1939.06.05.De Worms et Cie.Rapport (non signé) sur Dakar

Copie de note

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5 juin 1939

Voyage à Dakar du 16 au 29 mai 1939

Pendant la dernière guerre, les quatre trains de deux chalands et d'un remorqueur qui constituaient la flotte Mihanovich, que nous avions à gérer, sont restés bloqués à Dakar de 8 à 18 mois, suivant les trains, et ce, pour deux raisons principales :
- La première, conséquence d'un embouteillage invraisemblable du port, qui rendait précieuse la présence de grands chalands de 1.200 tonnes, utilisés pour le cabotage côtier et fluvial, comme magasins flottants et aussi comme moyens de transbordement dans le port.
A l'heure actuelle, où les deux dernières utilisations n'ont plus de raison d'être, une Compagnie dakaroise, "Les Messageries du Sénégal", exploite encore deux chalands de cette flotte : le "Vivarais" et le "Beaujolais" et il n'y a que deux ans que s'est perdu le remorqueur correspondant, sur la barre du Sénégal, à Saint-Louis.
- La deuxième, le ministère des Colonies correspondait exclusivement avec les gouverneurs généraux et ce, au moyen d'un code, d'ailleurs inconnu des autres départements, de sorte que tous les câbles envoyés à la demande des sous-secrétaires d'État au Ravitaillement et à la Marine marchande étaient rédigés rue Oudinot par M. Wahl : ils perdaient ainsi leur caractère d'urgence et, ce qui est plus grave, il en était de même pour les ordres donnés.
Qu'adviendrait-il aujourd'hui des navires des flottes gérées par la Maison Worms & Cie si un conflit survenait, alors que le nombre des navires se trouveraient dans l'obligation de faire escale à Dakar représenterait plus de dix fois celui des bateaux qui ont eu à toucher le grand port africain entre 1914 et 1918 ?
La situation serait d'autant plus grave que ce port, au sujet duquel a été fait une très grande publicité, est loin d'offrir les moyens nécessaires et si ses transformations l'ont agrandi, ce n'est que d'une manière certainement très insuffisante.
Cette considération est bien de nature à provoquer l'idée de posséder une installation à Dakar; l'essor immense que doit prendre ce port, surtout dans l'hypothèse d'un conflit mondial ne peut que transformer cette idée en désir. Il était donc nécessaire de voir quelle activité pourrait être tentée pour permettre d'y prendre place de la façon la plus économique.
II n'est pas douteux que la visite d'un envoyé de la Maison Worms & Cie avait éveillé bien des curiosités et, dès sa descente sur le terrain, il fut accueilli par plusieurs personnes dont M. Passart, le représentant du "Journal de la Marine marchande" qui fait, comme tant d'autres, partie du personnel de la Socopao.
J'ai passé dix jours à Dakar, plus qu'il n'en faut pour prendre connaissance du port et de ses installations, pour comprendre les luttes qui s'y livrent, pour acquérir la certitude que huit jours de guerre suffiraient pour arriver à un embouteillage complet, pour obtenir aussi celle que, dans l'état actuel des choses, il n'y a point d'argent à gagner dans l'avitaillement des navires, pas plus que dans les consignations ni par suite de toutes les difficultés d'ordre psychologique et matériel d'une exploitation très excentrée des nôtres, dans la création d'une ligne de cabotage.
Le travail de documentation qui suit a été établi dans l'ordre suivant :
- Le port, au point de vue administratif, d'abord,
- géographique, ensuite.
Les installations et les moyens fournis par l'administration (places à quai, outillage à terre et flottant) bassin de radoub, remorqueurs, moyens d'évacuation du port, magasina pour les marchandises, réservoirs pour les liquides etc.).
- Les moyens offerts par l'industrie privée (outillage à terre et flottant, atelier de réparations, magasinage des marchandises, en particulier des combustibles liquides, etc.). Les deux paragraphes seront volontairement confondus.
- Les lignes régulières qui touchent Dakar avec le nom de leurs consignataires.
- Les principaux armements de tramps dont les navires font escale à Dakar.
- Les statistiques du trafic (nombre de bateaux et tonnage à l'entrée et à la sortie).
- Les principales maisons installées à Dakar seront ensuite passées en revue, ce qui donnera l'occasion de compléter les renseignements précédents.
Cette méthode descriptive a l'inconvénient d'être longue mais elle est objective et permet de se faire une idée personnelle sur la possibilité ou l'opportunité de prendre place, aujourd'hui ou demain, à Dakar.

Le port

administration - Le gouvernement général de l'AOF, créé le 16 juin 1925 comprend, depuis les décrets du 4 décembre 1902 et 13 octobre 1922, sept colonies qui forment ce qu'on appelle la "fédération". Ce sont :
1° - Sénégal
2° - Guinée
3° - Côte d'Ivoire
4° - Dahomey
5° - Soudan français
6° - Mauritanie
7° - Niger
Superficie totale égale huit fois à celle de la France : 4.638.000 km2 - nombre d'habitants : 14.500.000, soit trois à quatre par km2.
La circonscription de "Dakar et dépendances" a été créée par décret du 27 novembre 1924.
Sa direction est assurée sous l'autorité directe du gouverneur général de l'AOF, par un gouverneur des colonies ou un administrateur en chef, qui porte le titre d'administrateur de la circonscription de "Dakar et dépendances".
Le gouverneur général a seul le droit, dans les sept colonies, de correspondre avec le gouvernement et les gouverneurs des possessions se nommant : "lieutenants-gouverneurs".
Le gouverneur général est assisté d'un conseil de 47 membres comprenant des hauts fonctionnaires, des notables, des délégués élus de chambres de commerce, des délégués élus de conseils d'administration des colonies du groupe.
II existe 8 autres conseils dont il est bon de connaître les noms (annexe 1).
Les services du gouvernement général sont également portés dans cette annexe.
Le service du port de commerce de Dakar, chargé de l'administrer, est rattaché à la circonscription de "Dakar et dépendances".

Circonscription de "Dakar et dépendances"

Elle comprend le territoire des communes de Dakar-Gorée, Rufisque et Bargny. Superficie totale : 515 km2. Population : 130.000 habitants dont 90.000 à Dakar.
Le port se classe, comme importance des entrées de navires, le troisième de l'empire, après Marseille et Le Havre : il en était du moins ainsi l'an dernier mais il est permis de supposer qu'il perdra, cette année, un ou plusieurs rangs, par suite de la défection de la ligne italienne du Cap.
La circonscription possède l'aéroport de Ouakam, avec deux pistes bitumées de 1.300 et 1.000 mètres de long, de 150 et 80 mètres de large, qui sont parmi les meilleures du monde entier.
Enfin, il existe une base d'hydravions en achèvement à la pointe de Bel-Air.
On trouvera, à l'annexe 2, la liste des services de l'administrateur de la circonscription de "Dakar et dépendances".
Notons seulement ici :
- les Travaux publics et les Mines,
- le port de commerce,
- le service des douanes.

Service du port de commerce

Le port est exploité en régie par le gouvernement général de l'AOF ; il possède un budget autonome, géré en exploitation industrielle avec fonds de roulement, de réserve et de renouvellement.
Le service du port peut, par lui-même, agir et prendre des décisions sans perte de temps.
Il est placé sous l'autorité directe d'un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, M. Fischer, homme aimable et prompt, qui porte le titre de "chef de service des Travaux publics, ports et mines de la circonscription". C'est dire qu'il dirige à la fois deux des services énumérés à l'annexe 2.
Il avait dernièrement comme adjoint, plus particulièrement chargé de l'exploitation du port sous le titre de "chef de l'arrondissement maritime de Dakar", un ingénieur des Ponts et Chaussées, M. Nizery, fils du directeur aux Chargeurs réunis qui vient de quitter la région pour continuer ses services au ministère des Colonies. C'est, paraît-il, de tous les ingénieurs, celui qui, par ses fonctions, le temps qu'il a passé à Dakar et aussi sa conscience un peu tatillonne, connaît le mieux toutes les questions se rattachant au port.
Ayant eu l'occasion de rencontrer, chez M. Dupenher, agent général pour l'AOF des Chargeurs réunis, M. Mahé, ingénieur général des Ponts et Chaussées, inspecteur général des Travaux publics au gouvernement général (voir annexe 1) j'ai pu me rendre compte de l'intimité des relations de l'armement voisin avec les autorités, du moins avec celles qui ont un droit de regard sur le port.
Le remplaçant de M. Nizery n'est pas encore arrivé mais j'ai vu les deux autres ingénieurs : M. Nermet, chargé de l'entretien et des travaux du port, (c'est à lui, plus qu'à tout autre qu'a affaire M. Brice, le directeur local de la Société d'entreprise de dragages et de travaux publics), et M. Pillot qui, lui-même, m'a facilité l'accès du bureau de M. Fischer, dès le retour de ce dernier d'un court voyage d'études.
M. Fischer a pris comme secrétaire un lieutenant de port, M. Kuhr, très au-dessus de la moyenne des fonctionnaires de cette catégorie, à qui je dois pas mal de renseignements.
Les mouvements du port sont placés sous la direction d'un commandant du port, ancien capitaine aux Chargeurs réunis, le commandant Clérin, brave Homme et avec qui la conversation, pénible à cause de sa surdité, est instructive surtout lorsqu'il s'agit des projets d'agrandissement du port.
Il a sous ses ordres trois officiers de port, dont un M. Yves Havard-Duclos, capitaine au long-cours, a été mis à ma disposition pour les visites du port, par terre et par mer.
Le port de Dakar vit sous la formule de la "banalité" qui semble cacher un favoritisme, parfois justifié, quelquefois exagéré, dont jouissent quelques privilégiés.
Tous les postes sont, en effet, théoriquement "banaux" mais les magasins, construits en face, ne l'étant pas, les armements qui ont "pignon sur quai" sont toujours au même endroit et peuvent pratiquement considérer que les postes sont rendus libres dès que l'arrivée d'un de leurs navires est signalée.

