1896.12.28.De H. Sorel - Compagnie d’assurances générales maritimes.Paris.A A. Mautin.Paris.Original

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Compagnie d'assurances générales maritimes
87, rue de Richelieu,
Directeur : Monsieur A. Sorel.

Paris, le 28 octobre 1896
Monsieur A. Mautin,
courtier juré d'assurances
Paris

Cher Monsieur,
Nous avons été péniblement surpris à la lecture de la lettre que vous ont adressée MM. Worms & Cie le 21 courant, relativement à la dispatche dressée par le comité pour l'affaire "March". Ces messieurs n'ignorent pas ou ne peuvent ignorer, en effet, car vous n'aurez pas manqué de les édifier à ce sujet, quelle est l'organisation de notre place en ce qui regarde l'établissement des dispatches. D'ailleurs que les dispacheurs soient réunies en un seul bureau, comme c'est le cas à Paris, à Anvers, ou qu'ils opèrent séparément et en nombre illimité comme à Londres, par exemple, ils n'en conservent pas moins leur liberté d'appréciation, et ils sont d'autant plus portés à en user qu'ils émettent de simples avis et non des jugements. Vous êtes on ne peut mieux édifié à ce sujet, vous qui êtes journellement témoin des paiements faits par les assureurs, nonobstant l'avis contraire du dispacheur du comité ou d'ailleurs.
Ceci exposé, il nous semble qu'il serait plus qu'excessif pour ne pas dire injuste, de solidariser l'assureur et le dispacheur dans le mécontentement que pourrait causer, à tort ou à raison, les considérants ou les conclusions d'une dispatche, alors surtout que, par son consentement au paiement, l'assureur manifeste de la façon la plus claire que les objections formulées par les dispacheurs ne sauraient prévaloir contre le droit de l'assuré.
Pourquoi alors, direz-vous, n'avoir pas arrêté cette dispatche au passage ? Ici notre réponse va être d'autant plus nette et plus franche qu'en la relisant encore à l'instant même, nous nous demandons en quoi elle a pu éveiller la susceptibilité de MM. Worms & Cie. Si nous allons au fond des considérants de la dispatche, nous n'y trouvons aucune méconnaissance ou négation du droit des assurés. Les seules critiques qui y sont formulées ne visent exclusivement que la façon coûteuse et peu pratique avec laquelle il a été procédé à la constatation de l'importance du dommage. Or, à qui véritablement s'adressent principalement ces critiques, si ce n'est à l'agent des assureurs, dans c'étaient le rôle et la mission de chercher à réduire le dommage à ses véritables proportions. Ainsi le secrétaire de notre comité n'a-t-il pas attendu l'établissement de la dispatche pour exprimer audit agent son étonnement qu'il n'eût rien fait pour éviter des dépenses qui devaient fatalement être hors de proportion avec l'avarie qu'il s'agissait de constater ; que du même coup le réceptionnaire de la cargaison, représentant de MM. Worms & Cie, ait été visé par cette critique, il n'y a là rien qui doive surprendre, puisque la pensée bien nette du dispacheur procédait de ce principe que l'intérêt et la mesure des actions devaient forcément le conduire à conclure que les représentants des deux intérêts en présence avaient manqué d'esprit pratique en ne s'entendant pas pour un autre mode de constatations qui, même imparfait, aurait sûrement abouti à un résultat plus équitable.
Et s'il était besoin de donner à MM. Worms & Cie une autre preuve que c'est bien à tort que leur susceptibilité a été mise en éveil par cette dispatche, ne la trouveraient-ils pas dans le seul fait que, aussitôt au courant de ce qui s'était passé dans l'affaire du "March", nous n'avons rien eu de plus pressé que de les prier de vouloir bien, à l'avenir, fixer eux-mêmes, d'après leur propre appréciation, l'importance du dommage qu'ils croiront avoir à nous réclamer, acceptant d'avance ce mode de fixation avec la plus entière confiance.
C'est donc avec la plus grande conviction que MM. Worms & Cie reviendront sur une impression et un premier mouvement qui ne nous semblent nullement justifiés surtout d'après les explications qui précèdent, que nous vous retournons la dispatche et le bon de perte.
Agréez, cher Monsieur, l'expression de nos meilleurs sentiments.

Le directeur


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