1889.12.16-18.De M. Basroger, capitaine du Emma.Rapport de sauvetage

Rapport de M. Basroger, capitaine du "Emma", concernant le sauvetage de 396 passagers et 25 hommes d'équipage provenant du vapeur hollandais "Leerdam" et de 26 passagers et de 25 hommes d'équipage provenant du vapeur anglais "Qaw-Quan-Sia"
Rapport publié dans le journal Le Havre, des 22/23 décembre 1889

Le lundi 16 courant
A midi 45, rencontré plusieurs débris, avirons, caisses, etc., qui ont attiré l'attention du bord.
Le temps était très sombre, brumeux, et pluie très fine.
Un moment après, aperçu deux navires abordés, aperçu une première embarcation, chargée d'hommes, puis, successivement, huit autres grands canots et chaloupes littéralement couverts d'hommes, de femmes et d'enfants.
Reconnu que les deux navires étaient sur le point de sombrer. L'un était le "Leerdam", venant de Buenos Aires, ayant à bord 396 passagers et 25 hommes d'équipage. L'autre steamer était le "Qaw-Quan-Sia", de West Hartlepool, venant de Singapour, allant à Hambourg, ayant 26 passagers et 25 hommes d'équipage. En tout à bord, y compris le personnel de l'"Emma" et ses passagers : 507 personnes.
A 2 heures 45, tout le monde était embarqué, sans accident.
Déclaré aux officiers supérieurs et passagers que j'allais faire route pour Hambourg, ne pouvant tenter d'accoster la côte sans danger, par suite de la brume qui existait et paraissait s'accroître rapidement.
Rationné l'eau et les vivres de mon mieux.
A 5 heures du soir, donné un quart de vin à tout le monde, délivré une bonne ration de pain, donné tous les secours qui m'étaient possibles.
Navigué doucement pendant toute la nuit. La mer devient grosse.

Mardi 17
Même temps. Mer grosse.
Même jour : continuation de brume, navigué doucement à la sonde avec beaucoup de précautions.
Le soir, vers 5 heures.
Brume plus épaisse encore, mis en travers, ne jugeant pas prudent d'aller plus loin. Resté toute la nuit en observation.

Mercredi
A 6 heures du matin. Viré de bord. Suis à demi vitesse.
Fait route pour Hambourg. Toujours forte brume.
A midi 20, reconnu le ponton n°1 de l'Elbe.
A 4 heures, la brume étant devenue extrêmement épaisse, mouillé à quelques milles de Cuxhaven. Je n'avais plus d'eau à bord depuis déjà longtemps.
A 4 heures 45, le temps devient un peu plus clair. Monté à Cuxhaven où j'ai mouillé le plus près possible du port. Il était 5 heures et demi à bord.
Fait connaître ma situation aux autorités de Cuxhaven et, d'accord avec les capitaines naufragés, j'ai demandé à M. le préfet de bien vouloir prendre mes naufragés et de les expédier à Hambourg, ne voulant pas les exposer aux dangers de l'Elbe par un temps brumeux, ensuite, à cause de l'état d'infection où se trouvait mon navire.

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