Extérieur du port

Se signale par un éclairage satisfaisant :
1° - avec le feu du grand atterrissage dit "Phare des mamelles", 110 m. de haut (voir carte annexe 3) ;
2° - avec le feu du cap Manuel pour les navires venant du sud et le feu des Almandies (nom des récifs qui se trouvent à l'extrême pointe occidentale du continent africain (voir carte annexe 3) ;
3°- les deux feux (rouge et vert) du musoir d'entrée du port.
La région n'ayant que très rarement de la brume, l'atterrissage est facile et, en fait, peu de vapeurs français ou anglais ont été victimes d'accidents. Il n'en est pas de même pour les voiliers et aussi pour les bateaux grecs (quand j'étais là, un vapeur chargé de 3.000 tonnes de grains s'est perdu sur les Madeleines en sortant de Dakar, ce qui paraît impossible à la vue d'une carte).
M. Pichard, capitaine d'armement des Abeilles, dont j'aurai l'occasion de parler plus loin, a estimé inutile tout effort. Les assureurs ont envoyé des experts de Londres, après le rapport desquels ils ont refusé de payer. Tout s'explique !
La rade est parfaitement abritée du nord et de l'ouest.
Limitée en latitude et en longitude par les coordonnées de Gorée, elle permet certaines opérations commerciales, qui deviennent cependant risquées pendant l'hivernage (du 15 jJuillet au 15 septembre) mais, mais pendant la belle saison, ce n'est tout de même qu'un pis aller.

Intérieur du port

II se divise en cinq parties :
1 - Partie sud, qui comprend les deux môles 1 et 2 (voir plan annexes 4, 4 bis, 4 ter), et le demi-môle 3, appelé "quai d'escale".
Ces constructions et la limite de l'arsenal forment 3 bassins :
1° - bassin ouest entre la partie orientale de l'arsenal de la marine et le côté ouest du môle 1.
La partie la plus éloignée de ce môle n'ayant que 2 m. d'eau, est affectée à la petite batellerie et aux moindres bateaux de servitude de la capitainerie du port.
Au contraire, le long du môle 1, où les fonds ont été dragués à 6 m.50, les bateaux accostent, qui viennent décharger les marchandises générales et prendre des arachides (ce sont des Scandinaves, Finlandais, Norvégiens, Suédois, calant peu d'eau et qui participent, pendant les mois d'été correspondant précisément à la saison où il n'y a pas de graines à prendre à Dakar, au cabotage dans les régions nordiques).
Ce bassin ouest comprend, en fin de compte, le poste 1, de 120 m. de long, le long du grand quai lui-même.
Les postes 2, 3 et 4, respectivement à la racine, au milieu et à l'extrémité du môle.
Celui-ci ayant 300 m de longueur, ce sont trois navires d'une centaine de mètres qui peuvent accoster à la fois mais ils n'ont à leur disposition ni magasins, ni grues, sauf en ce qui concerne le poste 1, qui se trouve en face d'un hangar partagé entre la douane, la Compagnie des câbles pour le "Arago".
Les grues sont remplacées par les treuils du bord et les magasins par les "seccos". (On appelle ainsi les parcs d'arachides, en coque ou décortiquées, mais en vrac, parcs dont les parois sont constituées par des sacs pleins de graines. Ils rappellent les tas de charbon emprisonnés dans des murs de briquettes).
Enfin, le poste 5 correspond à l'extrémité du môle, avec 90 m. de long.
Tous ces postes sont "banaux" en théorie et en fait, sauf le n°5 qui ne reçoit, pratiquement que des navires anglais a appartenant ou consignés à "Elder Dempster Lines".
2° - Le bassin médian, qui s'étend entre le môle 1 et le môle 2.
A l'ouest, les fonds sont de 6 m.90 mais à l'est et au nord, ils ont été dragués à 8 m. 50.
Il comprend :
- les postes 6. avec 7 m. 20 d'eau, 100 m. de long sur le côté nord du môle 1, en face du hangar D, qui est affecté à "Elder Dempster Lines".
- 7, avec 6 m. 50 de fond, 100 m. de long, au milieu du môle 1 et en face du Hangar E, dont la moitié nord est aux "Messageries du Sénégal" et la moitié sud à la Socopao.
- 8, avec 6 m. 50 d'eau, 100 m. de long, situé à la racine du môle 1, en face du hangar F, dont 1/3 est à G. R. Petersen, et 2/3 à la CFAO (Compagnie française de l'Afrique occidentale).
- 9, avec 8 m. 50 d'eau, 150 m. de long, sur le grand quai perpendiculaire au môle, en face d'un long hangar qui appartient tout entier à la douane.
- 10, avec 8 m. 50 d'eau, 150 m. de long et qui fait suite au précédent. Pas de magasin.
- 11, avec 8 m. 50 d'eau, 100 m. de long à la racine du môle 2 et en face du hangar H, affecté à la Maison Maurel & Prom.
- 12, avec les mèmes caractéristiques, au milieu du môle et en face du hangar I, qui appartient : 1/3 à la Société anonyme des anciens établissements Charles Peyrissac, 1/3 à la Socopao, 1/3 à MM. Buhan & Tessière, agents de la SEAL.
- 13, mêmes caractéristiques que le précédent, en face du hangar J, qui appartient à la Maison P. Delmas, de Bordeaux.
- 14, mêmes caractéristiques. A l'épi du môle 2.
Tous ces postes ne sont "banaux" qu'en théorie car ils sont pourvus de hangars et, par conséquent, réservés de fait aux armements qui ont les locataires comme consignataires.
Aucune grue sur ces quais.
3° - Bassin Est. Dragué à 8 m. 50 à peu près partout, sauf le coin sud-est. Il comprend : au môle 2 :
- au nord, le poste 15, sans magasin.
- au milieu du môle, le poste 16, avec deux petits magasins informes : l'un, le "L", qui appartient aux Chargeurs réunis; l'autre, "M", affecté pour : 3/4 aux Chargeurs réunis, 1/4 aux Messageries du Sénégal.
- à la racine du môle, le poste 17, en face du hangar "N", dont : 1/4 est affecté aux Chargeurs réunis, 1/4 à la CFAO, 1/4 à MM. Buhan & Tessière, 1/4 à la Nosoco (Nouvelle Société commerciale, filiale d'Unilever).
- le long du quai, perpendiculairement au môle :
le poste 18, de 100 mètres environ,
19, de 100 mètres mais dont les abords ne sont dragués qu'à 8 m.
20, qui a les mêmes caractéristiques que les précédents.
(Nota. Un grand hangar de 110 m. est en construction sur le quai, en face des postes 18, 19 et 20. Dès qu'il sera terminé, on procédera à la démolition des hangars "L", "M" et "K" (postes 16, 17 et 18) et, à leur place, seront élevés deux hangars de 110 m.)
Ces trois constructions sont faites par la Société française d'entreprise de dragages et de travaux publics.
Les postes 21 et 22 sont à l'extrémité S.E. du bassin de l'Est : 8 m. d'eau, 90 m. de long.
Le poste 23, perpendiculaire à l'axe du quai d'escale. La profondeur voisine est de 8 m. 30. Il est réservé aux navires qui, venant charger et décharger, ont, en même temps, besoin de "mazouter".
Deux aboutissements de tuyautage sont, en effet, visibles mais ils ne sont pas utilisés et on prétend que des difficultés de toutes sortes, en particulier d'accès à ce poste sont agréables à la société "Sénégal-Mazout", filiale de la Socopao.
On arrive :
- au poste 24 - quai d'escale proprement dit, de 225 m. de long, permettant l'accostage d'un grand navire et d'un moyen.
Il est parfaitement "banal" en ce sens qu'il est affecté à tous les paquebots faisant de courtes escales mais s'occupant d'opérations commerciales.
Un grand hangar se trouve sur le môle ; un deuxième est en construction en face des postes 21 et 22, par la Société d'entreprise de dragages et travaux publics ;
et au poste 26, perpendiculaire au premier, trop court pour être intéressant.
Pas plus dans les bassins de l'ouest et le bassin médian, on ne trouve d'apparaux de levage.

