1935.01.08.Projet de loi - aide à la construction navale

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8 janvier 1935

Projet de loi

I. Exposé des motifs

La nécessité de venir en aide à l’industrie de la construction des navires de commerce est admise depuis longtemps : de grands organismes, tels que la Commission extraparlementaire présidée par M. le sénateur Brindeau, le Conseil national économique, se sont formellement prononcés à cet égard. Mais il a toujours été reconnu impossible de protéger nos chantiers navals par un droit de douane, comme le reste de l’industrie française.
Il a, d’autre part, été jugé préférable, depuis la guerre, de ne pas recourir aux primes d’autrefois, bien que les deux organismes précités aient préconisé ce mode de protection, et l’on s’est orienté vers une série de mesures partielles qui ont fait l’objet des lois des 1er août 1928, 10 août 1929, 29 mars 1931, 6 mars 1932, 9 avril 1932 et 26 juillet 1933.La principale de ces mesures est le Crédit maritime, auquel on a ajouté la franchise douanière sur les matériaux entrant dans la construction des bâtiments de mer de la marine marchande et l’exonération de la taxe sur le chiffre des affaires conclues par les armateurs avec les chantiers de construction navale français.
L’ensemble de ces mesures n’a pu suffire à donner à nos chantiers la protection dont ils ont besoin : les allocations du Crédit maritime, bien qu’augmentées grâce à une série de dispositions complémentaires, continuent à être insuffisantes pour combler l’écart des prix de construction français et étrangers, parce que les conditions économiques et notamment la dévaluation de certaines monnaies étrangères accroissent sans cesse cet écart.
Il est par ailleurs nécessaire que dès le moment où armateur et constructeur entrent en rapport pour étudier les conditions d'un contrat, ils soient exactement fixés sur le montant du concours sur lequel ils peuvent compter. Or, les textes en vigueur laissent place à des appréciations sur l'importance des allocations qui seront accordées.
Les considérations qui précèdent ont amené à rechercher un système qui, tout en maintenant la facilité que, dans certains cas, le Crédit maritime peut donner par application de la convention conclue entre l’État et le Crédit foncier, incite l'armateur français à réserver à l'avenir toutes ses commandes à l'industrie française.
Ce système découle du principe du Crédit maritime, en ce que la protection de l’industrie de la construction navale y est obtenue grâce à une aide accordée à l'armateur et consistant à lui verser des allocations pendant un certain nombre d'années, au titre de participation de l'État aux charges des emprunts qu’il pourra être amené à contracter pour le financement des travaux de construction, transformation ou démolition de navires, tout en lui conservant l'avantage qu’il reçoit du Crédit maritime actuel et qui résulte de la disposition prévoyant qu’une allocation peut être éventuellement accordée même dans le cas des navires construits à l'étranger. Ce nouveau régime introduit le principe de l'irrévocabilité des allocations, sous certaines réserves concernant notamment le cas du transfert sous pavillon étranger avant l’expiration d'un délai de deux ans après construction ou transformation du navire en France. Si en effet il est indispensable que l'armateur puisse garantir au chantier le paiement par annuités du surprix de la construction française, il semble du moins logique, par analogie avec le système de la loi de 1906, d'admettre une réduction de 30 % de ces annuités, dans le cas où l’armateur ferait passer son navire sous pavillon étranger peu de temps après exécution des travaux en France.
La dévaluation des monnaies étrangères, spécialement celle des pays dont l'industrie maritime a toujours concurrencé la nôtre, a porté à nos chantiers un très grave préjudice qui s'est ajouté à celui qui résulte, d'une manière permanente, des conditions économiques défavorables de l'industrie française. Il est équitable de tenir le plus grand compte de cette circonstance, sous la forme d'une majoration des allocations, dont la quotité pourra être révisée périodiquement.
Enfin, pour donner à notre construction navale la sécurité si nécessaire aux capitaux qu'elle représente ou qu'elle pourra rechercher, le nouveau régime est envisagé pour une durée de 15 ans, durant lesquels, chaque année, l'armement français, grâce au montant des allocations prévues, pourra engager la construction d'environ 100.000 tonneaux de jauge, avec une petite marge pour les transformations de navires.
Le projet de loi dont la teneur suit, répond aux vœux d’une industrie qui intéresse le pays tout entier par le nombre considérable de ses sous-traitants, et qui, seule en France, n'a pas encore reçu la protection dont elle a besoin.

II. Texte du projet de loi

Article premier
L'article 8 de la loi du 1er août 1928, modifié par la loi du 26 juillet 1933, est remplacé par les dispositions suivantes :
"Des allocations sont accordées :
1° - Soit à titre de bonification d'intérêt aux armateurs bénéficiant des prêts visés à l'article premier dans les conditions fixées par l'article 9 de la convention du 29 décembre 1927 entre l'État et le Crédit foncier.
2° - Soit, dans les conditions définies ci-après, aux armateurs faisant construire, transformer ou démolir des navires en France.
Ces deux catégories d'allocations ne peuvent se cumuler pour le même navire."

