1945.09.30.De Hypolite Worms.(Sans destinataire).Original.02

Original

30.9.45

Conversation avec Francis Fabre, Havraise, MM

La relation que vous me faites de cette conversation me semble démontrer, d'une façon absolue, que c'était une erreur d'annoncer dès maintenant aux Messageries maritimes notre décision de faire nous-mêmes du cabotage à Madagascar, en même temps que nous leur retirions les agences à la colonie. Il était certain que, devant l'importance que les Messageries maritimes y attachaient, car c'est probablement pour elles une source réelle de profit, elles appelleraient les Chargeurs à leur secours et il était non moins certain que les Chargeurs en feraient une affaire personnelle Worms-Chargeurs avec toutes les menaces que ces derniers pouvaient utiliser et avec toutes les conséquences que cela peut avoir dans nos relations communes.
Ceci étant, je lirai avec intérêt les résultats de la conversation Bucquet - [Glénat] et j'espère que le directeur général de la Havraise n'aura pas omis de profiter de cette occasion pour dire avec précision au nouveau directeur des Messageries tout ce que la Havraise a à reprocher à Deville depuis quinze ans. En ce qui concerne les Chargeurs, j'espère que Robert n'a pas manqué d'insister sur le fait que les relations Chargeurs - Worms ne sont pas, en matière de consignations, seulement à sens unique, car nous leur avons donné la représentation de trois compagnies au Maroc et sur la côte d'Afrique. Or, ces agences de Casablanca et de Dakar ont dû leur rapporter depuis cinq ans des bénéfices substantiels.
Ceci dit et sans revenir en arrière sur les décisions prises, je crois qu'il serait bon de faire observer à l'occasion que la mise en service par la Havraise d'un bateau côtier à Madagascar ne va pas se faire immédiatement et qu'il sera temps d'en discuter de nouveau plus tard. Cela donnera le temps de voir comment va s'effectuer la nationalisation des Messageries, si elle doit avoir lieu, ce que je commence à douter. À cet égard, AF a montré le bout de l'oreille. En effet, si les contractuels reprennent leur indépendance et que la gérance de ces derniers en soit retirée aux Messageries libres, je ne vois pas pourquoi et à quel titre on nationaliserait ces dernières plutôt que Paquet, Fraissinet, la Saga ou... la Havraise. Tout ce qu'on pourrait faire à la rigueur serait d'empêcher les Messageries libres d'exploiter des lignes parallèles aux contractuelles, c'est-à-dire l'Indochine, puisque, pour Madagascar seules les contractuelles exploitaient.
D'autre part, si le renseignement de Bucquet, en ce qui concerne les projets de Dreyfus, est exact, alors, cet argument massif qu'il faut utiliser à fond, suffit à lui tout seul et je crois qu'il serait bon que Robert profite de la première occasion pour l'indiquer à Francis Fabre puisqu'il ne l'a pas fait au cours de la dernière conversation. L'armement Dreyfus devenant sur le trafic de Madagascar un concurrent aux Messageries et à la Havraise, il serait inadmissible que notre compagnie ne puisse se défendre en organisant elle-même son propre cabotage comme Dreyfus va le faire. Même Francis Fabre ne peut pas ne pas l'admettre.
Ceci dit, je pense que vous allez profiter d'un prochain conseil de la Havraise pour raconter aux administrateurs ce qui se passe, les mettre au courant de vos lettres et conversation avec [Saboulin]. Des gens comme Gendre et d'Anglejean doivent déjà être au courant par les MM. Il ne faut pas qu'on puisse nous reprocher de cacher au conseil des négociations aussi importantes.

HW


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