II - Partie Marine nationale

A l'extrémité S.E. de cette partie se trouve le bassin de radoub dont l'accès a été dragué à 9 m. Sa longueur dépasse 200 m. mais il ne peut recevoir de navires plus importants qu'une "Bretagne".
Il sert aux besoins publics et il est exploité commercialement par le service des constructions navales. Son utilisation étant fort coûteuse, c'est par 3 et 4 unités à la fois qu'entrent et sortent les flotteurs du port de Dakar, remorqueurs, citernes, pontons-mâture, avisos d'Air France et de la Marine, sous-marins, élévateurs de charbon etc., etc.
A l'ouest de l'écluse du bassin se trouve un wharf d'accostage pour croiseurs, parallèle à son axe et qui s'avance de 200 m. vers le centre du port.
A son extrémité se trouve une prise de combustible liquide (aspiration et refoulement).
Dans l'arsenal ont été construites deux citernes de 7.000 et 8.000 tonnes, utilisées pour des produits noirs seulement (je le crois du moins).

III - Bassin des Côtres

C'est la partie la plus occidentale du port. Elle n'a pas été draguée et n'offre que 2 m. 50 de fond et même un mètre à certains endroits.
L'intérêt de cette région est tout entier sur le rivage où se trouvent les ACD, c'est-à-dire les Ateliers et Chantiers maritimes de Dakar, dont il sera question plus loin et qui constituent une filiale du groupe anglais, associé à la Socopao.

IV - Partie sud

Située à l'extrémité septentrionale du port, elle s'étend jusqu'à l'est.
Elle comprend, en commençant par le N.O, trois bassins :
- des arachides,
- des charbons,
- et le bassin pétrolier.
1° - Bassin des arachides. Comprend deux môles qui existent et un en projet. Ce dernier - le plus au nord - aurait le n° 4 mais il semble qu'il ne soit pas à la veille d'être construit.
A son futur emplacement, il y a encore 7 m. d'eau. C'est en face que se trouve le hangar d'Air France, qui sert à abriter les hydravions.
Les avisos de cette compagnie sont amarrés tout le long du quai, tout à côté du môle 6.
La môle 5 possède les postes suivants :
- 28, avec 7 m. d'eau le long du quai. Point de grues mais on y trouve des "sauterelles" et trottoirs roulants pour les arachides.
Ces apparaux appartiennent à la Socopao et lui permettent d'obtenir à bon marché un véritable monopole des installations portuaires, des emplacements à quai et des hangars.
- 29, identique au poste 28 et desservi comme lui.
Il se trouve du côté est du môle 5, avec 7 m. 70 d'eau.
Le môle 6 comprend les deux postes 30 et 31, avec 7 m. 50 d'eau.
Ces deux moles 5 et 6 ont leur racine dans la jetée nord sur le terre-plein de laquelle se trouve une vaste esplanade appartenant à la Socopao.
Sur un terrain avoisinant qui, cette fois, appartient au port, sont en construction 3 hangars de 110 m. situés dans le prolongement les uns des autres sur une ligne perpendiculaire à la jetée. Ils sont construits par la Société d'entreprise de dragages et travaux publics et sont appelés "hangars-silos", sans doute parce qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre. Ils seront réservés au stockage des arachides.
2° - Bassin des charbons. II comprend : un môle en projet, le n° 7, dont la construction est suspendue, comme celle du môle 4.
A son emplacement, il y a 5 m. 30 d'eau et les élévateurs de charbon de "Dakar-soutes" (quatre du type "Menada") y sont mouillés.
La partie orientale du bassin, celle, par conséquent, qui avoisine le môle 8 est dragué à 8 m. 50.
On y trouve, à la jetée nord, les postes 19 et 40.
C'est au 39 que travaillait le "Pierre L.D.". Il débordait d'ailleurs suffisamment sur le poste 40 pour qu'il soit impossible d'y mettre un navire important.
Sur le terre-plein, une petite superficie à l'ouest est réservée à la "Manutention Africaine" (Delmas) mais le reste appartient à la Socopao, qui a su augmenter son territoire d'une surface importante, en étalant le stock de mobilisation qu'elle entretient pour la Marine nationale (stock de mobilisation dans un port où se trouve un arsenal maritime !)
Sur le môle 8., de 130 m. de long et 150 m. de large se trouvent sept postes, savoir :
3, sur le quai ouest : 41, 42, 43 (le 41 étant à la racine) ;
1, sur l'épi, le 44 où le "Capitaine-Le-Bastard" débarquait des briquettes allemandes pour le chemin de fer Dakar-Niger ;
3, sur le quai est, savoir 45, 46, 47, ce dernier à la racine.
Ce môle est tout entier monopolisé par la Socopao qui a ses parcs de chaque côté en abord, laissant au milieu le passage réglementaire pour les wagons et voitures.
La situation est telle que, du "Capitaine-Le-Bastard", il fallait porter la briquette jusqu'à un terrain éloigné de 30 à 40 m. du quai mais, si le réceptionnaire n'avait pas été le groupe Socopao, ce chemin aurait été doublé.
Cet endroit du port est outillé, savoir :
- de deux grues pivotantes, roulant sur un portique de 39 m. de portée, la leur étant de 9 m. 50 avec une charge utile de 3 tonnes ;
- de trois autres, pivotantes également, sur un portique qui enjambe la voie ferrée. La portée est de 14 à 16 m. avec une charge utile de 3 tonnes, mais ces cinq engins n'appartiennent pas au port. Ils sont la propriété de "Dakar-soutes", c'est-à-dire de Socopao, ou plutôt, de la Compagnie française des charbonnages de Dakar.
3° Bassin pétrolier. Les navires pétroliers accostent aux postes 45, 46, 47, 51 et 52.
Les postes qui manquent : 48, 49, 50 apparaîtront avec la construction d'un terre-plein projeté le long de la jetée nord.
A la racine du môle 8 se trouvent deux parcs contenant chacun deux citernes de 3.200 tonnes. Elles appartiennent au port, qui les a louées pour une longue durée à la société "Sénégal-mazout", laquelle a d'ailleurs installé les machines de pompage.
Toutefois, m'a dit M. Fischer, il est un article dans la convention qui prévoit qu'aussitôt que seront construites, en nombre suffisant, des citernes au nord du port, deux sur quatre de celles du môle devront être rendues à l'administration.
Il faut entendre de quel ton l'assurance en est donnée. En réalité, j'aurai maintes fois l'occasion de constater que M. Lemaignen est tout puissant auprès de l'administration.
Bien que je doive avoir l'occasion de parler plus loin du tuyautage, il convient, d'ores et déjà, de signaler qu'aboutissent aux postes ci-dessus les tuyautages construits par la Shell, la Marine nationale et le port. Ils communiquent tous entre eux, de façon qu'en cas de conflit, tous les moyens puissent être exploités de la même manière, après réquisition évidemment.
Au poste 52, a stationné, pendant des années, pour servir de citerne, un pétrolier de 10 à 12.000 tonnes, appartenant à l'Anglo-Saxon Petroleum Cy.
Il est parti depuis quelques mois.
Le second navire, de moindre importance, le "San-Valerio" est encore là mais il va quitter Dakar ces jours-ci.
Tout le bassin pétrolier est dragué à 10 m.

V - Rade intérieure

Voir les cartes annexes 4 bis.
Elle a été draguée à 10 m.
Plusieurs navires peuvent y mouiller à la fois et c'est là que restent les grands paquebots qui, ou bien ne trouvent pas de place au quai d'escale, ou bien n'ont qu'une opération de ravitaillement à faire.
En charbon, les vapeurs sont ravitaillés en rade intérieure par les élévateurs flottants qui appartenaient autrefois à la Société italienne et qui sont aujourd'hui la propriété de "Dakar-soutes".
En mazout, diesel ou autres, les navires sont ravitaillés par les citernes de cette même société.

Addendum - Marine nationale

Avant de fermer ce chapitre du "port de commerce", il est nécessaire de dire un mot de l'organisation de la Marine nationale, qui est plus qu'une base mais un véritable point d'appui, avec un petit port de guerre dans le port de commerce.
Elle est commandée par un capitaine de vaisseau, M. Plançon, qui est "commissionné" chef de division et dont le titre est commandant de la division du Sénégal et du point d'appui de DaKar.
Son guidon flotte "par extension" à terre sur un magnifique hôtel mais il bat réglementairement sur un aviso qui, avec deux sous-marins, constitue sa division.
II a un chef d'état-major, le capitaine de corvette Boël et un second, qui n'était pas à Dakar lors de mon passage.
Outre les navires ci-dessus, il a sous ses ordres un véritable arsenal, avec :
direction des mouvements du port,
- un service de réparations,
- un service d'intendance, qui gère, avec les officiers du cadre auxiliaire, les parcs à mazout dont il sera question plus loin,
- un service de santé,
- un service de constructions navales qui dispose d'un grand bassin de radoub.
Parmi les officiers de ces différents services que j'ai tous vus, il est à retenir le nom de M. Caro, ingénieur mécanicien principal, affecté à la direction du port et son adjoint, ingénieur mécanicien de 1ère classe, directeur de l'atelier de réparations.
Outre l'hôtel où loge le chef de division, et les villas agréables qu'occupent les officiers, et qui sont toutes en dehors de l'arsenal, il existe à l'intérieur des murs un grand nombre de bâtiments divers, de nature à permettre le logement d'un personnel - officiers et marins - important. L'infirmerie est un modèle du genre et occupe tout un grand bâtiment, d'un étage il est vrai, mais d'une longueur de 40 mètres.
L'amiraI Darlan aurait tenu à faire commissionner le commandant de la Marine pour faciliter sa mission dans ses rapports avec les capitaines des grands bâtiments de guerre de nos alliés.

