1857.12.03.A John Chapman - Anglo-French Steam Ship Cy.Londres.Extrait

Origine : Copies de lettres à la presse n°105 - du 30 novembre 1857 au 23 décembre 1857

Paris, le 3 décembre 1857
Monsieur John Chapman,
l'un des directeurs de la Compagnie anglo-française de Grimsby
à Londres

 

[...]
J'ai reçu aujourd'hui la visite de Monsieur Murray, et j'ai eu par lui quelques détails sur les projets de notre Compagnie pour utiliser les steamers qui lui restent disponibles.
Quatre de ces steamers seraient affrétés à Messieurs Pearson Coleman & Cie. Je n'ai pas à discuter cet affrètement dont j'ignore les conditions, que je dois supposer favorable pour notre Compagnie.
Mais l'affectation des deux autres steamers restants à un service régulier sur Bordeaux, me paraît une chose dangereuse, pour des raisons que peut ignorer notre Compagnie et qui résultent pour moi de mon expérience sur le marché de Bordeaux et de la position actuelle du commerce des charbons sur la dite place. Je viens vous exposer ces raisons, vous priant de les soumettre à l'appréciation de nos codirecteurs, et de les peser vous-même.
D'abord il résulterait des explications de Monsieur Murray, que les deux steamers à affréter à ce service de Bordeaux seraient "Eugénie" et "Victoria". S'il en doit être ainsi, l'opération sera certainement des plus mauvaises car le faible tonnage de ces deux steamers et leur grande consommation de combustible feront que, déduction faite du charbon nécessaire aux machines, pour l'aller et le retour, il ne pourra être délivré pour la vente à Bordeaux qu'environ 430 tonnes d'un chargement de [...] tonnes prises à Grimsby, et par conséquent, le fret d'aller sera tout à fait insuffisant.
Mais, ce qui m'effraie le plus, c'est la position du commerce des charbons, sur la place de Bordeaux.
Au fret de dix huit francs la tonne, de Grimsby, et de vingt francs environ, de Newcastle ou Sunderland (cours actuel nominal), les charbons de ces provenances rentrent à Bordeaux à trente francs la tonnes, coût fret et assurance. Depuis quelques semaines, que l'exportation des grains et farines de France a été autorisée par un décret, le fret charbon de Cardiff à Bordeaux, qui était de 15 F 50 à 16 F la tonne, est tombe subitement à 12 francs et 11,50 et je m'attends à le voir tomber au premier jour à 10 francs et peut-être même au-dessous.
[...]
De cette baisse subite des frets de Cardiff, il résulte que les excellents charbons de cette provenance peuvent déjà se produire sur le marché de Bordeaux, au prix de 23 à 24 francs la tonne, coût, fret et assurance et qu'ils y tomberont prochainement à 22 francs et au-dessous.
Vous comprendrez facilement qu'il ne peut pas sur une place comme celle de Bordeaux exister une différence de huit ou neuf francs par tonne, entre des charbons anglais de telle ou telle provenance. Et la conséquence immédiate de ce qui précède est qu'on ne pourra plus vendre de charbon Grimsby à Bordeaux ou qu'il faudra réduire son prix, en réduisant le fret de six à huit francs par tonne, ce qui laisserait à nos malheureux steamers un fret de 12 à 10 francs tandis que le prix de 18 francs sur lequel nous croyions pouvoir compter, était déjà insuffisant.
Vous, Monsieur, et nos codirecteurs, trouverez sans doute comme moi qu'il y a là un bien grand danger dans la situation que je vous signale. Mais, ce n'est pas tout.
Lorsque je discutais avec la Compagnie les moyens d'arriver raisonnablement à créer ce trafic de Bordeaux, en me chargeant des charbons, et lorsque j'arrachais aux compagnies des chemins de fer anglais une subvention de mille livres par bateau, au lieu de deux mille que j'avais demandés primitivement, je mettais encore pour condition qu'avant de m'engager personnellement, il aurait été passé avec la Compagnie anglo-française pour le transport des traverses (ou sleepers) un contrat qui lui fit retrouver les autres milles livres que les chemins de fer ne voulaient pas allouer. Je n'ai plus entendu parler de ce transport de traverses et c'est une des causes qui m'ont déterminé à [...] ma participation personnelle au trafic sur Bordeaux.
Je ne sais aucunement quelles peuvent être les espérances de la Compagnie comme retour marchandises de Bordeaux à Grimsby, mais je déclare ici, en mon âme et conscience, que sans la certitude d'un retour partiel assuré à l'avance par le transport des traverses, l'entreprise d'une ligne sur Bordeaux me paraît une affaire des plus dangereuses.
[...]

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