1848.10.30.De M. Chabert.Rouen.Original

Courrier original

Rouen, 30 [octobre] 1848
Monsieur Worms
Paris

Mon cher Worms,

Il faisait si mauvais temps hier qu'en revenant de ma petite excursion je me suis décidé de rester chez l'ami Bro[...]. Ce n'est donc qu'aujourd'hui que je reçois v[otre] l[ettre] du 27.
Ma tournée ne m'a pas satisfait. Le malheureux chemin de fer a laissé de côté tous les grands centres de population et, de plus, il suit une vallée de prairie ou de bois, qui consomme peu de plâtre. La consommation est beaucoup plus importante dans les plaines. Ainsi [Magneville ou Maqueville] et [Coters ou Cotes].
Il y a quatre stations : Montville, Saint Victor, Auf[ay] et Longueville.
Montville est le point le plus important. La consommation est de 6 à 8.000 [pouchers] du poids d'environ 35 [...]. Il y a trois fours : Zéphir Levée, Antoine Levée. Ce sont deux maîtres maçons qui font leur plâtre au fur et à mesure des constructions qu'ils ont à faire. Firmin Louvet vend son plâtre à l'agriculture.
La station de Saint-Victor. Village de 300 habitants. Je ne m'y suis pas arrêté.
Aufay - 520 habitants. Un seul marchand de plâtre. Petit aubergiste. Il est entrepositaire de Roger de Rouen. Il vend de 2.000 à 3.500 [pouchers].
Longueville - 490 habitants. Il n'y a pas de marchands ; il y a seulement un messager, qui vient chaque semaine de Rouen et qui rapporte du plâtre, quand on lui en demande. C'est la maison Roger qui fournit presque tout le monde.
La vente en bloc se fait au stère, qui pèse dans les environs de 1.500 livres (750 kilos). Ils l'achetaient 750 [ou £ 50] il y a un mois et le payent 9 [£ ou ct] à présent. Transport 5 [£ ou ct] le stère pour Montville et 7 [£ ou ct] pour Longueville. Chaque stère produit de 30 à 33 [pouchers] de 35 [...] environ. Ce qui rendrait, je crois, le commerce difficile pour ces contrées, c'est que ceux qui s'en occupent ont besoin qu'on leur accorde du crédit. J'en étais bien convaincu. Comme aussi l'on m'a assuré que la consommation pour l'agriculture était infiniment plus active dans la plaine du val Martin, Saint [Saens], [Cotes] et [Magneville ou Maqueville]. De ce côté et jusqu'à Longueville il n'est pas encore question de Dieppe. C'est Rouen qui fournit. Il y a à [Aufay] une filature et trois [commerces mus par eau]. A Longueville : une filature de laine et une de coton également mues par l'eau.
Montville. Il y a une grande filature et un tissage qui marchent à la vapeur. Par [...] [Dumouchel] qui a fait de mauvaises affaires et qui remarche. Toutes les autres filatures marchent par l'eau et trois seulement ont une pompe pour auxiliaire pendant les basses eaux, 4 mois chaque année à peu près.
Le plus important vendeur de plâtre est [Mme Vve] Mercier à Malaunay. Tout ce qui ne vient pas jusqu'à Rouen s'arrête et se charge là. Elle tire également son [...] de Rouen.
Il y a dans cette commune considérablement de filatures et d'autres établissements qui, presque tous, ont des pompes. Les forts consommateurs sont les [Mazard] Frères.
Nous avons donné sérieusement l'éveil et outre M. Murton, dont vous entretenait ma dernière, il y a aussi M. [Craban ou Czaban], représentant anglais, qui offre par cette nouvelle voie. Celui qui fait le plus de bruit et qui, dans ce moment, fait causer tout le monde, c'est M. [Bloum], de la maison Laffitte [Bloum]. C'est ainsi du moins qu'on le désigne. Il fait offrir du charbon à 32 [£ ou F] la tonne, pris aux stations, et pour toute l'année, parce que, dit-il, il aura des dépôts dans chaque station.
C'est, je crois bien, de la [pipée] parce qu'il sait bien que, quand à présent, il ne réussirait pas à vendre un seul bateau si bien les provisions sont faites et si peu on les tente de faire de grands achats dans un moment pareil. Toujours est-il qu'il n'a pas négligé de faire visiter toutes les maisons de quelque importance et c'est par les chefs de gare qu'il fait faire ses offres de services. Ceux qui raisonnent un peu se doutent fort que c'est un leurre. Ils savent bien qu'il est impossible d'établir à 32 [£ ou F] la tonne et l'on se méfie beaucoup des maisons qui [...] par offrir leurs marchandises à perte. Il donne au moins le temps de réfléchir, parce que, encore une fois, à quel prix qu'il offre aujourd'hui je le défie de vendre un bateau. Il pourra réussir quelques petits placements depuis 5 jusqu'à 20 voitures à de petits consommateurs ou ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter un bateau à la fois.
Je verrai la maison que vous m'indiquez pour le charbon menu. Je m'informerai mieux. On ne m'en a pas dit grand bien de cette maison.
Je continue à causer avec tout le monde et me tiens ainsi le plus possible au courant. Je ne néglige rien afin que vous puissiez vous décider avec la plus parfaite connaissance de cause possible.
Je vous fais mes salutations affectueuses et toutes [sincères].

Chabert

 

Back to archives from 1848