Moyens fournis au public par l'administration du port et l'industrie privée

I. Manutentions

1. Charbons. L'administration du port ne peut offrir aucun engin, pas plus aux ravitailleurs qu'aux navires venus prendre des soutes.
C'est ainsi que les briquettes du "Pierre L.D." étaient débarquées au moyen de filets, par les treuils du bord.
Le chemin de fer y trouvant son intérêt, a maintenu à peu près suffisamment de matériel roulant pour permettre de les charger directement. S'il en avait été autrement, non seulement, on n'aurait pas économisé leur reprise à terre mais encore, on eût eu de la peine à loger momentanément la cargaison de 8.000 tonnes sur un terre-plein accaparé et mal utilisé d'ailleurs par Socopao.
La longueur des quais utilisables par les charbonniers est de 700 m. dont 400 possèdent 5 grues à rendement imposant, mais ces engins appartiennent aux sociétés privées, c'est-à-dire à dire à Socopao ou plutôt "Dakar-soutes", et, pour quelques-uns, à la "Manutention africaine" (Ph. Delmas). Leur énumération et leurs caractéristiques ont été données plus haut.
Les engins, flottants que "Dakar-soutes" utilise pour charbonner les navires, notamment dans la rade intérieure, étaient déjà vieux en 1912 mais ils fonctionnent cependant encore sans mécompte. Leur fardage ne permet pas l'utilisation, en tous temps, dans la rade extérieure. A l'abri leur débit est de 200/250 tonnes à l'heure.
Il convient d'ajouter, à cette énumération, deux ou trois pontons-grues et deux chalands-grues qui appartiennent au même groupe, sauf une ou deux exceptions qui sont à la Manutention africaine (Ph. Delmas).

2 - Combustibles liquides. Jusqu'en 1929, le ravitaillement en fuel-oil, diesel-oil et gasoil était assuré par des dépôts flottants.
J'ai eu l'occasion de dire qu'il y avait encore, voilà 6 mois, deux gros navires-citernes, appartenant à l'Anglo-Saxon Petroleum Cy, et le second ne doit s'en aller que ces jours-ci. C'est pour l'amélioration d'une telle situation qu'a été réalisé, par le port de Dakar, le plus grand effort.
Deux administrations - le port et la Marine nationale - et deux sociétés privées - la Shell et "Sénégal-Mazout" se partagent à peu près intégralement l'exploitation du port, en ce qui concerne les combustibles liquides.
La Shell se présente avec la plaque :
"Société d'entreprises d'hydrocarbures de Dakar" mais cette appellation n'est jamais employée par les usagers, qui ne connaissent que la Shell.
"Sénégal-Mazout" est une filiale de Socopao.
Les deux sociétés sont propriétaires ou locataires de toutes les citernes existant à terre. A elles deux, elles possèdent toutes les citernes flottantes. A la première appartient le plus grand réseau de pipe-lines et toutes deux, ainsi que la Marine nationale, mais à l'exclusion du service du port, ont leur installation de pompage.
Comme il a été dit, tous les tuyautages communiquent en cas de besoin.
Nous allons passer en revue, successivement, l'installation de chacune de ces administrations ou sociétés.
a) Le port possède, au parc B à la racine du môle 8, les 4 réservoirs signalés plus haut, de 3.200 tonnes chacun, soit 12.800 tonnes et tous les 4 sont loués à "Sénégal-Mazout" dans les conditions suivantes :
La société locataire a procédé à ses frais à l'installation de la station de pompage moyennant quoi et sans loyer, les réservoirs lui ont été affectés pour un temps que je n'ai pu connaître.
Comme dit déjà, le locataire s'est engagé à rendre deux des citernes quand il en existerait deux autres, qui doivent d'ailleurs être élevées à ses frais dans l'autre parc A de l'administration, qui se trouve au nord du port et "Sénégal-Mazout" sera dédommagée des dépenses consenties (installation de la station de pompage) à dire d'experts.
Dans ce parc A, une seule citerne existe encore, de 10.000 tonnes et elle appartient bien à "Sénégal Mazout".
Mais ce parc peut en loger beaucoup d'autres et M. Fisher m'a déclaré que si cela intéressait la Maison Worms & Cie, il n'y aurait aucune difficulté à lui louer le terrain sur lequel serait élevé à ses frais, le ou les réservoirs dont elle aurait besoin.
Il est à remarquer que, dans ce cas aussi, la propriété des citernes n'est pas intégrale puisque le terrain sur lequel elles sont construites, faisant partie du domaine public, ne peut être loué qu'à titre précaire et révocable.
II ne m'a pas été possible d'avoir les textes qui régissent en particulier, le cas où un acte du "prince" priverait le locataire de son terrain et, par conséquent, de sa construction mais, par ce que m'a dit M. Fisher, au sujet des citernes du parc E, il est bien certain qu'on "modus operandi" a été prévu.
La capacité totale des tanks construits ou à construire atteindra, pour le port 100.000 tonnes.
Quant aux machines de pompage, aussi surprenant que cela paraisse, il semble que le port n'en possède aucune.
b) Marine nationale. Possède deux citernes dans l'arsenal, de 7 à 8.000 tonnes chacune.
Quatre autres citernes dans le nouveau parc de Bel-Air à 1 km 800 environ au nord du port, près du cimetière et à 7 ou 800 mètres du parc de la Shell.
La contenance de ces réservoirs est de 8 à 10.000 tonnes, de sorte que la Marine nationale dispose actuellement de :
2 x 7.500 = 15.000
4 x 9 000= 36.000
Total : 51.000 tonnes
Les travaux continuent et le programme prévoit le magasinage de 100.000 tonnes.
La Marine a naturellement ses machines de pompage et son tuyautage.
c) La Shell est établie sous le nom indiqué plus haut.
Elle possède à Bel-Air, près du cimetière, une immense installation avec des parcs qui sont loin d'être pleins, bien qu'ils contiennent à l'heure actuelle, sept citernes d'une moyenne de 8.000 tonnes, soit 56.000 tonnes
La plus grande partie du tuyautage du port lui appartient et elle a ses machines de pompage.
Elle possède, en outre, 5 citernes flottantes dont l'une, de 1.450 tonnes est un ancien "monitor" transformé et les quatre autres, très modernes, de 500 à 1.450 tonnes pouvant assurer une cadence de pompage de 250 à 400 t/h.
d) La Société "Sénégal-Mazout" n'a donc pas de citernes mais, comme on l'a vu, elle dispose de 5 réservoirs :
- 4 au parc B, racine du môle 8,
- et 1 au parc A, de 10.000 tonnes,
au total : 23.000 tonnes.
Elle a fait installer une station de pompage électrique, dont la machine refoule 500 t/h, avec appareillage électrique qui permet le ravitaillement à quai, sans perte de temps.
Elle possède enfin trois chalands-citernes spéciaux de 2.000 tonnes chacun, avec deux pompes Duplex à vapeur, assurant un refoulement de 500 t/h.
Les grands paquebots peuvent, simplement amarrés sur un coffre de la rade intérieure, recevoir le combustible à raison de 1.000 tonnes par heure.
"Sénégal-Mazout" possède, en outre, trois citernes flottantes (A. B. C.) de 2.600 tonnes chacune, soit au total 7.800 tonnes.
Tuyautages. La Shell a fait installer un réseau de pipelines, qui lie son parc de Bel-Air avec les jetées nord et sud et les cinq postes de ravitaillement utilisables actuellement pour les grands navires.
Au môle 8, ces pipe-lines bifurquent par des "Y" vers les postes et vers les quais est et sud dudit môle.
Le port, de son côté, vient de finir la construction d'un pipe-line "banal" de 2 km. 500, sur le point d'être porté à 3 km. 500.
La Marine fait construire un réseau de pipelines en liaison étroite avec celui qui existe.
Nota. Si j'en crois les "on dit", aucune administration ne se préoccupe de construire des citernes souterraines et, dans l'état actuel de l'aviation, on comprend parfaitement qu'une telle précaution puisse être considérée comme superfétatoire. Cependant, les risques de bombardement augmenteront au fur et à mesure des progrès de l'aviation et il suffirait que l'Espagne offrît à l'ennemi une hospitalité suffisante pour que l'éventualité qui est à redouter ait bien des chances de se produire.
Si je m'en rapporte à ce que j'ai cru voir, il semble que la Marine creuse la terre là où elle est supposée aplanir le terrain pour la construction de ses nouvelles citernes.

