1940.00.Résumé (non daté, ni signé) des travaux du Comité franco-anglais des transports maritimes

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NB : Ce document non daté est classé au 1er août 1940, date de l'événement le plus récent mentionné dans le texte.

Résumé des travaux de la Délégation française au Comité exécutif franco-anglais des transports maritimes (1er décembre 1939 - 10 juin 1940)

Avant la guerre, il avait été prévu l'installation à Londres d'un certain nombre de missions et en particulier d'une mission des Transports maritimes dont le rôle était d'affréter sur le marché de Londres les navires nécessaires aux besoins français d'importation.
Dès le 3 septembre 1939, cette mission fonctionna sous la direction de Monsieur de Malglaive, agent de la Compagnie générale transatlantique à Londres, et commença à conclure un certain nombre d'affrètements au voyage.
L'on s'aperçut bientôt qu'en raison des besoins considérables de navires, les affrètements au voyage sur le marché devenaient insuffisants, d'autant plus qu'ils étaient effectués en concurrence avec les services anglais du Ministry of Shipping et ceux des autres pays importateurs, telles que la Belgique, la Suisse, etc.
Dans le courant du mois de novembre, un accord fut passé entre le président du Conseil et Monsieur Chamberlain pour la mise en commun de toutes les ressources des deux paya en vue de la conduite de la guerre.
Un certain nombre de Comités exécutifs franco-anglais furent créés pour matérialiser cette coordination.
C'est à ce moment que Monsieur Hypolite Worms fut invité par Monsieur de Monzie, ministre des Transports et des Travaux publics, et Monsieur Rio, ministre de la Marine marchande, à prendre le poste de chef de la Délégation française au Comité franco-anglais des transports maritimes.
La Délégation française comprenait :
Monsieur Hypolite Worms, chef de la Délégation,
Monsieur Henri Cangardel, délégué,
Monsieur Raymond Meynial, secrétaire,
Monsieur Robert Labbé, secrétaire.
La Délégation anglaise comprenait :
Sir Cyril Hurcomb, directeur général du Ministry of Shipping, qui présidait le Comité exécutif, assisté de :
Mr T. Jenkins,
Sir John Niven.
Le rôle de la Délégation française dans ce Comité ne faisait absolument pas double emploi avec la Mission des Transports maritimes, à la tête de laquelle avait été nommé Henri Cangardel, qui succédait à Monsieur de Malglaive, et qui devenait ainsi l'adjoint de Hypolite Worms au Comité exécutif.
Cette Mission des transports maritimes, au contraire, conservait son rôle d'affréteur au voyage et, représentant du ministère de la Marine marchande à Londres, réglait toutes les questions de chartes-parties, de paiements de fret, d'assurances ; en un mot, était chargée, en dehors des affrètements au voyage et de la surveillance des bateaux français, de la réalisation matérielle des accords passés par le Comité exécutif.
Monsieur Hypolite Worms arriva à Londres Ie 29 novembre avec ses collaborateurs, porteur d'un ordre de mission dont voici le texte :
« Monsieur Hypolite Worms est chargé d'une mission spéciale en Angleterre.
Il est désigné comme chef de la Délégation française à l'Exécutif franco-anglais des Transports maritimes, et sera, dans ses fonctions, assisté de Monsieur Cangardel, chef de la Mission des transports maritimes à Londres.
En cette qualité, il sera plus particulièrement chargé des négociations avec les représentants anglais et des arrangements qui devront être étudiés par l'Exécutif des Transports maritimes conformément au programme qui lui sera transmis par Messieurs Daladier et Chamberlain.
Monsieur Hypolite Worms, assisté de Monsieur Cangardel, sera chargé de représenter la France dans toutes les négociations interalliées relatives à l'achat et à l'affrètement des bateaux neutres. Ils se tiendront en rapport, à cet égard, avec le représentant français à l'Exécutif de la Guerre économique et le tiendront informé. »
Le ministre de la Marine marchande, Rio.
Pour être mieux à même de suivre toutes les négociations et établir une liaison constante avec les services du Ministry of Shipping, Monsieur Hypolite Worms, d'accord avec le ministre de la Marine marchande, demanda à s'installer dans l'immeuble même du Ministry of Shipping.
Le rôle capital de la Délégation française était d'obtenir de l'Angleterre le maximum possible de tonnage pour satisfaire aux besoins français, soit par la rétrocession des navires anglais à mettre à la disposition de la France, soit dans la répartition des flottes neutres et alliées avec lesquelles il fallait conclure des accords de durée.

