1945.09.27.De Robert Labbé.A Hypolite Worms.Note (sans signature)

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NB : Note sans émetteur ni destinataire, provenant d'un dossier contenant la correspondance d'Hypolite Worms avec Robert Labbé et Raymond Meynial.

Le 27 septembre 1945

Je reçois votre lettre du 23 au sujet de la Maison de Cardiff.
Je suis extrêmement étonné de l'action de Thompson, que je n'arrive pas à comprendre.
Ceci dit, je tiens à préciser la manière dont j'ai agi en l'espèce et qui, bien entendu, est restée entièrement conforme à ce que je vous avais indiqué soit au mois de janvier, soit au mois d'août.
Lors de ma prise de contact à Londres, en janvier, avec Mac Ewen, celui-ci m'avait fait part de la manière dont il envisageait, ou plutôt n'envisageait pas, de travailler avec votre beau-frère. Je m'en étais ouvert à Thompson qui m'avait confirmé la position de santé incertaine dans laquelle se trouvait Morgan. J'avais, à ce moment-là, précisé que le jour - puisque à cette époque la guerre n'était pas encore finie - où la question devrait être réglée, ce serait vous-même, et vous seul, qui prendriez les décisions nécessaires.
Plus rien ne s'était produit jusqu'au mois d'août. J'ai, à ce moment-là, reparlé de la question à Thompson, mais pour lui demander si du côté de votre beau-frère de nouveaux éléments étaient apparus. Il m'a alors indiqué que, non seulement il n'y avait rien de nouveau, mais que, de plus, il n'avait à peu près pas entendu parler de lui depuis mon dernier voyage. Lorsque Mac Ewen est venu nous voir à Londres au moment du VJD, la question n'a même pas été évoquée par lui, et je n'ai pas eu à lui en parler puisque la situation était la même que précédemment.
Avec Thompson, le seul point que j'aie abordé, pour qu'il y réfléchisse, était la question de savoir, dans l'hypothèse où votre beau-frère se retirerait, comment on le remplacerait au board de la Compagnie, une discussion ayant eu lieu entre lui et moi sur l'opportunité ou non que le directeur de la succursale soit en même temps administrateur. C'était là une question purement administrative qui n'entraînait naturellement aucune conséquence en ce qui concerne la décision de principe à prendre.
Quand Thompson est arrivé ici, il y a environ trois semaines, avant qu'il parte pour chez vous, nous avions, au cours d'une longue conversation dans mon bureau avec lui et Grédy, noté sur un papier un certain nombre de points sur lesquels il avait à vous consulter, c'était notamment la question du régime juridique de Port-Saïd, celle du bonus d'Acfield, et, bien entendu, celle de votre beau-frère.
J'avais d'ailleurs à ce moment-là, comme à chacun de mes retours d'Angleterre, en faisant le tour des questions agitées au cours de mes déplacements, soit avec Meynial, soit avec Vignet et Leroy, et notamment à l'occasion de la retraite de Chambers, précisé que la question de Cardiff relevait uniquement de vous, étant donné les conditions dans lesquelles elle se présentait.
Lorsque Thompson est revenu le lundi et que nous avons dîné ensemble chez Grédy, d'ailleurs très rapidement car il était fatigué, il m'a simplement, entre deux portes, après avoir consulté un bout de papier qu'il avait dans sa poche, indiqué quelle était votre position en ce qui concerne Port-Saïd et Acfleld, et qu'au sujet de Morgan, on allait s'arranger pour prendre prétexte de sa santé. Il m'a même indiqué que votre femme étant rentrée le même jour de Londres, discuterait la question également avec vous, ayant eu l'opportunité d'en parler certainement avec son frère.
Voici toute la part que j'ai prise dans cette affaire.
J'ajouterai qu'avant-hier, ayant dîné chez Michel Leroy à mon retour d'Amilly, nous avons naturellement parlé de la situation des affaires de son département, et il m'a indiqué que, tout dernièrement, plusieurs lettres étaient venues portant la signature de Morgan, et il m'a demandé où en était la question. Je lui ai alors dit que, vraisemblablement, le résultat de votre conversation avec Thompson avait conduit ce dernier à envisager le retour temporaire de Morgan, permettant de sauver la face, puisqu'au bout de quelques semaines, devant la fatigue excessive du métier, il dirait être incapable de supporter cet effort, et que la face serait ainsi sauvée.
Tout ceci est probablement superfétatoire pour éclairer votre religion, car je suis certain que vous n'avez jamais mis en doute que je ne ferais rien d'autre que ce que je vous avais indiqué à plusieurs reprises, ce qui était d'ailleurs élémentaire.
Y a-t-il eu dans l'esprit de Thompson une incompréhension de ce que vous lui aviez indiqué ? Y a-t-il eu, sans se rendre compte des conséquences de son geste, une manifestation sinon d'autorité, au moins de volonté, dont cinq années de coupure avec nous l'ont rendu familier ?
Je n'ai pas voulu, lors de mon dernier voyage, vous ennuyer avec de petits détails un peu désagréables, mais auxquels je n'attachais guère d'importance, manifestant son interprétation de représentant de Worms comme étant à l'origine d'un pouvoir absolu. J'ai eu toutes les difficultés du monde à faire rentrer complètement nos bateaux sous notre contrôle. Il a commis des erreurs dans le choix de certains de nos agents dans les ports anglais, les donnant à d'autres que ceux que nous avions avant la guerre, alors qu'Émo et moi étions dans les bureaux mêmes de St Helen's Place, ce qui était ridicule.
Je passe sur d'autres mesures, notamment tout récemment en ce qui concerne Coré et le personnel des bureaux, ou le premier n'est tenu en rien au courant des déplacements ou des congés de ses collaborateurs spécialisés maritimes.
Je n'attache, bien entendu, qu'une importance limitée à de tels faits, mais j'en retire la conviction que la pente à remonter sera dure. Nous y arrivons pour nos affaires françaises. Il est bien entendu qu'en ce qui concerne Port-Saïd, nous continuons pour le moment à fonctionner comme avant. Mais je crois qu'il y a là une situation à laquelle il faut faire extrêmement attention et à l'égard de laquelle il sera peut-être opportun, dans les mois à venir de restaurer les méthodes antérieures.
En conclusion, il y a tout un climat, sinon Burness, du moins Thompson, et j'incline à penser que l'acte de Thompson dérive de ce climat, en ajoutant qu'il a toujours été plus que rat avec notre personnel pendant la guerre, ce à quoi j'ai mis bon ordre au mois d'août, et que par ailleurs, il n'a jamais eu pour votre beau-frère qu'une sympathie assez limitée.
Je pense que tout cela vous paraît maintenant clair et, en tout cas, je désire qu'il n'y ait aucune équivoque en ce qui concerne mon attitude dans la matière. J'ai d'ailleurs, par boutade, toujours eu dans l'esprit que cette affaire de Cardiff était le parallèle de la question de mon cousin pour laquelle vous m'aviez toujours dit que s'il y avait des choses à régler, ce serait à moi que cela incomberait.


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