1946.00.De Worms et Cie.Note (non datée).02

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NB : Note non datée et classée après le 1er janvier 1946 en raison de la référence donnée dans le texte aux 17 années qui viennent de s'écouler depuis la création des Services bancaires, d'une part, et d'autre part, à la constitution "récente" des Ateliers et Chantiers de la Seine maritime en société anonyme.

Note confidentielle au sujet des diverses activités de la Maison Worms

La Maison Worms est presque centenaire, ayant été fondée en 1848 par M. Hypolite Worms, grand-père du chef actuel de la Maison.
Elle a quatre branches d'activité : importation des charbons étrangers (exclusivement anglais à l'époque de sa création) - armement maritime - construction navale - et banque.
C'est comme importateur de charbons anglais que M. Hypolite Worms a débuté en 1848.
La branche maritime a été créée en 1853, la construction navale en 1917 et les Services bancaires en 1928.
C'est en 1882 (date à vérifier) que M. Hypolite Worms réunit ses activités charbonnière et maritime sous forme de société en commandite simple, association de personnes qui n'a jamais été modifiée depuis.
On peut se demander quelles relations logiques il y a entre l'importation des charbons, les transports maritimes, la construction navale d'une part, et les affaires de banque de l'autre.
On peut en outre se poser la question de savoir s'il y a intérêt à maintenir ces diverses activités sous un même organisme, en une seule affaire, ou s'il ne vaudrait pas mieux les diviser et créer une société Worms pour les charbons, une autre pour les exploitations maritimes, une troisième enfin pour couvrir exclusivement les affaires bancaires.
Nous allons donc examiner ces différents points.

I - Le commerce des charbons étrangers d'importation et les transports maritimes se complètent assez bien, surtout lorsqu'il s'agit de cabotage, comme c'est le cas pour la Maison Worms. Il n'est pas, croyons-nous, nécessaire d'insister. A cet égard, la Maison Worms a peut-être innové il y a 100 ans, mais son exemple a été suivi par de nombreux importateurs armateurs dont les principaux, en dehors d'elle, sont la Compagnie Delmas Vieljeux et la Société algérienne de navigation (Schiaffino). Worms comme Delmas Vieljeux et Schiaffino sont essentiellement des "négociants armateurs". Du reste, le négoce était toujours à l'origine la raison d'être de l'armement et les premiers armateurs du monde n'ont jamais été que des négociants exportateurs qui transportaient eux-mêmes leurs propres marchandises pour les vendre dans les territoires d'outre-mer.
Nous ne parlerons pas de la construction navale, branche exploitée depuis 25 ans par la Maison Worms, puisqu'au surplus cette activité purement et exclusivement industrielle a été sortie récemment de son patrimoine et mise sous forme de société anonyme distincte.
Nous en venons maintenant à la question bancaire.
Comme indiqué plus haut, c'est en 1928, que la Maison Worms a créé un département bancaire.
A cet égard, il est bon de raconter une anecdote :
Avant de créer une maison d'importation de charbon en 1848, M. Hypolite Worms était associé-gérant d'une maison privée de banque "les Fils de Michel Goudchaux" et c'est en finançant comme banquier les premières importations de charbons anglais que M. Hypolite Worms comprit l'importance que pouvaient jouer dans l'avenir les charbons anglais et décida de s'installer à son compte pour exploiter ce commerce en 1848, au moment où fut décidée la liquidation de la banque Goudchaux le jour où son chef, M. Joseph Goudchaux, fut choisi comme premier Ministre des Finances de la 2ème République. Avant d'être charbonnier et armateur, M. Hypolite Worms avait donc été banquier.
Ceci dit, il ne faut évidemment pas en conclure qu'en créant une maison de banque en 1928, son petit-fils, l'actuel M. Hypolite Worms, n'y fut poussé que par éclectisme sentimental.
En réalité, voici les raisons qui ont présidé à cette initiative. Les dirigeants de la Maison Worms ont cru qu'il y avait un intérêt national à faire revivre en France une forme d'activité bancaire qui n'existait pour ainsi dire plus dans notre pays, mais qui avait toujours été et était encore l'un des éléments les plus importants et en même temps des plus utiles du système bancaire de la cité de Londres, nous voulons parler du "merchant banking".
La Maison Worms a estimé il y a 17 ans qu'il y avait une place à prendre en France comme "merchant banker" pour, avec la souplesse que lui permettait sa forme de banque privée, faire de la banque commerciale, aider les commerçants et industriels français à développer leurs affaires et à prospérer non seulement sur le plan national, mais également sur le plan international, en facilitant par tous les moyens à sa disposition l'importation ou l'exportation de leurs marchandises.
La "Banque Worms", si on regarde les choses de près, n'est ni une banque de dépôts ni une banque d'affaires, à proprement parler, elle est l'un et l'autre, mais elle est surtout une banque commerciale dans toute l'acception du mot.
En fait, elle est semblable au "merchant banker" anglais du 19ème siècle, comme ses dirigeants l'ont désiré et réalisé. Nous ne croyons pas nous tromper en disant qu'elle est à peu près unique en son genre.

