1945.08.22.De Robert Labbé.A Hypolite Worms.Note (sans signature ni destinataire)

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NB : Note sans émetteur ni destinataire, provenant d'un dossier contenant la correspondance d'Hypolite Worms avec Robert Labbé et Raymond Meynial.

22 août 1945

Je suis rentré de Londres à la fin de la matinée et veux, sans plus tarder, vous donner quelques indications sur mon séjour là-bas, qui s'est trouvé prolongé par suite des jours de fête provoqués par la capitulation japonaise.
Cabotage - C'était, vous vous en souvenez, le but principal de mon voyage et de celui d'Émo. Nous avions, avant notre départ, soumis à Chardon les grandes lignes de ce que nous pensions proposer, à savoir, la reprise par les armements respectifs des routes sur lesquelles ils travaillaient avant la guerre, en respectant le nombre de départs et l'importance des navires à mettre en ligne par rapport à l'avant-guerre.
Dès notre arrivée, j'ai mis Émo, après avoir pris contact avec la General Steam, en rapports avec le fonctionnaire compétent du MOWT, collaborateur de Sir John Fisher, absent de Londres à ce moment-là. Notre proposition a été, dès le départ, agréée en principe par le MOWT, ce qui a permis aux négociations avec la General Steam de se développer rapidement. Nos propositions ont recueilli son adhésion ; la seule divergence qui se soit fait jour était sur la contexture du tarif des frets. Nous pensions reprendre la classification of goods des chemins de fer anglais, ce qui présentait pour le travail pratique une très grande simplicité. Le GNS ayant continué à travailler pendant les hostilités sur son tarif d'avant-guerre a désiré pouvoir maintenir celui-ci. Les résultats au point de vue chiffres ne sont pas très différents, bien que le maniement de ce dernier tarif soit plus difficile. L'on a pris comme base une ligne de la Manche (Boulogne ou Folkestone) en ajoutant, sur notre proposition qui a paru satisfaisante, car ingénieuse et simple, un élément variable par zone où se trouveraient les ports d'embarquement et de destination, ce qui évite de construire autant de tarifs qu'il y aurait de lignes. Bien entendu, les ports, soit en France, soit en UK, sont en principe les ports d'avant-guerre, mais ceux-ci peuvent être changés en raison de considérations d'ordre militaire ou d'ordre technique (état des ports), ceci à titre provisoire.
Une conférence générale a réuni jeudi tous les armateurs anglais intéressés, sauf Gibbson. Émo a dû venir lundi dernier sur place et leur accord a été obtenu. Il ne nous reste plus maintenant qu'à obtenir l'approbation des deux gouvernements et de la section compétente de l'UMA.
Chardon, à qui j'ai téléphoné dès mon retour, a été très satisfait du résultat provisoire que je lui ai annoncé. Nous pourrons, je pense, partir assez rapidement sur ces bases nouvelles.
Je suis satisfait d'avoir pu, comme je l'avais indiqué à la Marine marchande, montrer que les armateurs privés pouvaient conduire d'une manière satisfaisante pour l'État, une négociation internationale. J'ai également été heureux pour notre Maison de recueillir, soit auprès des différents hauts fonctionnaires du MOWT que j'ai rencontrés, soit auprès des différents armateurs à qui j'ai eu l'occasion de rendre visite une approbation complète sur l'initiative que nous avions ainsi prise. C'est, en effet, la première conférence que l'on remet sur pied ; l'initiative en revient à la France, et, en France, à notre Maison.
Je vous tiendrai au courant du résultat final, car j'aimerais alors que vous écriviez un mot personnel à Émo qui, dans la conduite des négociations, soit à côté de moi, soit de sa propre initiative, pour en mettre au point tous les détails, a été très remarquable.
Émo reste en Angleterre huit jours de plus que moi, de manière à bien mettre au point tout notre dispositif d'agences. Le plus grand nombre sont celles d'avant-guerre, d'autres peuvent être à modifier, notamment dans le Bristol Channel où la Maison de Cardiff s'est placée pour avoir notre plaque non seulement à Swansea, comme il en a été depuis 1940, mais également à Newport. Émo visite successivement cette semaine tous nos agents avec Coré.
J'ai également réglé avec Burness les questions financières pendantes en ce qui concerne l'armement, d'une part, quant aux frais qui lui ont incombé pour la redélivraison à notre Maison des navires ex-MOWT, d'autre part, pour fixer avec lui le régime qui va servir, à partir de maintenant, pour les navires que nous aurons sur le trafic anglais. Pour des raisons de hiérarchie, il a préféré, contrairement à ce qui se passait avant la guerre, prendre à sa charge les appointements de Sillars et Lyke, que nous supportions précédemment. Ils ont été extrêmement satisfaits de ma proposition, qu'ils ont agréée, de leur réserver un tiers de 4% (contrat de gérance) avec minimum garanti annuel de £ 2.400 (avant la guerre, les encaissements totaux de Burness étaient de l'ordre de grandeur de £ 1.800 - appointements pris en charge par nous et commissions sur frets). Le niveau des prix ayant environ doublé en Grande-Bretagne depuis 1939, j'ai considéré comme raisonnable de lui assurer de notre part cette participation minima à ses frais généraux, qui est normale, étant donné le rôle essentiel que joue actuellement Burness pour nous (contacts avec les différentes administrations anglaises pour tout ce qui concerne les réparations, cale sèche, et avec la mission de la Marine marchande qui désire n'avoir à faire qu'à un représentant de notre armement, laissant à celui-ci le soin de communiquer avec les agents des ports.