I. Accords de tonnage
Alors qu'avant son arrivée à Londres, l'Angleterre seule négociait pour compte commun les contrats de durée avec les armateurs étrangers, Monsieur Hypolite Worms exigea du Ministry of Shipping et obtint que dorénavant aucun contrat ne serait négocié sans que la Délégation française soit appelée à participer à ces négociations. Il fut, en outre, plus tard, admis que tous les accords de tonnage seraient signés conjointement par les représentants des deux pays.
En fait, jusqu'à ce moment-là, un seul accord a été passé par le gouvernement anglais, avec les armateurs norvégiens ; il portait sur 250.000 tonnes de cargos et 150 pétroliers de 10.000 tonnes, en moyenne. Comme la France n'avait pas participé directement à cet accord et ne pouvait, par conséquent, pas recevoir d'attributions directes, le rôle de la Délégation française se borna à exiger, chaque mois, de l'Angleterre, au voyage, le tonnage nécessaire à ses importations de pétrole, tonnage qui, d'ailleurs, lui fut toujours accordé.
Nous verrons plus tard que Monsieur Hypolite Worms fit tous ses efforts pour, qu'à l'occasion des modifications du contrat qui devaient avoir lieu six mois plus tard, un certain nombre de navires pétroliers soit directement attribué à la France.
Le Ministry of Shipping avait également tenté de conclure un accord avec les armateurs grecs de Londres, mais ces négociations avaient complètement échoué.
Dès son arrivée à Londres, et utilisant les relations personnelles qu'il avait avec un certain nombre d'entre eux, Monsieur Hypolite Worms demanda à Sir Cyril Hurcomb, président du Comité exécutif, et obtint de lui les pleins pouvoirs pour négocier, seul, pour compte commun avec lesdits armateurs grecs.
Après quelques semaines de négociations, un accord fut signé conjointement par les représentants des deux gouvernements alliés. Cet accord garantissait à la France et à l'Angleterre, pour la durée de la guerre, 500.000 tonnes de navires long-courriers à des conditions extrêmement avantageuses car, les risques de guerre de cette flotte étant couverts par le Comité britannique des Assurances, les primes à la charge des deux gouvernements étaient infiniment plus réduites que celles de l'accord norvégien, dont, par contrat, les risques étaient couverts par le Club norvégien. Cet accord grec a fonctionné parfaitement pendant la première partie de l'année 1940, et, dans la répartition de tonnage, la France reçut au moins la moitié de la totalité des navires.
En dehors de l'accord grec, un certain nombre d'autres contrats furent passés :
- avec les armateurs suédois qui mettaient à la disposition des alliés tous ceux de leurs navires qui n'étaient pas nécessaires à l'alimentation du pays,
- avec les Danois, qui avaient garanti d'offrir sur le marché des frets de Londres tous les navires dont ils n'avaient pas besoin pour les importations de leur propre pays, ce qui, le jour de l'invasion du Danemark, permit à la France et à l'Angleterre de saisir tous les bateaux danois qui ne se trouvaient pas dans les ports de la métropole,
- avec les Hollandais qui, dès l'invasion de leur pays, mirent à la disposition de la France et de l'Angleterre la presque intégralité de leur flotte.
Mais la part, revenant à la France, de tous ces bateaux étrangers ne suffisaient pas aux besoins de notre pays et Monsieur Hypolite Worms négocia alors la mise à la disposition de la France d'un certain nombre de navires anglais. C'est dans ces conditions qu'il amena le Ministry of Shipping à se charger de l'importation en France, par navire anglais, de la plus grande partie des besoins de notre pays en provenance des colonies et dominions britanniques, c'est-à-dire des Indes, de l'Afrique du Sud, de l'Australie ; ce qui représentait un tonnage annuel d'environ 1.000.000 de tonnes et nécessitait de la part de l'Angleterre un effort de plus de 400.000 tonnes de navires et, ce, aux mêmes taux de fret que ceux que le gouvernement britannique appliquait aux besoins de ses propres départements ministériels.
Enfin, plus tard, au moment de l'invasion de la Norvège, un nouvel accord fut conclu avec les amateurs norvégiens mettant à la disposition des alliés la presque intégralité de la flotte norvégienne, exception faite des cargos servant aux lignes régulières exploitées par les armateurs dans les territoires situés hors d'Europe.