Résumé des moyens de fourniture de combustibles liquides

En fin de compte, le port de Dakar dispose en citernes à terre, d'une capacité totale de 129.000 T, savoir :
- Service du port (mais louées à "Sénégal-Mazout")                                     12.800 t.
- Marine nationale                                                                                     51.000 t.
- Shell                                                                                                     56.000 t.
-Sénégal (mis sur terrain du port)                                                               10.000 t.
                                                                                                             129.000 t.
Ce total sera porté rapidement à 250.000 tonnes de la manière suivante :
- Port : (parcs A et B, par conséquent, y compris les citernes qui sont construites par "Sénégal-Mazout" ou qui le seront par d'autres sociétés)                                                                                     80.000 t.
- Marine nationale                                                                                   100.000 t.
- Shell                                                                                                   100.000 t.
                                                                                                             280.000 t.
avec tous les travaux nécessaires.
En citernes flottantes :
- Port + Marins nationale : mémoire
Shell :                   5.000 t.
+ "San Valerio" :  10.000 t.
                                             15.000 t.
- Sénégal : 3 x 2.600 :            7.800 t.
Total :                                   22.800 t

3°. Des arachides. On a vu ce qu'était un "secco". La description des hangars-silos, construits par l'administration, singulièrement en dehors du port, sortirait du cadre de cette étude.
Il convient cependant d'indiquer la manière dont est emmagasinée la graine pour comprendre la politique menée en commun par certaine administration et la Socopao.
Mise en sacs après son débarquement du caboteur qui l'a apportée, l'arachide est transportée à dos d'hommes jusqu'au "hangar-silo", ce qui représente une distance relativement grande et qui peut varier de 30 à 80 mètres.
Le sac pèse 50 k. en moyenne et le noir le monte jusqu'au faîte, par un escalier double, situé contre le mur extrême du bâtiment. Il s'aventure donc sur une poutrelle qui court près du toit, parallèlement à l'axe et d'où il le vide dans le hangar.
Son retour se fait par l'autre escalier.
Cette manière de procéder est possible parce que le docker est payé à raison d'un franc l'heure au minimum et 1,50 au maximum. Il travaille ordinairement à ce prix qui est doublé pour les 11ème et 12ème heures.
Il en résulte que le transport d'un sac est d'environ 25 centimes.
On ne comprend donc pas pourquoi la Socopao a fait venir sauterelles et trottoirs roulants, dont le débit est faible, l'entretien assez onéreux et l'utilisation pas toujours facile, étant donnée la naïve ignorance de ceux qui les manipulent, si ces instruments ne constituaient pas le prétexte pour l'administration d'avantager cette société en lui accordant des priorités.
La puissante Compagnie française de l'Afrique occidentale se met à suivre cet exemple.
Il faut reconnaître cependant qu'avec la construction des deux "hangars-silos", dont les axes, en prolongement l'un de l'autre, sont perpendiculaires au quai, le dernier sera à peu près à 150 m. du point de débarquement et que, dans ces conditions, l'utilisation des moyens océaniques pourra devenir plus logique.
Ce n'est cependant pas l'avis de M. Brice.
En fait, outre le "hangar-silo" dont la contenance sera, au total, de 12.000 tonnes, il y a en construction des "seccos" découverts, d'une capacité totale de 12.000 tonnes, avec des murs de 3 m. de haut. Ils ne seront utilisés que pendant neuf mois de l'année car on peut dire qu'à Dakar, pendant neuf mois, il ne pleut pas.
En même temps sont commandés 1.000 m. de "bandes transporteuses" qui assurent le trajet des sacs, des postes de débarquement au lieu de stockage, ou inversement, de ce dernier au poste d'embarquement.
L'arachide sera amenée par wagon de la gare de triage au voisinage des parcs et des chaussées de circulation permettront leur transit au moyen de camions.
L'évacuation pourra se faire à la cadence de 100 t/h

4°. Des marchandises diverses - Le port possède :
- une grue automobile de 5 tonnes et un ponton-mature de 25 tonnes.
Il a été projeté d'installer sur le môle 2 :
- quatre grues électriques à flèche, relevables sous charge dont 3 de 3 tonnes et 1 de 5.
La portée en serait variable, de 9 à 19 mètres mais la commande qui était sur le joint d'être passée à Jeumont, a été suspendue, on ne sait pas trop pour quelles raisons. Beaucoup cependant s'accordent à dire que le secrétaire général, homme un peu buté, a toujours prétendu que les engins du port ne constituaient qu'une source de dépenses parce que les navires avaient à bord tout ce qu'il fallait pour travailler.
Plusieurs personnes m'ont répété cette boutade qui d'ailleurs devient exacte, quand il n'y a que des arachides.
Heureusement, l'Entreprise des travaux pour l'extension et l'aménagement du port de Dakar, appelée communément l"'Entreprise des travaux du port", filiale de la Compagnie générale des colonies, possède deux pontons-mature, respectivement de 50 et 60 tonnes.
Elle est sur le point d'en recevoir un de 80 tonnes.
Pour le moment, c'est avec l'engin de 60 tonnes que sont mis à l'eau, ou à terre, les hydravions d'Air France ainsi que ceux de la Marine, éventuellement.

II. Remorquage
Une des agréables caractéristiques du port de Dakar est qu'on y entre et qu'on en sort très généralement sans remorqueur.
Pour qu'il en soit autrement, il faut un vent mal orienté ou très fort, deux éventualités très rares.
C'est pourquoi le port ne dispose que de 4 remorqueurs assez faibles, le plus puissant étant de 600 CV.
La Marine nationale en a quelques-uns - quatre, je crois - également petits.
En revanche, la société "Dakar-Soutes" en possède 3 ordinaires et un puissant, "Nora", qui a remorqué récemment et sans peine une drague de Pointe-Noire à Dakar.
Les Messageries du Sénégal ont, à Dakar deux remorqueurs de 400 CV. Elles en attendent un autre plus puissant, qui remplacera celui de la flotte Mihanovich, perdu il y a quelque temps.
La Manutention africaine possède également deux petits remorqueurs.
Au total, un minimum de 13 remorqueurs, dont un gros.
Là comme dans les autres branches, le groupe Socopao, par "Dakar-Soutes", cherche à faire le trust. C'est pourquoi il y eut, paraît-il, remue-ménage à la tentative faite par les "Abeilles" de venir s'installer dans le grand port de l'Afrique occidentale.
L'"Abeille 8", magnifique remorqueur de la flotte Damaye est venu à Dakar, il y a quelque deux mois, ayant à la remorque un engin flottant destiné à l'Entreprise des travaux du port. Elle n'a pas tardé à être suivie par M. René Le Grand qui, après un court séjour, disparut pour laisser la place au chef de l'armement, M. Pichard et à son directeur, M. Cantor.
(Pendant le séjour du premier survint l'accident du bateau grec, qui s'est échoué et perdu aux Madeleines mais, après un examen rapide, le technicien de la Société des Abeilles avait déclaré le sauvetage inutile et il n'avait pas tardé à repartir pour la France.)
Quand je suis arrivé, M.Cantor y était encore mais son départ ayant suivi de près, le contact n'a pu être pris.
Tout le monde à Dakar fait allusion à cette visite, qui n'aura probablement pas de suite car l'Abeille 8" elle-même a été renvoyée en France.
A en croire les informés (M. Fischer, M. Khur, le commandant du port et ses adjoints, M. Charvin et M. Laurens, expert du Veritas), M.Damaye se serait rendu compte qu'une installation à Dakar ne serait viable qu'en cas de conflit, par suite d'échouements volontaires successifs à des torpillages.
Encore faut-il tenir compte de ce que la côte est telle qu'un navire échoué y reste presque toujours et finit par se perdre, emprisonné par les sables qui cependant ne peuvent être qualifiés de mouvants.
Mais en temps normal, la facilité des atterrissages, le temps presque toujours beau avec la mousson qui dure 8 mois, et même, peut-on dire, pendant l'hivernage, du 15 juin au 1er septembre, car les tornades n'y sont qu'accidentelles, il n'y a que peu d'espoir d'avoir à effectuer un sauvetage.
Restaient les remorqueurs du port. Or, les engins, même les petits, généralement suffisants, de "Dakar-Soutes", armés économiquement avec des équipages noirs, alors que l'"Abeille 8", sauveteur éventuel, serait tenu pratiquement de conserver un nombre important de marins blancs, prennent F 300 pour effectuer un mouvement, et c'est 3.000 F au moins que serait obligé de demander Damaye pour faire face à ses frais et satisfaire aussi un appétit bien connu.

III. Eau
Un centre de captage existe à quelques kilomètres de la ville, bien équipé et un second est en cours d'installation.
Les réservoirs ont une contenance de 12.000m3 et les citernes de "Dakar-Soutes", de la Manutention africaine et du port, au nombre total de 9, sont très suffisamment nombreuses puisqu'elles ne font que compléter les canalisations de distribution du port, qui dépensent 12 km, avec 80 bouches, dont beaucoup ont un débit de 100 t/h.
L'eau est régulièrement verdunisée.

