1862.04.08.Au ministre de la Marine et des Colonies.Paris

Origine : Copie de lettres à la presse du 7 avril 1862 au 28 avril 1862

Paris, le 8 avril 1862
Monsieur le Ministre de la Marine et des Colonies
Paris

Monsieur le Ministre,
Dans l'audience dont vous avez bien voulu m'honorer le 13 du mois dernier, vous avez eu l'extrême bonté d'examiner avec moi dans tous ses détails, le côté financier du projet de chemin de fer destiné à relier notre possession de Karikal aux lignes de chemins de fer anglais.
Toutes choses vous paraissaient, sauf approbation du Conseil d'État, acceptables par le gouvernement, moins cependant un obstacle que vous regardiez comme insurmontable.
Ma demande de garantie d'un intérêt de 6% l'an vous paraissait inadmissible - même à vos yeux, et surtout inadmissible par le Conseil d'État.
Les raisons et arguments que je pris la liberté d'opposer à votre opinion ne purent la modifier et vous eûtes la bonté de m'engager à étudier de nouveau la question.
Depuis ce temps, M. le Ministre, j'ai pris de nouveaux renseignements auprès de mes amis d'Angleterre, et je vais vous en soumettre le résultat.
Je puis vous affirmer, aujourd'hui, qu'en Angleterre toutes les garanties coloniales, sauf une exception, offrent aux capitaux un intérêt de 6% l'an, et que, malgré cet avantage, les diverses actions des colonies anglaises restent encore au-dessous du pair. Il serait donc de toute impossibilité de trouver en Angleterre le capital nécessaire que je vous ai déclaré nettement ne pouvoir trouver en France, avec une garantie de 5% l'an seulement.
C'est donc sur le marché français seulement que je dois compter pour trouver les capitaux nécessaires à l'entreprise projetée, et je dois ajouter de suite, et sans aucun détour, que même avec la garantie d'un intérêt de 6% l'an, garantie coloniale et non du gouvernement, je ne compte encore nullement sur le succès. Quelques démarches déjà tentées, légèrement il est vrai, m'ont fait entrevoir des difficultés sérieuses. Nos capitaines français, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous l'exposer, sont timides aux opérations lointaines.
Dans cette position, que j'ai dû vous exposer en toute sincérité, il vous reste à examiner, M. le Ministre, si vous croyez convenable de donner suite au projet, et si le résultat, à en espérer un jour pour nos établissements de l'Inde, mérite que le gouvernement le prenne sous sa protection et lui vienne en aide par la garantie d'un intérêt élevé offert aux capitaux.
Si telle est votre pensée, j'aurai l'honneur de recevoir vos nouvelles instructions, et, autorisé par vous à compter sur une garantie de 6% l'an, je donnerai, sans perte de temps, suite sérieuse aux négociations, que je n'ai fait encore qu'effleurer, auprès des établissements de crédit placés pour mener à bien pareille entreprise.
Veuillez bien agréer, M. le Ministre, l'assurance de ma parfaite considération.

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