1947.06.27.Du Chef des eaux et forets de Moustier.Au Conservateur des eaux et forets pour le GM de Bade

Le PDF est consultable à la fin du texte.

De l’inspecteur des eaux et forêts de Moustier chef du service des eaux et forêts du district de Constance à monsieur le conservateur des eaux et forêts chef du service des eaux et forêts pour le gouvernement militaire de Bade
À Fribourg.

Objet : Chantiers privés français – 735

J’ai l’honneur de vous remettre ci-joint pour information une copie du Procès-verbal de renseignements sur l’incendie des bois de la coupe Worms (F.A. Uhlingen) à proximité de la coupe Meier (Suisse)
Gendarmerie nationale

Ce jourd’hui, douze juin, mil-neuf-cent-quarante sept à dix-sept heures trente.
Nous soussignés :
Gardat, Henri, adjoint
Dupoue, François
Charbonnier, Robert
Et Boiteau, Edmond
Gendarmes à la résidence de Waldshut (Bade), revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos Chefs : à notre bureau, avons été avisés qu’un incendie de bois s’était déclaré dans une coupe exploitée par des bûcherons Français et Suisses, sise au lieu dit « Buggenrieder Berg » district IX/3 de la forêt d’Etat, à un kilomètre à l’ouest du hameau de Buggenried, territoire de la commune de Mettenberg (Bade).
A la suite de ce message, le Commandant de Brigade a avisé le Commandant de Section, le Commandant de la Place d’Armes de Waldshut et commandé un service qui s’est rendu sur les lieux.

Constatations
Le lieu que l’incendie a ravagé comprend deux chantiers de bois (essence sapin, épicéa) en exploitation. L’un d’une superficie de 77 ares environ exploité par la société française Worms, l’autre de 48 ares, exploité par l’entreprise suisse Meyer.
La coupe de ces chantiers paraissait terminée d’après les constatations et la présence des divers troncs d’arbres abattus.
Il est matériellement impossible de déterminer l’endroit exact où le feu a pris naissance, les deux chantiers étant en pleine combustion.
Toutefois les bois de grumes dont il est question plus haut ne sont pas complètement détruits, seule une couche de charbonnage de 2 centimètres d’épaisseur revêt les troncs. Les bois en question représentent en moyenne un diamètre de 0 m 50 à leur pied 0 m 25 à la cime et une longueur de 15 mètres environ.
La coupe Suisse comprend un cubage de 130 m3 environ de bois abattu. La coupe française en comprend 1000 m3 environ.
Au moment où l’incendie s’est déclaré aucun ouvrier Suisse ou Français ne se trouvait sur les chantiers, les coupes du dit chantier étant terminées.
D’après les déclarations des personnes entendues les causes de ce sinistre seraient accidentelles, mais pour le moment sont inconnues.
La population allemande, les bûcherons Français, les Suisses, ainsi que les pompiers de Waldshut et de Stühlingen ont combattu le fléau qui s’est terminé à 18 heures. Il a été recommandé que des mesures de sécurité soient prises au cours de la nuit dans le cas où un foyer se rallumerait.
Livrés à une enquête, nous avons reçu les déclarations suivantes :