IV. Réparations
Du Cap à Gibraltar, il n'existe pas d'autre atelier de réparations, sauf un, à Freetown, qui est modeste, que les ACD (Ateliers et Chantiers maritimes de Dakar).
Il est la propriété de la Compagnie française des charbonnages de Dakar, ce qui, pour le public, se confond intégralement avec la Socopao.
II a été constitué par la fusion matérielle sinon financière de trois petits ateliers, l'un qui appartenait déjà à la Socopao; le second, aux Messageries africaines, et le troisième, à une petite entreprise disparue.
C'est sous la conduite de son directeur, M. Beaussart, dont je parlerai plus loin, que j'ai fait la visite des ACD. Il tenait à montrer qu'il s'agissait d'une grande entreprise, montée et exploitée à l'européenne. Et, en fait, cet atelier est construit sur un modèle des plus modernes ; l'ordre le plus parfait y règne. D'un côté, l'ajustage, le gros outillage, la chaudronnerie, de l'autre une petite fonderie, un atelier à bois, une salle à tracer et deux ponts roulants pour transporter les grosses pièces, etc.
Le bâtiment a 130 m. de long sur 21 de large et on peut y faire des travaux importants. Il y est construit des chalands ; un slip se trouve à son extrémité sur lequel peuvent, sans difficultés, monter les remorqueurs, sauf naturellement le "Nora".
M. Beaussart aime à dire - et le fait m'a été confirmé par un ingénieur mécanicien de la Marine - que ce chantier a fait, en avril, l'objet d'une visite officielle d'un ingénieur général venu de France, à la suite de quoi le ministre a décidé de surseoir à l'établissement, dans l'arsenal, d'une organisation plus importante que le petit atelier qui existe actuellement.
A vrai dire, je n'ai pas entendu que des éloges des ACD. Plusieurs personnes se plaignent des prix pratiqués, qui seraient déraisonnables. C'est l'avis de M. Charvin et aussi de M. Laurens, ancien officier mécanicien de la Marine, expert du Veritas et expert auprès du Tribunal.
La concurrence est si loin !

V. Communications dans le port
20 km de voies ferrées (10 au nord, 10 au sud) longent les quais. Elles sont actuellement reliées au réseau Dakar-Niger par une grande gare de triage.
Ce chemin de fer ne donne pas bonne impression, tant au point de vue administratif qu'au point de vue matériel ; il n'est certes pas engageant !
La voie est, paraît-il, en très mauvais état et certaines pentes sont trop raides pour permettre l'utilisation d'un matériel moderne, notamment de nouvelles machines.
La maladie de la coordination "fer-camions à gazogène" a atteint cette lointaine contrée !

VI. Vivres frais
Les temps sont bien changés car, actuellement, on trouve à Dakar à peu près tout ce que l'on veut.
- Légumes verts et autres en quantité, produits pour une culture maraîchère intense autour de Dakar (carottes, choux, salades, tomates, poireaux, asperges, etc.),
- excellente viande fournie par les cheptels sénégalais et soudanais.
Le surplus, primeurs, fruits, etc. d'Europe, d'Algérie et d'Amérique du Sud sont apportés par les nombreux navires qui en viennent.

VII. Frais de port
Unique en son genre, le port de Dakar est à peu près "gratuit".
Un navire de 3.000 tonneaux de jauge nette qui vient se ravitailler en charbon aura à payer 700 F environ.
Un bateau de 7.000 tonneaux de jauge nette qui vient se ravitailler en mazout, soit en rade intérieure, soit à quai, ne paiera pas 1.000 F.
Au surplus, voici la liste des charges.
Taxe de pilotage (entrée et sortie réunies) : 0,15 par tonneau de jauge nette
Avec maximum de perception de F 900.
Taxe d'amarrage : F 50 et F 70, au dessus de 5.000 tonneaux
Taxe de pilotage et d'amarrage pour un déplacement dans les limites du port : F 70 et F 100 au-dessus de 5.000 tonneaux
Surtaxe de nuit : par mouvement F 50
Surtaxe de retard : par heure de jour 40 F ; par heure de nuit 100 F
Taxe de séjour : navires à quai, effectuant des opérations commerciales - F 0,11 par tonneau de jauge nette. Navires en rade intérieure - F 0,06.
Cabotage
Nous verrons plus loin que les navires caboteurs sont exempts de la plupart de ces taxes.
Taxe d'embarquement et de débarquement des marchandises
Le fait qu'il s'agit d'un fort de ravitaillement explique cette taxe.
Taxe perçue sur les arachides de toutes origines, embarquées, débarquées, transbordées : F 4,40 par tonnes métrique brute.
Les embarquements, débarquements ou transbordements de marchandises qui nécessiteront plusieurs opérations intermédiaires, à l'aide d'allèges par exemple, n'acquittent qu'une fois la taxe.
Les marchandises débarquées d'un navire et rembarquées sur un autre navire, sans avoir quitté le port, avec ou sans mise à quai, ne paient qu'une fois la taxe.

Vlll. Peinture - carénage
Trois entreprises
1° - "Dakar-Soutes"
2° - M. Périvier
3° - M. Ranson
Ces deux derniers étant des particuliers modestes, assistent, impuissants, à la constitution d'un monopole par "Dakar-Soutes" qui sacrifie ce qu'il faut pour enlever toutes les affaires.
IX. Main d'œuvre
La population noire ou colorée de Dakar était, il y a quelques années, constituée par les Ouolofs, habitant la presqu'île du Cap Vert, avant tout agriculteurs, mais qui se mirent rapidement à pratiquer tous les métiers que la naissance du port faisait apparaître. Ils forment encore le principal recrutement de la main d'œuvre.
Mais l'instruction généralisée conduit beaucoup de jeunes vers les bureaux, d'où une cause chronique de sa raréfaction, qui provoque un phénomène de succion chez les races avoisinantes, savoir : Toucouleurs, Soudanais, Portugais des Iles, voire quelques Maures.
Tous les ans, pendant l'hivernage, les Ouolofs se rendent aux travaux agricoles et, pendant cette période, la pénurie se fait sentir, malgré les nouveaux venus et déjà, lors de mon séjour à Dakar, force avait été d'embaucher, pour le déchargement du "Capitaine-La-Bastard", des enfants de 16 ans et même de 14 ans, ce qui d'ailleurs est formellement interdit.
Les Portugais se sont spécialisés dans les travaux moins durs et dans le carénage et la peinture.
Nota. II resterait, pour être complet, à indiquer les liaisons normales de Dakar avec les autres pays, l'étude des lignes régulières qui y touchent pour la voie maritime. Il suffira ensuite d'énumérer les moyens qu'offrent l'avion et le rail.

Mouvements du port de Dakar

Le nombre des navires entrés et sortis au cours des six dernières années est donné ci-dessous et en bloc, car les entrées sont naturellement égales aux sorties (le tonnage est indiqué en tonneaux de jauge nette).

 

1933

1934

1935

1936

1937

1938

Navires

3.672

4.626

5.196

7.104

8.215

6.869

Tonnage

7.847.000

8.910.000

9.596.000

14.352.000

17.594.000

14.775.000

La régression constatée en 1938, est due à des causes dont les effets s'ajoutent :
1° - disparition, en cours d'année, des gros italiens,
2° - diminution de la récolte des arachides,
3° - diminution du tarif du canal de Suez,
4° - mais aussi et surtout, euphorie de l'année précédente, pour des causes qui s'atténueront dans le temps.
Malgré ce retour en arrière, Dakar s'est classé encore l'an dernier de suite après Le Havre.
II. Marchandises
L'annexe 5 donne la liste des armements qui exploitent des lignes régulières sur Dakar, avec la raison sociale des agents et l'indication de la ligne desservie.
Ce tableau donne déjà une idée de l'activité des principales maisons ; il sera complété par l'énumération des autres branches qu'elles exploitent.
Trafic total et des marchandises diverses
Le tableau ci-après donne les renseignements statistiques recueillis à la Chambre de commerce de ce port :

 

1933

1934

1935

1936

1937

1938

Importations

515.000

588.000

669.000

1.020.000

1.349.000

1.238.000

dont diverses*

145.000

143.000

202.000

242.000

272.000

251.000

Exportations

433.000

566.000

611.000

983.000

1.343.000

1.143.000

dont diverses*

57.000

64.000

87.000

106.000

123.000

94.000

* Le reste étant du charbon et du combustible liquide.
A l'importation, de la pacotille, des fruits et primeurs, du ciment, des poutrelles, des machines, etc.
A l'exportation, un peu de coton, un peu de laines, des gommes, des cuirs.

