1928.05.31.De Worms et Cie.Etude pour la création d'un département de banque.Photocopie

Note

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Étude pour la création d'un département "Banque"

1. Affaires maritimes
On a vu que ces affaires comprenaient l'armement, l'affrètement, chargement et expéditions de marchandises, les opérations de transit, les opérations de manutentions, les opérations de consignation, etc.
La recherche du fret est une des principales sources d'activité de la société. Pour avoir une idée de l'importance des opérations traitées, il suffira de dire qu'en 1927 le total des marchandises transportées s'est élevé à 600.000 tonnes et que le fret perçu a atteint 50 millions de francs. Sauf de très rares exceptions, le fret se paie comptant, soit départ, soit à destination. C'est le cas, non seulement pour la Maison Worms, mais pour toutes Ies compagnies de navigation. Peut-être en accordant certaines facilités pour le paiement du fret, pourrait-on s'attacher davantage la clientèle et atteindre certaines maisons qui jusqu'ici s'adressent à la concurrence ? En effet, par suite d'accords passés avec les principales compagnies de navigation un tarif des frets a été établi et il n'est pas possible d'y apporter de modification. Ce n'est donc que d'une manière tout à fait indirecte qu'on pourrait consentir certains avantages à la clientèle. L'octroi de crédits pour le paiement pourrait être un de ces avantages. II y aurait donc là, une possibilité d'opérations bancaires, soit sous forme de crédits purs et simples, ou de crédits mobilisés, soit sous forme d'escompte de remises d'effets de commerce. Les opérations de transit ainsi que celles de manutention, dédouanement, etc., pourraient donner lieu également à des avances à la clientèle sous forme de crédits ou d'escomptes.
Mais ce sont surtout les affaires de transport de marchandises qui peuvent faire l'objet d'opérations bancaires. La Maison Worms, chargée du transport des marchandises peut, non seulement, avancer le prix du fret, mais aussi intervenir comme banquier, en avançant à ses clients tout ou partie des sommes nécessaires à l'achat des marchandises. Elle peut également pour un chargement à une destination étrangère ou nationale et dont la vente n'est pas encore assurée, emmagasiner Ies marchandises au lieu d'arrivée, avancer les fonds à son client et se rembourser au fur et à mesure des ventes. Elle peut, en outre, étant sur place accepter aux lieu et place de ses clients acheteurs les effets documentaires remis en paiement aux vendeurs. Il y a là, on le voit, matière à toute la gamme des opérations commerciales de banques : crédits et escomptes documentaires, crédits d'acceptation, avances sur marchandises, warrants, etc., auxquels peuvent s'adjoindre les opérations de change quand le paiement est effectué dans une monnaie autre que le franc, Ies opérations d'avances sur titres remis en garantie, les opérations d'escompte et de recouvrement d'effets de commerce tirés sur les acheteurs de ses clients, ou remis par eux en paiement, etc.
Les affaires de consignation par contre, étant donné leur nature ne paraissent pas pouvoir donner lieu à des opérations bancaires.

2. Commerce de charbons
Les affaires de charbons comprennent comme il est dit plus haut 3 sortes d'opérations principales. De ces opérations, seule la vente à la clientèle peut donner lieu à une intervention bancaire. Les deux autres : achats par le siège des charbons en Angleterre - fournitures des charbons de soute dans les dépôts maritimes - ne nécessitent pas cette intervention.
La vente du charbon à la clientèle dans les diverses succursales et à Paris, se fait jusqu'à présent en principe au comptant. Elle se chiffre par 1.200.000 à 1.500.000 tonnes par an représentant environ 300.000.000 de francs de chiffre d'affaire. Certaines maisons cependant obtiennent déjà des facilités pouvant aller de 30 à 60 jours. On pourrait étendre ces facilités et atteindre ainsi certains clients jusqu'ici délaissés.
Des crédits pourraient être faits - par découvert pur et simple, par découvert mobilisé (tirage sur les clients de Worms), par escompte du papier des clients sur leur propre clientèle.
Ces crédits peuvent être libres ou garantis.
On peut aussi consentir des avances sur marchandises, le charbon restant dans Ies dépôts Worms.
En outre, des crédits pouvant être faits non seulement pour ce charbon, mais pour d'autres opérations.
Ainsi par exemple, une papeterie peut avoir besoin de crédit non seulement pour son charbon, mais aussi pour ses achats de pâtes à papier. Le département Banque peut lui fournir les sommes nécessaires à ses achats en Suède et Norvège, transporter les marchandises et avoir en garantie les connaissements puis la marchandise elle-même. On retombe ici, dans les opérations bancaires inhérentes aux affaires maritimes dont il est parlé plus haut.
Enfin, cette clientèle commerciale devenue bancaire, pourra également faire éventuellement toutes ses opérations de banque (escompte et recouvrement - coupons - titres, etc.) au département Banque.