Du-Boutiez-De-Keroguen, Bertrand, 29 ans, Directeur des chantiers de la maison Worms, demeurant à Uhlingen, né le 11 août 1916 à Orléans (Loiret) de Henri et de Gisèle de Saxce, célibataire. Nationalité française.
« Je me trouvais à Waldshut, d’où je suis rentré à 17 heures à Uhlingen. En arrivant, la postière de cette ville Mme Frommherz, m’a fait savoir qu’un incendie s’était déclaré vers 16 heures dans des chantiers dont j’ai la direction, sis au lieu dit « Buggenrieder » territoire de la commune de Mettenberg.
Je me suis rendu sur les lieux où j’ai constaté en effet qu’une coupe de bois terminée sur laquelle se trouvait environ 1000 m3 de bois de grumes était en feu. Quelques uns de mes ouvriers (une vingtaine) environ aidés d’Allemands, étaient occupés à circonscrire le foyer d’incendie de façon qu’il ne s’étende sur les bois encore non abattus.
La coupe en question était en contiguité avec une coupe exploitée par l’entreprise suisse Meyer. J’ai aussitôt donné l’ordre d’aller chercher les ouvriers suisses de l’entreprise Meyer, car il n’y avait aucun d’eux lors de mon arrivée sur les lieux. Aidé de ces personnes, j’ai contribué à combattre et à circonscrire le plus possible l’incendie.
J’ignore les causes de cet incendie, mais à mon avis, il faut plutôt envisager une action imprudente ou accidentelle que malveillante.
J’estime à environ la somme de 1.200.000 francs les préjudices causés par cet incendie en ce qui concerne mon entreprise.
Je tiens à vous signaler que je connais mon personnel, pour être à mon service depuis longue date et qu’aucun membre de celui-ci n’est susceptible d’avoir allumé un incendie soit par vengeance ou raison quelconque.
Je sais que la firme « Worms » est assurée, mais ne puis vous renseigner à quelles compagnies et quel est le montant de la garantie de l’assurance ; toutefois le siège social de l’entreprise Worms se trouve 45 boulevard Haussmann Paris (IXe). J’ajoute que mes ouvriers qui sont arrivés les premiers sur les lieux sont Mrs Souris – Barbier et Billebault. »
Lecture faite, persiste et signe.

Barbier, Georges, 55 ans, Inspecteur forestier, demeurant à Uhlingen (Bade). Nationalité française.
« Vers 15 heures environs, je me trouvais en compagnie des forestiers nommés Souris et Billebault, lorsque nous nous sommes aperçus que de la fumée s’élevait  au dessus des bois en direction de nos anciens chantiers terminés.
Nous nous sommes immédiatement rendus sur les lieux (Buggenrieder), et avons constaté qu’une superficie de 10 m2 environ de bois en grumes était en feu. Nous nous sommes mis aussitôt au travail. Et par la suite plusieurs autres ouvriers (Suisses et Allemands) sont venus nous aider.
Je n’ai vu lors de mon arrivée aucune personne dans les bois et ne puis vous dire la cause exacte de cet incendie. Plusieurs bûcherons suisses travaillent dans la forêt, nous nous entendons très bien ensemble et je ne vois pas là un acte criminel. »
Lecture faite, persiste et signe.

Souris, Alexandre, 45 ans, forestier, demeurant à Uhlingen. Nationalité française.
« Je me rendais à mon travail vers 15 heures, lorsque je me suis aperçu que le feu avait pris dans un de nos chantiers terminés. Avec mes camarades Billebault et Barbier, nous avons aussitôt combattu l’incendie ; une superficie de 15 m2, sur laquelle était du bois en grumes était la proie des flammes.
Un quart d’heure après notre arrivée, plusieurs personnes (Allemands et forestiers suisses) sont venus nous aider. Dans cet incendie, je ne vois aucune cause suspecte et ne sais à quoi l’attribuer. Nous nous entendons très bien avec les forestiers Suisses qui exploitent les bois et il n’y a jamais eu de dispute entre nous. J’appartiens à la maison Worms depuis octobre 1946, je connais tout le personnel et à mon avis aucun de ceux-ci n’est capable d’une mauvaise action. »
Lecture faite, persiste et signe.