II - Mise en commun des programmes de constructions
Se basant sur les accords Baladier/Chamberlain du 16 novembre qui portaient en principe la mise en commun des moyens de production. Monsieur Hypolite Worms, après avoir pris l'accord du ministre de la Marine marchande, prit l'initiative de réclamer au gouvernement anglais la mise en application de ce principe pour les constructions navales.
Le Conseil des ministres britanniques accepta cette suggestion et le gouvernement anglais donna son accord qui fut confirmé au cours du voyage que Monsieur Rio fit à Londres (janvier 1940).
Les modalités de cet accord furent étudiées pendant de longues semaines et la formule qui fut adoptée était basée sur le principe du maintien de l'importance respective des flottes britanniques et françaises à la date du 3 septembre 1939, en tenant compte des pertes subies et des acquisitions faites après cette date.
II avait, en outre, été décidé que le prix appliqué à la France serait exactement le même que celui facturé par les chantiers anglais au gouvernement britannique.
D'après les calculs effectués, cet accord devait donner à la France un tonnage annuel de navires neufs variant de 100 à 150.000 tonnes. Les événements de juin empêchèrent la signature effective de cet accord dont toutes les modalités avaient été réglées.

III - Achat de navires à l'étranger
Monsieur Hypolite Worms, dès son arrivée, demanda au gouvernement anglais que les achats fussent coordonnés afin d'éviter la surenchère : il fut décidé que les achats aux États-Unis seraient effectués en commun et répartis ensuite équitablement entre les deux pays.

IV - Répartition du tonnage
Après tous ces accords, la tâche principale incombant à la Délégation française au Comité exécutif franco-anglais des transports maritimes fut de répartir équitablement entre la France et l'Angleterre la totalité du tonnage mis à la disposition des deux pays.
Des études statistiques furent entreprises, d'accord avec toutes les missions françaises et anglaises, pour connaître les programmes d'importation et arriver à en déduire la base devant servir à la répartition des navires.
Après de longs échanges de vues avec tous les départements intéressés, le Comité exécutif franco-anglais arriva à
établir que les besoins français d'importation s'élevaient à
17.000.000 de tonnes contre 47.000.000 pour l'Angleterre (mettant à part, bien entendu, les importations de charbons et de pétrole qui faisaient l'objet de traitements à part). La proportion était par conséquent de 1 à 3. En réalité, et en tenant compte de la durée des voyages - beaucoup plus rapides pour la France puisqu'un tiers du programme français total provenait de l'Afrique du Nord alors que la majorité des importations anglaises venait de l'Amérique, de l'Afrique du Sud, de l'Australie ou d'Extrême-Orient - la proportion passa de 1 pour la France à 4,5 pour la Grande-Bretagne.
Or, l'importance respective des flottes française et britannique était dans la proportion de 1 à 7 : il fallait donc que, dans la répartition du tonnage, la France reçût une part sensiblement supérieure à la proportion des programmes d'importation.
C'est dans ces conditions que la Délégation française obtint :
- 60% de la totalité des navires danois et norvégiens contre 40% à la Grande-Bretagne
- 50% de la totalité des flottes hollandaises et suédoises contre 50% à la Grande-Bretagne.
De sorte qu'au début de juin la France avait à sa disposition, en time-charter, directement, pour la durée de la guerre, un tonnage marchand allié ou neutre de plus de 2.000.000 de tonnes auxquelles venaient s'ajouter l'équivalent de 400.000 tonnes de bateaux anglais qui devaient transporter 1.000.000 de tonnes des dominions britanniques.
Ces deux tonnages ajoutés à la flotte française réquisitionnée, et en tenant compte de la rotation des navires, devaient permettre de satisfaire à l'importation des 17.000.000 de tonnes de marchandises qui représentaient l'intégralité des besoins français servis à 100%.

