1849.03.29.De Edouard Rosseeuw.Dieppe.Original

Courrier original


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Dieppe, le 29 mars 1849
Mon cher Worms,
Vous m'avez chargé d'étudier le terrain à Dieppe dans le but de saisir s'il y a moyen d'y créer un mouvement important de marchandises en transit et d'affaires qui en découlent.
Il est déjà hors de doute pour moi que tout cela peut se réaliser. La distance à parcourir, de la mer au grand centre de consommation, Paris, est moindre que de tout autre point. Les frais de navire, équipage, et aussi de manutention à la marchandise sont beaucoup plus doux qu'au Havre et à Rouen. Ce sont là des éléments certains de succès.
Mais il se présente des obstacles graves là où je m'attendais à trouver tout appui, toute facilité et désir de concourir au même but que vous. Ces obstacles viennent de l'administration du chemin de fer de Dieppe !
Par désœuvrement, j'ai mis la main sur le journal de la localité, Vigie de Dieppe, et j'y trouve engagée une polémique assez virulente (voir le n° du 19 février que je me suis procuré) contre l'administration.
Laissons de côté les détails et les personnalités. Je considère le seul fait qui pour moi résume tout. C'est que, pour une cause ou pour l'autre, Dieppe fait payer son transport relativement plus cher que Le Havre.

- Ainsi pour une tonne, du Havre à Rouen

F 6,25

- Et de Dieppe à Rouen

5,50

- Différence en faveur de Dieppe par tonne

0,75

Tandis que proportion gardée des distances, on devrait payer

- Pour une tonne du Havre à Rouen

6,25

- De Dieppe à Rouen

4,08

- Différence en faveur de Dieppe

2,17

Là est toute la question.
Détourner le commerce de ses voies habituelles, de la routine, consacrée à Rouen, par exemple, depuis des siècles, c'est chose difficile, nous le savons. Mais cependant on peut encore y arriver assez promptement en lui présentant des économies, des avantages réels. Si donc vous prouviez aux destinataires d'une sorte de marchandises que la voie de Dieppe leur offre une économie de F 2,17 par tonne sur la voie du Havre et de 2 à 3 francs sur la voie de Rouen, plus une économie sensible sur les frets et frais, croyez bien que le commerce en général viendrait à vous, et pour gagner 2 à 400 francs sur une cargaison de 100 tonnes, [romprait] les habitudes les plus anciennes et les plus intimes.
Mais si vous ne lui offrez pour appât qu'une simple différence de 0,75 ct par tonne, il n'écoutera que froidement vos propositions. Vous ébaucherez quelques affaires, qui n'auront ni [réussite] ni importance, et ce résultat dégoûtera vous et ceux auxquels vous vous serez adressé.
Pourquoi cette élévation depuis ce tarif de Dieppe ; qui à tort ou raison dans la polémique engagée, je n'en sais rien, et ne connaissant personne ici, je ne puis aller aux renseignements, mais il y a là évidemment quelque chose de contraire à la règle, et tôt ou tard, qu'elle le veuille ou non, l'administration aura la main forcée par les réclamations du commerce, qui saura bien un jour qu'il ne jouit pas des avantages et par [3 mots incompréhensibles]. Mais comme tout cela peut durer fort longtemps, il serait peut-être bien à vous qui connaissez tous les chefs de l'administration, de les aller trouver, et leur poser franchement la question. Veulent-ils ou ne veulent-ils pas activer le mouvement de Dieppe ?
S'ils veulent ne pas [tarifer] comme on les en accuse, cette ligne à celle du Havre, s'ils veulent réduire leurs tarifs [autour] du Havre, et à tant par kilomètre parcouru, je crois pouvoir vous affirmer qu'avant un long temps, Dieppe verra dans son port et sur la ligne de fer, un mouvement de 100 milles tonnes par an en sus de son mouvement actuel.
Ma lettre est déjà fort longue et je la clos ici. Demain ou après au plus tard, je vous donnerai la nomenclature des articles principaux qu'il faut et que l'on peut amener avantageusement au Havre par Dieppe. Ils sont nombreux et importants, et vous verrez par le détail qu'il est facile de créer ici un mouvement énorme, mais je le répète, il faut qu'on le veuille avec vous et tout de suite.
A demain, je vous [salue].

E. Rosseeuw

Grandchamp, qui est encore ici, se plaignait encore à moi de l'insuffisance du matériel.

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