior. Ce dernier est celui qui, quelques années avant la guerre, fit un stage au Havre. Je l'ai mis au courant de ce que vous m'aviez dit à Paris et il s'est montré très touché des bonnes dispositions que vous conservez à l'égard de la société. Il approuve d'avance toutes les éventualités auxquelles vous pourriez vous arrêter - de la reconstitution d'une succursale absolument indépendante, de l'incorporation de nos services dans les siens et s'est même déclaré disposé (mais cela aurait peut-être besoin d'une confirmation de la part de M. Richard Adler Senior) à prendre nos deux employés éventuels au service de sa société si, la succursale de Hambourg ayant été remise en marche, vous changiez un jour d'avis et décidiez de confier votre agence à Adler.

Consignataires réunis - M. Heinsohn m'a signalé qu'il avait rencontré par hasard M. Huppertz, propriétaire de l'entreprise de manutentions "Lielsen" et agnt à Hambourg des Consignataires réunis, et que ce dernier lui avait demandé s'il ne lui paraissait pas possible d'envisager une fusion de ces services et des nôtres.

Compagnie commerciale maritime - Cette société jouit actuellement, comme vous le savez, d'une situation privilégiée puisqu'elle constitue l'organe officiel d'exécution de la Mission française de la marine marchande à Hambourg. Cela lui a permis, entre autres, de s'installer dans des bureaux spacieux, réquisitionnés à côté de ceux de la Mission française de la marine marchande dans l'ancien immeuble de la Hapac et d'entretenir, sans grands frais, une demi-douzaine d'employés allemands sous la surveillance du chef de la Mission de la marine marchande qui doit devenir officiellement directeur de la Compagnie commerciale maritime à Hambourg à la liquidation des services français dans cette ville.

J'ai encore quelques mots à vous dire au sujet de M. Keinsohnr mais cela fera l'objet d'une lettre séparée car il faut que je termine celle-ci afin de ne pas manquer le courrier.

Veuillez, je vous prie, Monsieur, croire à mes sentiments respectueux et dévoués.

R. Gada


Back to archives from 1947