Charbons

Le charbon donne lieu aux statistiques suivantes :

 

1933

1934

1935

1936

1937

1938

Importation

103.302

124.050

96.980

263.673

363.914

241.725

Exportation

59.578

88.886

67.855

236.993

329.970

193.025

Différence

43.724

35.164

29.125

26.680

33.944

48.700

On remarquera la pointe de l'année 1937 amorcée d'ailleurs en 1936. Elle est due en grande partie à la guerre civile d'Espagne, alors que les dépôts de Ténériffe et de Las Palmas étaient mal ou peu approvisionnés.
La chute de 1938 provient de l'amélioration de la situation de ces dépôts mais aussi de la diminution de la consommation du charbon par rapport à celle des combustibles liquides.
La chute sera plus grande, dit M. Fischer, en 1939, car les deux raisons joueront encore davantage.
Cependant, des armements anglais, qui avaient déjà repris le chemin des Canaries sont retournés, momentanément du moins, à Dakar, soit, dit-on, à cause de la pression du gouvernement britannique auprès de ces armements, et ce, pour des buts politiques, ce qui paraît bien surprenant, soit plutôt que les dépôts qui sont, en définitive, les mêmes qu'à Dakar, aient voulu éviter les conséquences de la politique financière du gouvernement espagnol.
La différence indique la consommation de Dakar, Rufisque et des communes voisines.
Là encore, il ne faut pas s'attendre à une augmentation sensible et si, de ce tonnage, on déduisait la consommation du chemin de fer, il n'en resterait rien, ou presque rien.
C'est qu'il y a fort peu d'industries dans la région : ce sont quelques fabriques d'huile, deux blanchisseries, trois brasseries et une fabrique de glace. Cette dernière est la propriété de la Maison Maurel & Prom, qui doit payer très cher la suspension chronique du fonctionnement du frigidaire du grand marché indigène de Médina.
Quant aux foyers domestiques, ils consomment quelques milliers de tonnes de boulets, vendus par la Socopao et la Manutention africaine (Ph. Delmas).
Eh résumé, les deux seules Maisons qui fournissent le charbon de soute sont :
- La Manutention africaine, en petites quantités,
- Dakar-Soutes, filiale de la Société française de charbonnages de Dakar, émanation elle-même de MM. Wilson & Cie, qui travaille en liaison étroite avec Socopao ainsi qu'il sera dit plus loin.
Le tableau suivant indique la part prise dans l'importation du charbon par le pavillon français au cours des trois dernières années :

 

1936

1937

1938

Français

Étranger

26.000

238.000

74.000

290.000

39.000

203.000

Si la situation reste normale, les fournitures de charbon ne peuvent que diminuer, mais elles deviendraient d'une importance considérable, qu'il ne serait d'ailleurs pas impossible d'évaluer, si un conflit survenait. Dans cette hypothèse, la place privilégiée qu'occupe Socopao et ses alliés britanniques, serait d'autant plus facile à défendre qu'ils possèdent davantage de moyens : en fait, plus grande partie du seul parc disponible, presque tous les engins existants, qu'ils soient flottants ou sur quai et les meilleurs remorqueurs.
A supposer que le nouveau venu ait pu, de haute lutte, se faire attribuer une partie du parc, il devra importer à grande frais un outillage de prix élevé et dans des conditions d'autant plus difficiles que le conflit supposé aura raréfié davantage les engins, d'une part, et les remorqueurs, de l'autre.
La seule manière qui vient à l'esprit serait de suivre les opérations d'agrandissement du port dont il va être question plus loin et de faire acte de candidature dans le cas où serait choisi, parmi les autres, certains projets de modification. Mais c'est à longue échéance, peut-être pas avant la crise définitive. D'autre part, l'obligation de s'y prendre très à l'avance ne faciliterait pas le maintien nécessaire du secret à l'égard des "heureux possédants actuels".

IV. Combustibles liquides
Les statistiques relatives aux combustibles liquides donnent le tableau suivant :

 

1933

1934

1935

1936

1937

1938

Importation

266.671

320.735

370.228

514.722

713.123

745.736

Exportation

251.405

290.997

379.825

545.061

716.987

723.795

Différence

15.262

29.738

- 9.597

- 31.739

- 3.864

21.941


45.000

45.000


L'examen de ces chiffres est éloquent.
En fait, la situation est la suivante :
La Shell a fait un immense effort et aurait fait disparaître Vacuum Oil qui, pendant les dernières années, s'était limitée à la réception et à la distribution des produits blancs.
Tout le monde s'accorde pour dire qu'une entente étroite existe maintenant entre le puissant trust et la plupart des sociétés installées à Dakar, particulièrement avec "Sénégal-Mazout", par conséquent, avec le Groupe de la Commerciale.
Certaines sociétés distributrices travaillent, en réalité, pour la Shell et les deux seuls dissidents qu'on m'ait signalés sont Atlantic (Atlantic Refining Cy Philadelphia), Stelline et encore cette dernière appartenant à Lille-Bonnières et Colombes, il est permis de supposer que la lutte est plus apparente que réelle.
Ces deux sociétés, comme la Shell d'ailleurs, reçoivent leur essence par lots de 400 tonnes, en fûts et en bidons.
A noter que les avions Dakar-Paris sont ravitaillés par la Shell, tandis que ceux qui vont à Natal reçoivent leur essence de Stelline.
La Shell a fourni jusqu'à 50.000 tonnes de mazout en un mois et "Sénégal-Mazout" a atteint 7.000 tonnes.
En 1939, une chute sera constatée par suite de l'abstention de trois grands paquebots italiens.
En revanche, certains navires de la Castle Line sont venus à Dakar cet hiver puis sont retournés aux Canaries. Pendant mon séjour, un navire de cet armement est cependant venu se ravitailler.
Nota. Les statistiques qui précèdent se rapportent aux produits noirs et blancs. Il n'a pas été possible de faire une discrimination entre les citernes terrestres utilisées pour les produits noirs et celles qui sont réservées aux produits blancs.
Le tableau suivant donne la part ridicule prise par le pavillon français au cours des trois derrières années dans l'importation à Dakar :

 

1936

1937

1938

 

Pavillon français

Pavillon étranger

335

514.328

41

703 082

692

745.082

Ce qui ne représente que quelques fûts et bidons

Totaux

514.663

703.123

745.736


Tels sont les chiffres qui m'ont été donnés par le chef du secrétariat de M. Fischer : ils sont éloquents.
Sans doute, dans ces statistiques ne sont pas comprises Ies cargaisons reçues par la Marine nationale parce que les bateaux qui les lui ont apportés sont des navires de guerre (transports pétroliers) comme le "Var", le "Loing", etc. II n'en reste pas moins que de tels chiffres devraient permettre, si le besoin s'en faisait sentir, d'obtenir une priorité pour les affrètements.
En revanche, l'exposé qui précède montre l'inutilité d'efforts pour exploiter un parc à combustible liquide, à moins d'une entente avec le groupe Shell.
Aucune gérance ne peut être espérée.

V. Arachides

Les exportations des arachides se mesurent comme suit :
De Dakar
1933 : 65.000 tonnes
1934 : 122.500 tonnes
1935 : 76.000 tonnes
1936 : 95.000 tonnes
1937 : 173.000 tonnes
1938 : 133.000 tonnes
Les récoltes de 1937 et de 1938 ont permis d'exporter respectivement 518.000 et 364.000 tonnes d'arachides en coque, dont Ies destinations ont été :


1937

1938

Marseille

139.000

84.000

Caronte

58.000

27.500

Nice

23.000

18.000

Algérie

4.000

‘'

Bordeaux

141.000

101.000

Le Havre

20.000

24.000

Rouen

21.000

16.000

Fécamp

81.000

74.000

Anvers

6.000

9.000


518.000

363.000

Les chiffres concernant les "décortiqués" sont :

Marseille

41.000

30.000

Caronte

1.000

9.000

Nice

‘'

3.000

Bordeaux

8.000

10.000

Rouen

1.000

1.500

Les arachides du Sénégal et du Soudan sont exportées de trois manières :
a) par les liners, qui se complètent en prenant des parcelles à Dakar,
b) par des tramps assez gros qui chargent uniquement dans ce port, mais aussi par la flotte nordique dont il a été parlé plus haut. Ces navires vont dans les rades et ports du Sénégal, mais surtout à Kaolock où ils prennent juste de quoi caler 3.40 m. pour passer la base du Saloum. Ils se complètent ensuite à Dakar, toujours en arachides car les diverses sont rares et prises par les liners.
On verra plus loin quelle est la part française dans ces chargements fluviaux.

Place de Dakar

Avant d'énumérer les agences maritimes, il convient de consacrer quelques lignes à deux ou trois maisons, dont la structure est plus ou moins complexe et qui prennent une grande place à Dakar.
Celle qui a le plus de tentacules, qui est la plus agissante, est la Socopao, dans le grand immeuble de laquelle sont logés tous ses alliés, associés et filiales. Il est fort bien placé, à 200 m. du bâtiment où se trouvent la direction et les services du port, à la même distance de la capitainerie du port et pratiquement aussi près qu'il est possible des môles 2 et 3, c'est-à-dire du quai d'escale (voir photo, annexe n°).
Sur un immense tableau fixé au balcon du 1er étage est la mention :
Société commerciale des ports africains (Socopao),
au-dessus de laquelle sont énumérées les sociétés suivantes :
- Compagnie française des charbonnages de Dakar,
- Société sénégalaise d'approvisionnement,
- Dakar-Soutes SA,
- Sénégal (Mazout) SA,
- Société des ateliers et chantiers de Dakar,
- Compagnie Delmas-Vieljeux,
- Société navale de l'Ouest,
- Gdynia Amerika Shipping,
- Soguina,
- Consulat de Finlande,
- Consulat de Pologne.
Son organisation peut se résumer dans le tableau suivant :

Socopao
Directeur général :
M. Beaussart

Socopao proprement dite
Directeur général :
M. Beaussart

Services

Manutention - diverses, charbon, arachide, poids lourds, 2 pontons-mâtures
Consignation de navires
Transit - nombreux camions et tracteurs
Magasinage - détenteurs d'un grand nombre de magasins et hangars sur les quais
Courtage d'affrètement et toutes affaires maritimes



"Sénégal Mazout"

Fournitures de combustibles liquides. Locataire de 5 réservoirs à terre. Propriétaire de stations de pompage, de pipe-line, de citernes flottantes, etc.



