1933.07.29.De Worms - ACSM.Note.Répartition inégale des commandes de la Marine

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Paris, le 29 juillet 1933

Le ministre de la Marine est sur le point d’attribuer aux chantiers français la commande des huit escorteurs qui font partie de la tranche de 1931 et du contingent de 1932.
Pour ces huit unités sept chantiers sont en ligne : d’une part, les Ateliers et Chantiers de la Loire et les      Ateliers et Chantiers de Bretagne qui ont reçu, à eux deux, il y a quelques mois, la commande des quatre escorteurs prototypes, et d’autre part, cinq sociétés qui n’ont construit encore aucune unité de ce type, à savoir, dans l’ordre géographique :
- les Ateliers et Chantiers de France à Dunkerque,
- les Ateliers et Chantiers Augustin-Normand et
- les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (Worms & Cie) en Seine-Inférieure,
- les Chantiers navals français à Caen,
- enfin les Chantiers maritimes du Sud-Ouest à Bordeaux.
Puisqu’il y a huit unités à attribuer et sept concurrents seulement en présence, nos Chantiers ont la possibilité de recevoir la commande de deux unités, et ils croient mériter cet avantage en compensation du passé dont les inégalités ont fait un présent lamentable.
Lamentable par le chômage actuel et très prochain. C’est ainsi que 200 ouvriers ont déjà été débauchés du Trait depuis novembre 1932 et si ces chantiers n’obtiennent pas de nouvelles commandes ils seront dans la pénible obligation de licencier :
- 150 ouvriers en septembre 1933,
- 150 ouvriers en octobre 1933,
- 200 ouvriers en mars 1934.
Tenant compte qu’à l’inverse de ce qui se passe dans une grande ville ces ouvriers ne pourraient pas trouver sur place une autre occupation, ces débauches de personnel signifieraient la dislocation complète de la cité-jardin du Trait et de toutes ses œuvres.
Cette situation est d’autant plus pénible qu’un nombre important d’employés et d’ouvriers ont fait construire des maisons sous le régime de la Loi Loucheur.
Les inégalités auxquelles il est fait allusion plus haut, et qu’il serait intéressant d’énumérer, se traduisent par les chiffres suivants :
- les Chantiers de la Loire-Inférieure ont obtenu de la Marine militaire, depuis 1929, un total de commandes de F 900 millions.
Pendant le même temps, les Chantiers de la Seine-Inférieure en recevaient pour une somme de F 80 millions.
Il n’y a donc aucun doute que les Chantiers de la Seine-Inférieure, désavantagés dans le passé et qui ne peuvent plus exercer actuellement leur spécialité habituelle, celle des sous-marins, puisque la construction de ces unité est arrêtée, ont droit à une compensation.
En conclusion, les Chantiers du Trait demandent, avec la plus grande insistance, la commande des deux escorteurs, en faisant d’ailleurs observer que n’étant pas constructeurs de turbines, ils sous-traiteront, pour ces dernières, avec des Chantiers de la Loire Inférieure, effectuant ainsi un partage avec leurs collègues. Si, au contraire, les groupes des deux escorteurs étaient commandés ailleurs qu’en Seine Inférieure, les Chantiers Worms & Cie ne pourraient recevoir aucune commande de leurs heureux collègues et ne pourraient espérer, par conséquent, aucune compensation.

Tableau faisant ressortir les inégalités dans la répartition des commandes
de la Marine militaire entre les chantiers la Loire-Inférieure et ceux de la Seine-Inférieure

 

Loire inférieure

Seine inférieure

Tranche 1929 et contingent 1929

Contre-torpilleurs "Cassard" "Tartu" et "Maillé-Brézé"
Sous-marin 1ère classe "Conquérant"

Sous-marins "Psyché” et "Sybille"

Tranche 1930 et contingent 1930

Sous-marins de 1ère classe "Sfax" et "Casablanca"
Croiseur mouilleur de mines "Émile Bertin"
Sous-marin "Iris"

Sous-marins "Junon" et "Vénus"

Tranche 1931 et contingent 1931

Escorteurs "Melpomène" et "Flore", "Pomone" et "Iphigénie"
4 chasseurs de sous-marins

Néant

Tranche 1932 et contingent 1932

Croiseurs "Marseillaise" et "Chateaurenault"

Néant jusqu’à présent

 

Soit au total 900.000.000 F

Soit au total 80.000.000 F

Cette note était destinée à être laissée entre les mains de M. de Monzie à la suite d’une visite que devait lui faire M. H. Worms.
Celle-ci a eu lieu aujourd’hui, 4 courant, à 1 heure de l’après-midi mais, pour des raisons psychologiques, M. H. Worms a préféré ne pas remettre le document.
D’une part, en effet, il avait suffit de fort peu de temps au ministre de l’Éducation nationale pour saisir exactement de quoi il s’agissait.
D’autre part, il paraissait tellement débordé de besogne qu’il a paru douteux à M. H. Worms que le ministre ait le temps de lire la note.
Enfin, il était préférable d’éviter que dans une trop grosse bousculade de travail cette note ne prît le chemin du ministre de la Marine à l’appui de l’intervention qu’a promis de faire M. de Monzie et que de fâcheuses susceptibilités ne vinssent contrarier les heureux effets de l’influence qu’on sollicitait.
En définitive, M. de Monzie a promis à M. H. Worms d’intervenir immédiatement auprès du ministre de la Marine et du président du conseil, en faveur de la Maison Worms.
M. H. Worms a l’impression que la démarche de M. de Monzie a dû être immédiate, mais M. J. Barnaud pourra mettre à profit, s’il le juge lui-même à propos, l’amitié particulière qui le lie avec M. de Monzie, pour juger si, dans quelques jours, il convient de rappeler à ce dernier sa promesse.

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