1940.11.07.De Pierre Rigaut.A Rudy Cantel - Paris-Soir.Original

Copie de lettre

[Pi]erre Rigaut

2, boulevard Pereire (XVIIe)
7 novembre 1940

Monsieur Rudy Cantel
à "Paris-Soir", Paris

Monsieur,
Connaissant assez bien la banque Worms & Cie, j'ai lu avec intérêt vos articles à son sujet et en approuve les conclusions.
Un chapitre intéressant pourrait y être ajouté, celui des agissements de la maison Worms en Scandinavie et en Finlande. Si la guerre de 1939 n'eût pas éclaté, cette banque se fût tout simplement approprié le contrôle de tout le commerce entre ces pays et le nôtre.
Sur l'initiative de M. Leroy-Ladurie, directeur de la banque (et grand ami de Paul Reynaud), deux sociétés anonymes furent fondées au printemps de 1939 : l'Union des Exportateurs français pour l'Europe du Nord et la Société centrale d'Achats pour le Nord de l'Europe. Ces deux entreprises avaient en principe pour objet de grouper les commerçants français qu'intéressait le commerce avec les pays du Nord. En fait, elles auraient mis entre les mains de Worms toute cette activité commerciale.
L'affaire était assez bien montée, avec la complicité de MM. Babelon, directeur de la Chambre de commerce française à Stockholm, et Legué, attaché commercial à Helsinki. Ces deux fonctionnaires étaient pratiquement les employés de la banque Worms, et leur influence locale eût sans doute fait réussir l'entreprise, si les événements de septembre 1939 ne fussent intervenus.
Comme vous le voyez, l'activité des Worms et de leurs serviteurs ne s'exerçait pas seulement en France et en Angleterre.
Détail intéressant : aucun des dirigeant de cette entreprise ne jugea bon de se déranger pour participer à la guerre : MM. Babelon et Legué se gardèrent de quitter le Nord ; quant au directeur des services scandinaves de Worms, M. Guérin, il s'empressa de gagner Stockholm, où il doit être encore. Seul le jeune M. Hennessy rejoignit son régiment.
J'ai pensé que cela vous intéresserait de connaître ce chapitre de l'activité des Worms. Mais peut-être le saviez-vous déjà ?
Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salutations.


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