Worms & Co Ltd - Je suis allé à Newcastle où j'ai trouvé Chambers très vieilli. Celui-ci avait d'ailleurs, quelques jours auparavant, écrit à Thompson pour lui proposer, étant donné le retour de Tomlinson, de laisser à celui-ci la direction de Newcastle, ne voulant pas recommencer les erreurs de son prédécesseur. D'accord avec Thompson et Stoneham, Tomlinson a été désigné comme directeur, Chambers demeurant, bien entendu, au bord de la Compagnie et assumant en plus, à côté de Tomlinson les fonctions de conseiller commercial. Sa situation actuelle -réduite très sensiblement par rapport à l'avant guerre (£ 600 par an) - lui sera maintenue comme retraite puisqu'il ne participait pas au système général de la Maison. Nous avons, bien entendu, remis les appointements de Tomlinson en accordance avec la position d'avant-guerre. Il en a été de même pour Mac-Ewen à Cardiff.
En ce qui concerne cette dernière maison, la question de la situation de Lewis Morgan se pose toujours, je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, mais Thompson m'a indiqué qu'il espérait pouvoir se retirer si une honorable position de retraite lui était assurée. Thompson désirant venir au début de septembre pour vous rencontrer - veuillez me dire si cela vous agrée - j'ai précisé que je préférais vous laisser le soin, dans ce cas particulier, de prendre les décisions nécessaires.
Les exportations commencent à reprendre un peu. D'ailleurs Cardiff ayant beaucoup développé sa branche maritime, l'exercice Worms & Co Ltd se terminant en juillet 1945 se soldera vraisemblablement sans bénéfice ni perte.
J'ai déjeuné chez P. D. avec Lord Hindley et ai rencontré deux fois Lord Harrisson, président de la Fédération des exportateurs britanniques de charbon. Je vous écrirai plus longuement à ce sujet, car Vignet est aujourd'hui au Havre et je préfère en parler avec lui auparavant, afin d'avoir de votre part une opinion bien étayée.
Tous ceux que j'ai vus soit dans la City, soit au Ministry, m'ont demandé de vos nouvelles avec affection. Je crois que notre position à Londres est maintenant définitivement rétablie à son standing d'avant-guerre.
Port-Saïd - Rien de particulier de ce côté-là. Watts, en congé, est venu me voir. Homme solide, sans brillant. Nous avons passé en revue les différentes questions à l'ordre du jour qui sont exactement celles dont Grédy ou moi-même avons déjà eu l'occasion de vous entretenir.
Les séquestres égyptiens et anglais sont à la veille d'être levés, s'ils ne le sont déjà. J'ai longuement parlé avec Stoneham de la situation de nos affaires égyptiennes qui me préoccupe, en raison des chevauchements politiques et financiers entre les différents pays intéressés. Je lui ai demandé d'examiner s'il ne serait pas possible de joindre, peut-être même rétroactivement, cette activité à celle dont il est déjà membre du Bord. Il va préparer une note à ce sujet que vous aurez, j'espère, en temps utile pour en discuter avec le colonel.
Suède - J'ai eu l'occasion d'avoir des entretiens au cours de mon voyage au sujet de la manière dont l'UMA avait respecté les lignes régulières d'avant-guerre, notamment en ce qui concerne la prise en charge des intérêts allemands, italiens ou japonais, lesquels ne pourront être actifs. Je pensais ce faisant, à une éventualité pour nous d'ouvrir une ligne sur la Suède. Je crois que celle-ci serait extrêmement intéressante étant naturellement d'accord avec les compagnies suédoises. Nous sommes probablement avec nos relations bancaires dans ce pays, mieux placés que quiconque pour la monter. J'en ai parlé à Chardon, lors de ma visite chez lui, puisqu'en définitive, c'est une question d'ordre politique, tant dans son aspect intérieur que dans son aspect extérieur. Il n'y a, bien entendu, rien à mettre sur pied à l'heure actuelle, sauf la perspective d'avoir de temps à autre un bateau mis en charge par les TM pour maintenir les droits de notre pavillon.
Je suis parti de Londres sans assister à la conférence de la Méditerranée. Il ne semble pas qu'il y ait eu autre chose qu'une prise de contact. En tout cas, les instructions que j'avais laissées à notre représentant étaient qu'il ne devait prendre aucune position de principe, étant donné qu'aucun ordre du jour n'avait été envoyé au préalable aux intéressés.

P.S. En dernière heure, Nelson, qui vient de rentrer de Suède, m'indique que la Maison Olson & Wright, qui représentait la Svea, vient de rompre avec cette société, et lui a fait des invites dans l'idée de monter un service commun suédois-français sur la France. Ces gens tiennent en mains toute la clientèle de Svea sur notre pays et pourraient nous rendre ainsi de très intéressants services. Ceci concorde avec ce que je vous dis précédemment. Nelson est du même avis que moi au sujet de l'intérêt de cette ligne. Il faudrait, bien entendu, que nous étudiions la chose plus à fond. Je désirerais auparavant avoir votre réaction de principe et ne bougerai pas avant de l'avoir.
Comme je l'indique précédemment, j'ai marqué le point d'une manière formelle auprès de Chardon.
Nelson a l'intention de venir vous voir prochainement.
J'essaierai de venir en même temps que lui. Je compte dans l'intervalle aller à Nantes vers le 6-7 septembre.
Veuillez, comme je vous l'ai demandé plus haut, m'indiquer la date à laquelle la venue de Thompson sera le plus commode pour vous.

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