II - Les considérations qui précèdent peuvent paraître quelque peu en marge du sujet qui nous occupe, mais elles sont indispensables pour expliquer et affirmer la nécessité absolue qu'il y a à maintenir intégral cet organisme de "merchant banker". Il est facile à cet égard d'en comprendre les raisons qui sont à la fois d'ordre technique et d'ordre psychologique.
Technique d'abord : La Maison Worms a pu très rapidement prendre un important développement en tant que banque commerciale parce que depuis près de 100 ans qu'elle existait comme commerçant et comme industriel, elle connaissait tous les commerçants et tous les industriels de France auxquels à certains elle fournissait du charbon et dont à d'autres elle assurait le transport de leurs marchandises. Par ailleurs, tous les commerçants ou industriels de France connaissaient la Maison Worms.
Grâce aux services de ses départements maritime et charbonnier et de leurs annexes, grâce à son rayonnement à l'étranger dû à ces mêmes activités, la Banque Worms est à même - elle est peut-être la seule en France - de pouvoir aider ses clients pour tout ce qui concerne l'importation et l'exportation.
Elle est la seule à pouvoir, par l'intermédiaire d'un organisme unique, prendre une marchandise sur un point quelconque du globe, la charger, la transporter, l'assurer, la décharger et la livrer à son client importateur, après avoir financé toute l'opération d'un bout à l'autre, et ce à l'importation comme à l'exportation, aussi bien des pays anglo-saxons, de la Scandinavie, de l'Afrique du Nord ou de l'Égypte, qui sont ceux où son organisation est la plus développée et ses succursales maritimes les plus nombreuses, que de l'Amérique du Nord ou du Sud et du Pacifique ou de l'Extrême-Orient.
Mais le maintien de cet organisme unique que les raisons ci-dessus suffiraient à justifier est peut être encore plus important sur le plan psychologique.
En effet, depuis 100 ans qu'elle existe, la Maison Worms possède comme "négociants armateurs" un actif matériel très considérablement supérieur à son capital : navires, chalands matériel de manutention, terrains et immeubles, participations et titres. Aussi longtemps que les activités de la Maison Worms feront bloc, cet actif commercial restera la garantie solidaire des opérations de banque. Grâce à cette réunion d'intérêts dans une même affaire, le crédit de la Banque Worms n'a jamais été discuté depuis 17 ans, pas plus que celui de Worms "Charbons" ou Worms "Armateur" ne l'avait été depuis 100 ans ; plus particulièrement, le crédit à l'étranger de Worms banquier est pour ainsi dire illimité parce que on y sait partout que Worms Charbons et Worms Armateur sont derrière Worms Banquier et que toutes les activités commerciales de la Maison sont solidaires.
De plus, la Maison Worms est une commandite simple. Ses gérants sont responsables sur tous leurs biens, sans limite, comme la loi l'exige. C'est une force considérable pour son crédit, mais cela représente une garantie exceptionnelle pour ceux qui traitent avec ses services bancaires, puisqu'aux actifs de toutes les branches commerciales et industrielles de Worms s'ajoute la garantie des fortunes personnelles de ses gérants. Diviser ces activités reviendrait à créer une banque Worms, société anonyme. Quelle que soit l'importance du capital social de cette dernière, son crédit s'en trouverait très sensiblement amoindri et son activité, de ce fait, réduite.
Or, il n'est pas niable que la Maison Worms telle qu'elle existe joue un rôle considérable dans l'économie française dont elle est un des rouages essentiels. Il parait d'un intérêt national de conserver intact cet organisme et d'en faciliter le développement normal dans toute la mesure possible.
En effet, depuis 100 ans qu'elle existe, la Maison Worms possède comme "négociants armateurs" un actif matériel très considérablement supérieur à son capital : navires, chalands matériel de manutention, terrains et immeubles, participations


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