1893.08.05.De A. E. Monod - Worms Josse et Cie Marseille

NB : La copie image de ce document de très mauvaise qualité n'a pas été conservée.

5 août 1893
MM. Worms Josse & Cie
Paris

Messieurs,
Stocks. Nous avons enfin terminé le travail de relevé que nous vous avions annoncé. Il a été un peu plus long car nous avons voulu qu'il fût fait avec grand soin et exactitude, plusieurs fois contrôlé et, pour y arriver, nous avons dû choisir nos moments, opérer des nivellements en vue d'un cubage précis, etc. Mais nous sommes, croyons-nous, en possession d'un résultat aussi approximatif qu'il était en l'état possible de l'obtenir.
Nous avons, après avoir tenu compte du déchet normal de 3 %, reconnu que la comparaison entre nos existences réelles à terre et celles qui figurent dans nos livres, donne les écarts suivants :

gros charbon Cardiff

838 tonnes de déficit

gros charbon Newcastle

  60 tonnes de déficit

briquettes

  62 tonnes de déficit


960 tonnes

par contre, nous avons sur les menus
un excédent de 141 tonnes, ce qui réduit
le déficit total à 819 tonnes.
Comme, au mois de novembre dernier, nos stocks à terre ont été un moment épuisés et que nous sommes alors partis à nouveau de 0 dans les livres ; comme, d'autre part, la surveillance et le contrôle exercés en juillet nous permettent de penser que, pendant ce mois-là, tout a dû se passer à peu près régulièrement, nous devons attribuer à la période de huit mois qui s'est écoulée du 1er novembre au 30 juin, la disparition de 819 tonnes de charbon, à raison d'un peu plus de 100 tonnes par mois. Nous allons donc établir sur cette base notre situation au 30 juin et mettre nos livres d'accord avec la réalité.
À quoi attribuer un résultat aussi fantastique ? Il nous est à l'heure qu'il est matériellement impossible de nous en rendre compte d'une façon certaine. Il se peut qu'il y ait eu quelques erreurs, quelques confusions, quelques omissions. Mais notre conviction formelle est que, pour la majeure partie, nous avons été d'une façon ou de l'autre simplement volés.
Il ne peut être question aujourd'hui d'en faire remonter la responsabilité effective sur qui que ce soit. Mais la responsabilité morale en incombe sans conteste à notre chef de manutention, Buchalet. Car il a été tout au moins coupable d'une extrême inqualifiable et impardonnable négligence ou d'une incapacité notoire. Aussi approuverez-vous certainement la décision que nous avons prise de le remplacer et serez-vous aises d'apprendre que nous avons sous la main un homme qui possède toutes les qualités requises pour l'emploi et qui nous offrira toutes les garanties de moralité, d'énergie, d'activité et de capacités nécessaires.
Du reste, nous aimons à croire que de semblables surprises ne seront plus possibles à l'avenir grâce au contrôle constant qui sera exercé. En outre, nous faisons imprimer en ce moment un tableau qui fera l'objet d'un rapport journalier, indiquant tous les mouvements d'entrée et de sortie ; ce tableau, qui sera rempli par M. Bousquet sur les indications qui lui auront été fournies et qu'il aura contrôlées, donnera notre situation au jour le jour, et sera de temps à autre, sans avis préalable, corroboré par des cubages. De plus, la base de tous nos stocks sera marquée au lait de chaud, de façon à rendre immédiatement une soustraction apparente. Nous nous sommes aperçus que la vigilance de notre gardien de nuit laisse à désirer et qu'il passe plus de son temps à dormir dans les kiosques qu'à parcourir les chantiers. S'il est encore pris en défaut à la suite des avertissements donnés, nous nous entendrons avec nos cointéressés pour le remplacer. Au besoin, nous en prendrions un pour nous seuls, car la surveillance d'un seul homme est presque dérisoire sur un espace aussi étendu que celui qui est confié à la garde de notre préposé commun. En tout cas, vous pouvez compter que rien ne sera négligé pour qu'une anomalie du genre de celle que nous avons le regret de vous signaler aujourd'hui ne soit plus dans le domaine des choses possibles.
M. Adrien Fraissinet. D'après le relevé signé par M. Fraissinet et vu par notre sieur Goudchaux, la différence de caisse au 30 juin était de F 371,90. Depuis lors, nous avons retrouvé diverses erreurs d'application réduisant la différence à F 145,20, ce que, suivant nos précédents avis, nous passerons par compte spécial au 30 juin, quitte à la contre-passer, s'il y a lieu, au fur et à mesure des erreurs relevées par de nouveaux pointages.
Vous êtes à l'heure qu'il est en possession de tous les éléments constitutifs de la lettre de décharge définitive pour M. Adrien Fraissinet, à l'occasion de sa gestion. Si vous désirez que nous préparions cette lettre ici, avec en-tête de Marseille, veuillez-nous le dire. Dans le cas contraire et dès avis de votre part, nous restituerons purement et simplement à M. Adrien Fraissinet son dépôt de 400 F en l'informant que c'est de votre ordre.
Veuillez agréer, Messieurs, nos salutations très distinguées.

A. Monod

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