3. Constructions navales
Les opérations de constructions navales ne semblent pas nécessiter, en principe, l'intervention d'un département Banque. On peut concevoir, il est vrai, comme cela s'est du reste déjà produit, l'octroi de délais de paiement aux acheteurs. Les crédits ainsi consentis pourraient par suite passer par le canal du département Banque, mais ce sont là, des opérations d'envergure qui ne demandent pas la création d'un service spécial et qui pourraient continuer à être traitées isolément.
Enfin, pour attirer la clientèle et notamment pour s'attacher certaines maisons importantes, la Maison Worms pourrait être amenée à prendre des participations dans certaines grosses affaires ou intervenir dans des émissions d'actions ou d'obligations pour compte de compagnies de gaz, d'électricité, d'emprunt de ville et se réserver ainsi, outre un droit de contrôle, la fourniture exclusive du charbon et des transports.
Un champ d'activité assez important pourrait être ouvert en Pologne, où l'installation de succursales déjà anciennes permet à la Maison Worms de connaître les usages et la clientèle et d'être à même de répondre aux besoins du pays, tant à l'importation qu'à l'exportation.
Comme on le voit, les affaires traitées par la Maison Worms peuvent donner lieu directement et indirectement à des opérations de banque pouvant justifier la création d'un département spécial.
Toutefois, les capitaux dont dispose la Maison Worms, bien que considérables, ne peuvent être détournés, même en partie au profit d'un département nouveau. Ces capitaux sont indispensables en effet aux affaires actuellement traitées.
Le département banque doit pouvoir être créé sans nécessiter de nouvelles immobilisations, en s'appuyant sur l'organisation existante et en n'occasionnant qu'un minimum de frais généraux.
Ce résultat ne peut être atteint qu'à une condition, c'est que le département Banque s'appuie pour toutes ses opérations le concernant sur une grande banque ou établissement de crédit, où il trouvera les facilités de réescompte et de crédit qui lui sont indispensables.
II ne pourrait s'agir toutefois d'une collaboration absolue. L'indépendance, la liberté d'action et la responsabilité du département Banque de la Maison Worms devant rester entières. La banque ou l'établissement de crédit ne devant agir en la circonstance que comme ré-escompteur et donneur de crédit. Sans doute, certaines opérations d'envergure, pourront éventuellement être traitées en compte à demi, mais cela ne saurait qu'être l'exception confirmant la règle.
Le département Banque traitera lui-même les opérations d'escompte, d'ouverture de crédit, de crédit documentaire, d'avances sur marchandises, de change, etc. directement avec la clientèle. La banque ou l'établissement de crédit lui escomptant globalement son papier ou lui accordant des avances dans une limite déterminée, sans pouvoir s'immiscer - sauf à titre informatif - dans les opérations elles-mêmes.
Cette combinaison semble réalisable. Elle offre en outre l'avantage de la clarté indispensable en ce genre d'affaire.
Étant donné ce qui vient d'être dit et particulièrement de la nécessité pour limiter les frais généraux de se servir de l'organisation actuelle du siège et des succursales, il paraît difficile de pouvoir, dès le début, organiser d'une façon définitive et complète le département Banque.
Ce département, on l'a vu, doit servir de moyen de développement de la clientèle et des affaires de la Maison Worms. Le département Banque ne doit être qu'un accessoire, la branche maritime et la branche charbons restant les branches principales.
II convient également, de pouvoir se rendre compte, par l'expérience, si l'aide que peut apporter le département Banque aux autres opérations est suffisante et si elle correspond au but qu'on se propose.
Il semble donc opportun de commencer cette nouvelle organisation assez modestement, afin de pouvoir éventuellement la modifier, l'étendre, voire même la supprimer, suivant les circonstances.
Au début, il pourrait donc suffire d'avoir au siège un directeur du département Banque avec un personnel et quelques agents dans les principales succursales. Au fur et à mesure des besoins et de l'extension des affaires, ce personnel serait augmenté et les services étendus.
La personne choisie comme directeur devrait être bien au courant, non seulement des opérations bancaires, mais posséder des qualités d'organisateur et une grande initiative.

31 mai 1928
[Signature illisible.]

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