1945.02.02.Du journal Rouge-Midi.Article

Coupure de presse

Le PDF est consultable à la fin du texte. 

Rouge-Midi
2 février 1945

Dans la bataille économique que doit gagner la France,
les armateurs traîtres à la patrie n'ont rien à voir.
M. Worms voudrait qu'on oublie cette impérieuse nécessité

On a trop souvent parlé des scandales des sociétés filiales et des compagnies de navigation subventionnées, de la situation anormale du personnel sédentaire par rapport au personnel navigant. Situation qu'on maintient dans un but de division.
Aucun remède jusqu'ici n'a été apporté.
Certes, le mal s'étend beaucoup plus largement et de nombreuses réformes économiques et sociales sont indispensables pour rénover notre marine marchande. Mais nous ne pouvons oublier que la guerre continue et que de profondes réformes de structure ne peuvent être faites en l'état actuel des choses.
Ce qui ne signifie pas que doivent rester à la tête des divers armements ces hommes qui ont su si bien allier leur Intérêt personnel et celui de l'Allemagne nazie contre la nation française.
M. Mayer, ministre des Transports et de la Marine marchande, propose contre ces trusts un projet de nationalisation. Il envisage l'intégration des lignes déficitaires (lignes "contractuelles"), alors que les lignes bénéficiaires continueront à servir les intérêts privés.
On ne peut mieux servir son pays et la collectivité ! On ne peut mieux concevoir une réforme de structure !
Et nous pourrions revoir une des plus anciennes compagnies de navigation "marseillaises" qui avait d'ailleurs une très grande sympathie pour les Allemands, passer ses vieux navires à une compagnie subventionnée. Nous reverrions, grâce à M. Mayer, le triomphe des combinaisons financières et dans l'immédiat des collaborateurs transformés en parfaits résistants.
Car les représentants de l'armement ont oublié très vite l'empressement avec lequel ils se sont mis au service de l'occupant. Ils ont oublié qu'ils avaient menacé de mettre à la disposition du STO 20% du personnel sédentaire, si celui-ci persistait à demander l'application de la loi de 43 heures pour permettre une augmentation de 20% des salaires. M. Worms, lui aussi, a oublié quelle a été son attitude pendant l'occupation.
M. Worms est armateur parmi tant d'autres, qui se classe au gré de ses intérêts, compagnie de navigation, consignataire de navires, transitaire ou marchand de charbon. Le classement interchangeable est nécessaire pour, d'une part, percevoir les indemnités qui pourraient être versées à l'une ou l'autre des catégories, d'autre part, payer au personnel le salaire le plus bas.
M Worms, interné près de Paris, vient d'envoyer à son ancien personnel des docks de Marseille, un modèle de lettre-pétition destiné à le "blanchir" et à lui permettre de revenir occuper sa place "d'armateur patriote".
Certes, M. Worms, Israélite, est resté 24 heures dans un camp de concentration, il a dû vivre en résidence forcée dans son château pendant un certain temps. Mais n'a-t-il pas reconquis une parfaite indépendance en livrant aux Allemands un des deux sous-marins destinés à la marine française, n'a-t-il pas effectué des travaux pour le compte de la Kriegsmarine et réalisé de ce fait certains bénéfices ?
Des accès de collaboration moins caractérisés sont sanctionnés chaque jour par les cours de justice. M. Worms voudrait que les 24 heures qu'il a passées dans un camp l'emportent dans la balance des faits, et judicieusement innocenté, il pense ainsi reprendre sa place dans la "bataille" économique qui se jouerait une fois de plus entre quelques individus.
La bataille économique se jouera sur un autre terrain Elle opposera victorieusement les forces constructives, progressistes, à l'inertie de quelques-uns qui n'ont pas hésité à trahir la nation pour servir leurs intérêts.


Retour aux archives de 1945