V - Politique d'importation de charbons anglais
L'une des tâches les plus urgentes et les plus délicates du Comité exécutif franco-anglais fut celle de 'l'organisation des transports de charbon d'Angleterre en France qui restaient en dehors des accords de tonnage.
A la suite de laborieuses négociations, Monsieur Hypolite Worms avait obtenu que le nombre des navires anglais mis à la disposition de la France pour le transport du charbon fut considérablement accru et qu'il soit en outre préparé chaque mois un état des navires devant charger le mois suivant, de manière à permettre l'enlèvement régulier des qualités de charbon les plus nécessaires à la France.
C'est ainsi que les importations françaises de charbon passèrent d'environ :
- 500.000 tonnes en novembre 1939
- à 700.000 tonnes en décembre
- 800.000 tonnes en janvier/février 1940 - 900.000 tonnes en mars
- 1.000.000 tonnes en avril
- 1.300.000 tonnes en mai.
A la demande du gouvernement Français, un gros effort fut réalisé en juin et 2.000.000 de tonnes auraient probablement été le chiffre d'importations du mois de juin, pour arriver dans le courant de juillet à une importation mensuelle de 2.000.000 à 2.500.000 tonnes, ce chiffre étant considéré comme suffisant par le ministère des Travaux publics.
La participation du pavillon anglais dans ces transports passait de 200.000 tonnes en novembre à 600.000 tonnes en mai et aurait largement dépassé 1.000.000 de tonnes pour le mois de juin.

VI - Importations de pétrole
Ainsi qu'il est indiqué plus haut, l'accord norvégien ayant été signé par l'Angleterre, seule, les besoins de la France étaient assurés par l'Angleterre chaque mois par des attributions au voyage mais en Mai 1940, au moment de la révision de l'accord norvégien, il fut entendu qu'un certain nombre de navires norvégiens seraient rétrocédés à la France, en time-charter, dans les limites des besoins français que la flotte pétrolière française ne pouvait pas satisfaire.
C'est ainsi qu'à ce moment-là et pour commencer, une dizaine de navires pétroliers, soit 50.000 tonnes, furent attribués à la France.

VII - En dehors de ces accords d'affrètement et de répartition de tonnage, la Délégation française eut à servir de liaison entre le ministère de la Marine marchande et le Ministry of Shipping, plus particulièrement pendant les premiers mois afin d'obtenir des secours urgents de navires, en attendant et avant la mise à la disposition de la France des navires qui lui étaient dus par ces accords, qu'il s'agisse de cargos destinés aux transports d'avions et de camions des États-Unis ou de paquebots destinés aux transports des troupes coloniales vers la métropole.
Ceci est un résumé succinct de l'activité de la délégation française au Comité exécutif franco-anglais du premier décembre 1939 au 10 juin 1940, époque à laquelle les communications ont été coupées entre Londres et Paris et où la Délégation française ne pouvait plus envoyer, comme elle le faisait presque journellement, au ministre de la Marine marchande des rapports sur son activité.
Sur le travail de la Délégation française à partir du 10 juin jusqu'au 17 juillet pour lequel aucune trace ne se trouve dans les archives du ministère de la Marine marchande, un rapport spécial a été fait par Monsieur Hypolite Worms à son retour de Londres et remis, à son arrivée, au ministère de la Marine.


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