1914.05.23.De Worms et Cie Bordeaux

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7, allée de Chartres
Bordeaux, le 23 mai 1914
Messieurs Worms & Cie - Paris

Messieurs,
Grève. Nous vous confirmons notre lettre d'hier et avons donné notre meilleure attention à ce que vous nous dites vous-mêmes dans votre lettre de même date.
Nous sommes heureux de vous dire que les nouvelles sont vraiment meilleures ce matin : on travaille aux Appontements de Queyries avec 225 hommes, équipages compris, au lieu de 188 hier matin, soit 37 hommes de plus. Si la main d'œuvre continue à venir, il sera possible de faire une sélection et de ne garder que les hommes vraiment aptes au travail du charbon et des minerais. Mais, comme vous le dites, il est évident qu'il faut donner à cette nouvelle main-d'œuvre le temps de se former et il est bien certain que les ouvriers charbonniers qui ont quitté le travail et qui peuvent être considérés maintenant comme des professionnels, ont débuté dans les mêmes conditions que la main-d'œuvre que nous venons d'importer.
Comme vous le verrez par la note incluse, le découragement règne maintenant parmi les grévistes. Les renseignements inclus nous sont confirmés de tous les côtés. C'est ainsi que M. Ant. Bordes qui, en même temps que secrétaire de la Fédération maritime, est conseiller municipal, a été abordé hier soir par l'un de ses collègues socialistes et que celui-ci lui a déclaré que les charbonniers ne demandaient qu'à reprendre le travail. Il est probable qu'une délégation des charbonniers demandera ce soir une entrevue à la Fédération maritime, et nous vous tiendrons au courant.
D'autre part, les quelques ouvriers de Rochefort qui n'ont pas regagné cette ville, se trouvent maintenant sur le pavé, puisque le maire refuse de les loger et de les nourrir, et quant aux grévistes bordelais, ils n'ont aucun fonds pour venir en aide à ces hommes.
Enfin, le Conseil des prud'hommes a condamné hier 5 hommes à la semaine de M. Sursol qui avaient quitté le travail sans préavis, ainsi que nous vous en avions avisé. M. S. a déclaré aux condamnés qu'ayant obtenu satisfaction sur la question de principe, il leur faisait cadeau de leur condamnation qui était de 30 F. Ce geste très habile a été immédiatement communiqué aux grévistes par les intéressés et a fait, paraît-il, une excellente impression.
Cet après-midi la situation est la même que ce matin : il n'y a pas eu de défection. A l'heure où nous vous écrivons, 4 heures soir, nous n'avons rien de nouveau à vous dire, sauf que, suivant les renseignements qui nous sont parvenus cet après-midi, il nous arrivera encore quelques travailleurs demain et lundi. Nous n'en serons pas fâchés, car le lundi est toujours un mauvais jour, les ouvriers et, spécialement les charbonniers, le chômant souvent.
Nous ne serions donc pas surpris d'avoir moins d'ouvriers lundi matin que ce matin, mais nous espérons que mardi ou mercredi, il y aura une reprise très sensible du travail et que les choses rentreront ainsi petit à petit dans l'ordre.
Veuillez agréer, Messieurs, nos salutations empressées.

[Signature illisible]

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