Article 2
L’article 9 de la loi du 1er août 1928, modifié par la loi du 26 juillet 1933, est remplacé par les dispositions suivantes :
"A - A titre de participation aux charges des emprunts que les armateurs pourront être amenés à contracter pour le financement de la construction de navires, l'État versera, pendant 15 années consécutives à compter de la mise en chantier, des allocations payables par semestre et représentant les annuités d’amortissement et d’intérêt, au taux défini au paragraphe C ci- dessous, d'un capital déterminé comme indiqué au paragraphe B ci-après.
B - Pour déterminer ce capital :
1°/ La jauge brute totale du navire à construire, évaluée en tonneaux, sera multipliée par le coefficient 70.
2°/ La jauge brute totale sera également multipliée : pour les 300 premiers tonneaux par le coefficient 1560 ; pour les 300 tonneaux suivants par le coefficient 1300 ; pour les 300 tonneaux suivants par le coefficient 1090 ; pour les 300 tonneaux suivants par le coefficient 910 ; pour les 1000 tonneaux suivants par le coefficient 825 ; pour les 3.800 tonneaux suivants par le coefficient 690 ; pour les tonneaux suivants par le coefficient 585.
Pour les navires transportant plus de 12 passagers en cabines, la somme des multiplications énumérées au paragraphe précédent sera multipliée par le coefficient 1 + J/J' dans lequel J désigne la jauge brute totale et J' la partie de cette jauge correspondant aux emménagements de passagers en cabines.
3°/ Le poids, en tonnes métriques, de l’appareil moteur et évaporatoire complet, sera multiplié par le coefficient 1050.
4°/ La puissance de l’appareil moteur, évaluée en C.V.I. pour une machine alternative, sera multipliée par le coefficient 160 ; évaluée en C.V.E. pour des turbines, elle sera multipliée par le coefficient 210 ; évaluée en C.V.I. pour un appareil moteur à combustion interne, elle sera multipliée par le coefficient 210.
La somme des résultats de ces quatre opérations exprimera en francs le capital visé au paragraphe A ci-dessus.
C - Les demandes d’allocations devront être adressées au ministre de la Marine marchande. Le taux d’intérêt auquel seront calculées les annuités du capital défini au paragraphe B ci-dessus, sera déterminé comme suit :
On considérera celle des rentes de l’État français qui au cours moyen des 3 mois écoulés avant la demande ci-dessus, aura produit le plus fort taux de capitalisation; ce taux sera majoré de 2, et le total ainsi obtenu sera divisé par 0,83.
D - Les allocations ci-dessus ne seront versées que pour des navires construits en France pour des armateurs français et dont l’appareil moteur et évaporatoire sera de fabrication française.
Elles seront irrévocables, sauf si le navire passe sous pavillon étranger ; dans ce cas, le capital ayant servi à calculer les allocations sera réduit, pour le calcul des allocations futures, du résultat de la première des quatre opérations mentionnées au paragraphe B.
Si d’autre part le transfert sous pavillon étranger a lieu avant l’expiration d’un délai de deux ans après la francisation du navire, le capital ayant servi à calculer les allocations sera en outre réduit, pour le calcul des allocations futures, des 30/100 des résultats des 2ème,3ème et 4ème opérations mentionnées au paragraphe B ci-dessus.
Les allocations, modifiées comme il est indiqué aux deux paragraphes précédents, seront irrévocables.
E - Les transformations de navires français ci-après spécifiées, donneront lieu, pendant 15 années consécutives à compter du jour où la transformation aura été entreprise, à des versements d’allocations payables par semestres, et représentant les annuités d’amortissement et d’intérêt d'un capital déterminé comme suit :
1°/ Pour toute transformation d’un navire exécutée en France et ayant pour résultat d’en accroitre la jauge brute totale, on calculera les résultats de la 2ème opération prévue au paragraphe B, après et avant transformation, et l'on prendra la différence de ces deux résultats.
2°/ Pour toutes machines, chaudières et appareils auxiliaires de construction française mis en place à bord à l’état neuf pendant l’existence du navire, on calculera le résultat de la 3ème opération prévue au paragraphe B.
3 / Pour toute transformation d’un navire exécutée en France, comportant l’emploi d’appareils construits en France et ayant pour résultat d’accroître la puissance de l’appareil moteur, on calculera les résultats de la 4ème opération prévu au paragraphe B, après et avant transformation et l’on prendra la différence de ces deux résultats.
La somme des trois nombres ci-dessus calculés exprimera en francs le capital visé au premier alinéa du présent paragraphe.
Le taux d’intérêt servant au calcul des allocations ci-dessus sera déterminé comme il est indiqué au paragraphe C ci-dessus.
Ces allocations seront irrévocables, sous les réserves stipulées au paragraphe D.
F - Tant que le tonnage brut, le poids et la puissance de l’appareil moteur et évaporatoire ne seront pas rigoureusement déterminés, on utilisera provisoirement, pour le calcul défini soit au paragraphe B, soit au paragraphe E ci-dessus, des valeurs approchées par défaut et certifiées par le Bureau Veritas. Un redressement du montant du capital sera opéré avec effet rétroactif depuis le premier versement dès que les caractéristiques ci-dessus seront exactement connues.
G - Le paiement des allocations sera fait à l’armateur, ou a son délégataire en totalité ou en partie. Les actes de cession de ces allocations seront soumis au droit fixe d’enregistrement de 22 F 50.
H - Lorsque le financement de ces allocations nécessitera des émissions publiques, les conditions d'émission des emprunts contractés à cet effet devront être préalablement agréées par le ministre des Finances.
Les intérêts, arrérages et tous autres produits des ouvertures de crédits et des emprunts éventuellement effectués pour ce financement seront exempts de l’impôt cédulaire sur le revenu.
I - A titre de compensation de change, les allocations annuelles définies au paragraphe A ci-dessus, réduites de la part qui correspond au capital résultant de la 1ère opération du paragraphe B et les allocations annuelles définies au paragraphe E, seront majorées de 60 % pour les navires mis en chantier ou en transformation pendant un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la présente loi. A l’expiration de ce délai, la valeur de cette compensation pourra être révisée par un règlement d'administration publique pour les allocations annuelles se rapportant aux navires mis en chantier ou en transformation pendant une nouvelle période de 2 ans, et ainsi de suite par périodes de deux années. Toutefois, cette périodicité pourra être réduite en cas de circonstances économiques exceptionnelles.
J - Les démolitions de navires francisés, entreprises au moins 20 ans après la date de leur mise en chantier, donneront lieu pendant 15 années consécutives à compter du jour où la démolition aura été entreprise, à des versements d’allocations, payables par semestres, et représentant les annuités d’amortissement et d’intérêt d’un capital exprimé en francs, par le produit de la jauge brute totale évaluée en tonneaux par le coefficient 125.
Ces allocations ne seront acquises que sous condition qu’un tonnage neuf soit mis corrélativement en chantier, à raison de 1 tonneau neuf pour 3 tonneaux démolis, dans un délai maximum de deux ans à compter de la démolition. Elles ne seront versées qu’en même temps que les allocations définies au paragraphe A pour cette construction neuve.
Le taux d’intérêt servant au calcul de ces allocations sera déterminé comme il est indiqué au paragraphe C ci- dessus.