Le 13 juin 1946, à dix heures, nous adjudants Gardat et Nicolle, entendons :
Durand, Pierre, 23 ans, ouvrier au service de Mr Meyer, demeurant à Hullingen (Kreis de Waldshut). Nationalité suisse.
« Hier, avec mon chef d’équipe et mon frère Marcel, nous étions à travailler dans une coupe de bois de sapin (épicéa). Vers 16h 30, un membre de l’équipe de bûcherons « Worms » est venu nous prévenir en motocyclette qu’une coupe de bois de trouvant à 5 kilomètres environ du lieu où nous nous trouvions était en feu. Immédiatement, nous nous sommes transportés sur les lieux avec notre tronçonneuse et avons constaté qu’une coupe de bois exploitée par une équipe de bûcherons français au service de Mr « Worms » et contiguë à la nôtre était la proie des flammes. Aussitôt nous avons combattu l’incendie avec l’équipe de bûcherons français en traçant des tranchées et sciant des arbres pour éviter la propagation.
La coupe dont il est question est exploitée par une équipe de bûcherons suisses et une équipe de français. Mr Meistier, Walter, est notre chef d’équipe, il pourra vous évaluer les dégâts occasionnés par cet incendie au préjudice de Mr Meyer.
Je tiens à vous signaler que le sdeux coupes incendiées étaient terminées et qu’aucun ouvrier n’y travaillait lorsque le feu a pris naissance. »
Lecture faite, persiste et signe.

Meister, Walter, 32 ans, Chef de chantier au service de Mr Meyer, demeurant à Hullingen (Kreis de Waldshut). Nationalité suisse.
« Mardi 10 courant, avec mon équipe de bûcherons, nous avons terminé une coupe de bois de sapins représentant un volume de 130 m3 environ de grumes.
Nous avons été embaucher une autre coupe de bois à proximité de Mettenberg. Hier vers 16 heures 30, on est venu nous chercher en disant que la coupe terminée était en feu ainsi que celle de l’entreprise Worms qui est limitrophe. Aussitôt avec tout mon personnel et ma tronçonneuse nous nous sommes rendus sur les lieux. En effet, j’ai constaté que les coupes en question étaient en feu et malgré nos efforts nous n’avons pu protéger du fléau que les arbres qui n’étaient pas abattus.
J’ignore les causes de cet incendie, mais à mon avis il doit s’agir de l’imprudence d’un fumeur ayant par mégarde jeté une allumette ou une cigarette sur des branchages secs du fait que le feu a pris naissance à la partie sud du chantier, lieu où se trouvaient beaucoup de branchages en bordure du chemin forestier.
J’ignore si mon patron est assuré contre l’incendie, mais à toutes fins utiles je vais vous donner son adresse : Mr Meyer, Siegfried à Wurenlingen canton d’Argovie (Suisse).
Quant au préjudice causé, je ne puis l’évaluer, car une expertise s’impose. »
Lecture faite, persiste et signe.
Fechtig, Alphonse, 71 ans, garde forestier allemand, demeurant à Buggenried (Kreis de Waldshut). Nationalité allemande.
« Hier, je me trouvais dans un champ après faner, lorsque j’ai aperçu de la fumée s’élevant du bois dit « Buggenrieder ». Aussitôt je me suis dirigé du côté d’où émanait la fumée et j’ai constaté que deux coupes de bois exploitées par les entreprises Worms et Meyer étaient menacées par un incendie dont le foyer avait pris naissance dans des branches sèches en bordure d’un chemin forestier au Sud des dites coupes, le vent poussant les flammes sur les coupes.
Aussitôt, j’ai donné l’alerte par téléphone au bureau forestier allemand à Hullingen. Puis, les Français aidés des Allemands et Suisses sont venus combattre l’incendie.
A mon avis, je crois que les causes de cet incendie sont purement accidentelles, du fait que les coupes étaient terminées, mais le bois non enlevé. »
Lecture faite, persiste et signe.
En foi de quoi, nous avons dressé le présent procès-verbal en trois expéditions destinées : la première (avec une copie) au Commissaire de Sûreté du Cercle de Waldshut, la deuxième au Délégué du GM du Cercle de Waldshut, la troisième aux archives de la Brigade.

Fait et clos à Waldshut, le 13 juin 1947.
Trois signatures : illisibles

Croquis de la partie de bois brulée.
 

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