1893.08.23-24.De A. E. Monod - Worms Josse et Cie Marseille.Rapport

NB : La copie image de ce document de très mauvaise qualité n'a pas été conservée.

23/24 août 1893

Incident relatif au charbonnage du "Ganges" de la Péninsulaire.
Vive altercation entre B. et G.
B. et A. avaient dressé leurs batteries pour terminer le bateau à 3 heures, avec une grande économie.
G., contrairement à son habitude, a passé toute la nuit à bord pour [enrayer] le travail, d'accord avec le mécanicien du "Ganges" (voir enquête ci-annexée).
Il en est résulté un retard de 2 heures pour le bateau, dont j'ai été faire toutes mes excuses à MM. Estrine.
51 couffins neufs ont été perdus pendant cet embarquement, jetés dans les soutes par malveillance des hommes.

24 août 1893
Charbonnage "Ganges" de la P. & O.
Mon opinion personnelle, après enquête, et que G., qui voit B. de très mauvais oeil, et ne demande qu'à le prendre en faute, a voulu lui jouer un mauvais tour. Après s'être entendu avec le mécanicien du "Ganges", son ami, il a dû obtenir que celui-ci, au moyen d'un truc quelconque, s'arrangeât pour lui rendre impossible le chargement dans le délai prévu par B. Ceci expliquerait que le mécanicien, dès huit heures du soir, ait déclaré qu'il prendrait 40 tonnes de moins qu'il n'avait d'abord demandé, sous prétexte qu'on n'aurait pas le temps de les embarquer et ait ri d'un air narquois lorsqu'on lui parlait de terminer au petit jour.
Pourquoi G. et le mécanicien ont-ils passé toute la nuit ensemble sur le pont, ce qu'ils ne font jamais ?
Comment expliquer par une cause naturelle la gîte permanente, résistant à l'embarquement de 130 tonnes de charbon [dans un bord] ?

Déposition de Chabot.
Identique à celle de Pierdon sur les faits intéressants. Il ne peut absolument pas s'expliquer la gite persistante malgré la quantité de charbon versé à tribord, de 11 heures à 5 heures du matin.
Il soupçonne que le mécanicien avait obtenu ce résultat en chargeant la chaudière ou la water ballast de bâbord.
C'est la première fois, paraît-il, que M. G. passe toute la nuit à bord, avec le mécanicien, qui paraissait "galéjer" Chabot en le blaguant sur l'heure à laquelle il pourrait terminer et en lui disant avec un sourire narquois : "I bet you don't finish it before 6 o'clock".

Déposition de Gaëtan
Le travail marchait très bien et nous avions embarqué 200 tonnes à 8 heures du soir lorsque arriva M. Guittet, qui nous fit interrompre pour charger 20 tonnes à l'arrière, disant que c'était l'ordre du mécanicien. Cette manoeuvre nous fit perdre un peu de temps. Nous reprîmes le travail régulier, la main de Chabot chargeant par [...], la mienne par [...], lorsque, vers 10 ou 11 heures du soir, M. Guittet vint nous dire que le bateau avait de la gîte à bâbord, qu'il fallait charger par les deux mains à tribord pour le redresser. Je lui répondis que ce serait vite fait, car, d'ordinaire, les gîtes occasionnelles sont facilement corrigées en forçant un peu d'un côté. Mais il insista, disant qu'il fallait absolument travailler par les deux mains du côté de terre (tribord). Comme j'avais peine à comprendre cette manoeuvre, il monta sur le pont, vit le mécanicien et revint nous dire que, de son ordre, il fallait opérer comme il disait. Je compris immédiatement que nous serions en retard, car nous n'avions pas assez d'hommes pour ne travailler que du côté de terre. De 11 heures à 5 heures, on continua ainsi sans que le bateau se redressât, ce qui est incompréhensible. Je crois que le mécanicien avait dû charger la chaudière ou le walter ballast de bâbord pour provoquer la gîte. À 10 heures du soir, le mécanicien m'avait demandé à quelle heure je pensais terminer. Je lui répondis : « Three o'clock. » Il se mit à rire et me dit : « no, no, 6 o'clock ! ».

Déposition de Pierdon
A bord à 8 ½, je passe dans la courtille. Nos hommes chantaient (mahonne Chabot). Reproches. Chabot n'obtenant rien, Pierdon a fait lui-même des observations et les a fait taire. M. Guittet était présent.
Un quart d'heure après, le mousse de la mahonne pleurait, ayant été giflé par un des hommes. Peu après, de la même mahonne, rixe entre Jean (le Grec) et Picot. Chabot les a séparés.
Pendant ce temps, les officiers du bord se promenaient sur le pont avec M. Guittet, qui est resté à bord jusqu'à 7 h du matin.
M. Guittet interroge Pierdon sur le nombre d'hommes.
A 3 heures, un homme a été blessé.
Dans le courant de la nuit, M. Guittet a fait des reproches à Chabot sur la façon dont marchait le travail.
Le chef de manutention était absent et est arrivé à 5 heures du matin, fort étonné que le travail ne soit pas terminé.
M. Guittet a donné l'ordre à Chabot de ne verser de 11 heures à 5 heures que du côté de terre, le bateau ayant de la gîte du côté de la mer. Quantité estimée 90 tonnes. A 5 heures, on a recommencé à charger des deux bords.
Il n'est rentré que 57 couffins sur 120.
Pierdon conseille de mettre des hommes de confiance au [gueulard] pour surveiller les couffins et de prendre des mousses pour les couffins vides.
Pour l'eau, on se sert des hommes au lieu des mousses pour alimenter les bidons.
Suivant Pierdon, Chabot a manqué d'énergie, tantôt plaisantant avec les hommes, tantôt leur criant après.
Il ne se rend pas compte de la raison qui a donné de la gîte au bateau d'une manière permanente et obligé de ne charger que sur un bord. Ne comprenant pas l'anglais, il ne peut pas à se prononcer sur ce qui s'est exactement passé entre M. Guittet et le mécanicien, mais il soupçonne qu'il y a eu quelque malice.
Quelques jours après l'affaire du "Ganges", par le [...ropshire], G. vend la mèche en me disant à moi-même : « Si le travail des deux bords laisse à désirer, je prierai le mécanicien de le faciliter en remplissant un de ses water ballast d'un des bords. Rien n'est plus facile que de régler ainsi la stabilité d'un bateau. « Oui, lui répondis-je, il paraît qu'il est très aisé de supprimer par ce moyen la gîte d'un bateau... ou de la lui donner. » G. devint rouge comme un coq et détourna la conversation.

A. Monod

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