Ces allocations seront irrévocables. Les dispositions des paragraphes G et H ci-dessus leur seront applicables.
K - Un règlement d'administration publique fixera les modalités d’application des dispositions contenues dans le présent article, notamment les barèmes d’annuités, les conditions à remplir pour constater la mise en chantier, la transformation ou la démolition des navires, les reports éventuels d’une année sur l’autre des allocations non employées ou des allocations qui n’auraient pu être attribuées."

Article 3
Le dernier paragraphe de l’article 10 de la loi du 1er août 1928 est supprimé.

Article 4
L’article 11 de la loi du 1er août 1928, modifié par la loi du 26 juillet 1933, est remplacé par le texte suivant :
"Le montant maximum des emprunts que pourront contracter les propriétaires de navires, par application de la convention visée à l’article premier de la présente loi, sera tel que la somme totale des allocations annuelles correspondant aux emprunts contractés pendant chacune des quatre années à compter du 1er août 1933 ne dépasse pas, en moyenne, 4.000.000 de francs, en dehors des allocations données pour la vitesse du navire.
La part de ces emprunts ou prêts donnant droit à l'allocation par application de la convention visée à l'article premier de la présente loi, et affectés à la mobilisation des annuités dues à l'État, au titre des prestations en nature ou à l'achat de navires étrangers, ne dépassera pas, en moyenne, 40.000.000 de francs par an.
Les dispositions résultant du nouvel article 9 ci-dessus seront en vigueur pendant une durée de 15 années. Pendant chacune de ces 15 années, le total des allocations annuelles engagées au cours de l'année, pour l'ensemble des deux catégories prévues par le nouvel article 8 ci-dessus, ne pourra dépasser 18.000.000 de francs en moyenne, y compris les 4.000.000 de francs visés au premier paragraphe du présent article, et compte tenu de la compensation de change prévue au paragraphe I du nouvel article 9 ci-dessus. Au cas où cette compensation serait révisée, le maximum de 18.000.000 de francs serait modifié en conséquence.
Le montant maximum des prêts à consentir dans une même année à un même emprunteur, par application de la convention visée à l’article premier de la présente loi, sera tel que le montant maximum des allocations correspondantes ne dépasse pas 1.000.000 de francs, à moins qu'il n'y ait, après l'attribution des prêts chaque année, des disponibilités sur le montant des allocations prévu au paragraphe 2 du nouvel article ci-dessus."

Article 5
Le premier paragraphe de l’article 12 de la loi du 1er août 1928 est modifié comme suit :
"Les demandes d’allocations au titre de bonification d’intérêt pour les emprunts effectués par application de la convention visée à l’article premier de la présente loi seront adressées au ministre chargé de la Marine marchande, accompagnées des pièces définies à l’article 2 de ladite convention. Elles seront soumises à l’examen de la commission prévue à l’article 4 de ladite convention."

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