Société sénégalaise d'approvisionnements

Les Chargeurs réunis et Fabre y auraient une participation.


Compagnie française des charbonnages de Dakar (commerciale/100)

"Dakar Soutes"

Fournitures de charbon, d'eau. Détient le môle 8 et les terre-pleins avoisinants (Sud, parc de Dakar).
Possède 4 élévateurs "Ménada", de nombreux chalands, chalands- grues.
Remorqueurs : 3 dont un puissant "Nora"
Citernes à eau



Ateliers et chantiers maritimes de Dakar-

Slip. Grand atelier
Peinture et carénage des navires

M. Haffen est un homme jeune et considéré comme supérieur à son adjoint. Il a toute la confiance de M. Lemaignen, le roi du port de Dakar.
M. Beaussart est un capitaine au long-cours, encore jeune, qui passe pour être l'œil des Anglais dans le groupe et, pour cette raison, la mésentente règne entre son directeur général et lui.
Suivant les tendances de l'informateur, c'est M. Beaussart qui jalouse son chef, nommé récemment administrateur de la Socopao - ou bien c'est M. Haffen qui est ulcéré d'avoir en face de lui un homme qui, représentant de Wilson Sons & Cy, lui reproche de boucher les déficits des branches qu'il gère seul, avec les bénéfices réalisés par le département charbons "Dakar-Soutes".
Ce qui paraît certain, c'est que la Socopao perd de l'argent, malgré les quasi-monopoles qu'elle a et il n'y a que les soutes qui permettent de tenir.
Ce qui sûr aussi, c'est qu'à l'arrivée dans ce port de M. Lemaignan, toutes les administrations sort attentives et pleines d'égards pour lui... et pour ses demandes...
Il est piquant de signaler que le grand immeuble qui abrite les bureaux du groupe occupe un emplacement tel qu'il est impossible à Socopao de s'agrandir de la moindre cour, du moindre terrain pour y construire la plus modeste des dépendances, comme un garage, bien nécessaire cependant. C'est que la façade cerne l'aile gauche donnant chacune sur une rue, alors que l'aile droite et la face arrière sont limitées, au mètre près, par le plus beau terrain de Dakar, de 10 à 12.000 m2 et qui appartient à la Compagnie des messageries maritimes. J'ai lu quelque part que ce cadeau, modeste à l'origine, mais devenu royal, avait été fait par les pouvoirs publics aux Messageries impériales en 1865 sous la condition que leurs services viendraient faire escale à Dakar et non plus à Gorée.
Beaussart, probablement sur l'instruction de son groupe, a demandé, il y a un trois, à M. Dupenher, agent des Chargeurs réunis, si les nouveaux maîtres céderaient ce terrain mais il lui fut répondu que l'on ignorait l'achat des unes par les autres. La question fut transmise à Paris, qui fit savoir qu'on ne pourrait envisager que la vente totale et sans donner d'indication de prix.
12.000 m2 pour une société, et même pour un groupe, c'est beaucoup !
Suivant les personnes interrogées, ce terrain vaudrait 200, 250 ou 300 francs le mètre.
Les Établissements Maurel & Prom, la plus vieille maison de Dakar.
- propriétaires d'un très grand nombre de comptoirs, plus de 10 magasins de tous articles dans la seule ville.
- consignataires de MM. Maurel & Prom, armateurs, dont la flotte est constituée par les vapeurs "Montesquieu", "Tourny" et "Montaigne" ;
- exportateurs d'arachides et de gommes,
- boulangeries,
- fabricants de glace, ce qui doit être un monopole fort intéressant (et, cependant, la situation n'est pas donnée comme très brillante),
- entrepôt frigorifique.
MM. Maurel Frères
Paraissent bien les parents pauvres, bien qu'ils constituent la succursale, à Dakar, des Galeries Lafayette. Je ne pense pas qu'ils aient des liens avec la Banque mobilière marseillaise, mais je ne l'ai pas vérifié.
Ph. Delmas (Manutention africaine), importante maison qui est en train de tomber depuis la mort de M. Philippe Delmas. Les deux fils font ce qu'ils peuvent. L'un d'eux, Pierre Delmas, ancien élève de Polytechnique, dirige de Bordeaux. Il est fort intelligent, dit-on, mais ne réussit pas !
Son frère, Robert Delmas, a moins de qualités mais suit une politique très personnelle. Il est président du Syndicat d'initiative du tourisme en AOF.
Le plus beau fleuron de la couronne de cette maison était l'agence Paquet, qui a passé depuis quelques années dans les mains de Usima, constituée par :
- la Manutention africaine elle-même,
- Paquet
- et Baltivent.
Quand on connut la présence, à Dakar, de M. Jean Fraissinet, nouveau maître de Paquet, il n'y eut qu'un cri : Ça, va changer... Delmas... attention !
M. Charvin n'apprécie d'ailleurs nullement les méthodes de la Manutention africaine et s'en plaint, au point qu'il a demandé à M. L. Venture de reprendre ses bureaux et son activité dans l'immeuble Baltivent. À une question que je lui posais, il me répondit que son activité redoublerait en ce qui concerne les charbons, faisant allusion aux briquettes pour le chemin de fer et aussi aux quelques centaines de tonnes de boulets qu'il a pu arriver autrefois à placer.
La Maison Ph. Delmas s'occupe :
- de manutentions,
- de vente de charbons,
- de consignations,
- de transit,
- de transports.
Elle représente la Maison Renault ; elle a gardé une faible partie de ses ateliers et s'occupe toujours de réparations de navires.
Elle porte la plaque de la Compagnie marocaine des carburants et correspondant de LiIle-Bonnières et Colombes.
Banque belge d'Afrique (boulevard Binet-Laprade). Se trouve être l'agent, je ne sais trop pourquoi de deux grands armements italiens :
"Italia", "Lloyd Triestino".
Société des messageries africaines et messageries du Sénégal - (boulevard Binet-Laprade).
Agents de la Société générale de transports maritimes à vapeur.
II sera question de ces sociétés lors de l'étude du cabotage.
Elder Dempster Lines Ltd (boulevard Pinet-Laprade).
Représente à Dakar les navires des armements suivants :
- Elder Dempster Lines,
- Compagnie des messageries belges,
- The Prince Line,
- Alfred Holt & C°,
- Royal Mail Lines,
- The Canadian Pacific C°.
Les Anciens Établissements Ch. Peyrissac & Cie, 42, allées d'Orléans à Bordeaux, représentent les armements suivants :
- Holland West Afrika Lijn,
- Holland Afrika Lijn,
- Holland Australia Lijn,
- Nederland Stoomvaart Maatshaapij,
et, en outre, un grand nombre de sociétés, parmi lesquelles :
- la compagnie d'assurances "Le Nord Guardian",
- la Société des ciments du Boulonnais,
- les Bitumes de la Standard française des pétroles,
- l'Atlantic (Atlanta Refining Cy. Philadelphia),
- la Compagnie de fabrication des compteurs (appareils de TSF),
- etc.
Ils ont de nombreux magasins, divisés, comme tous les comptoirs de Dakar, en deux catégories : ceux qui vendent de la pacotille pour Européens (chapellerie, modes, confections de toutes sortes) et ceux dans lesquels on ne trouve que des objets pour indigènes.
Établissements Buhan & Tessière, qui ont des magasins particulièrement achalandés et l'agence de :
- Woerman Linie,
- et de la Seal.
Les navires de cette dernière font assez régulièrement escale à Dakar (la fréquence annoncée au départ d'Oslo est d'un navire toutes les six semaines), et débarquent des ciments pris en Norvège, à Anvers et en France, des fers ouvrés, des matériaux de toutes sortes. Ils font donc concurrence aux trois armements français placés sur ce trafic mais il faut croire que le danger n'est pas très grand puisqu'on n'entend parler d'aucune lutte.
Les bateaux de la Seal visitent parfois les autres ports de la côte occidentale d'Afrique, singulièrement Conakry ; quand ils font cette escale, le tonnage débarqué est abondant mais l'éventualité en reste assez rare.
Nosoco (Nouvelle Société commerciale africaine), fait la consignation, le commerce des arachides et possède des magasins bien achalandés.
Compagnie FAO (Française de l'Afrique occidentale), qui représente l'Osaka Shoshen Kaisha, et qui passe pour une des plus riches de Dakar.
En fait, ses hangars sur les quais, ses magasins de vente, ses camions servant au transit sont nombreux, et on ne fait pas un pas dans la ville sans avoir le témoignage concret de son activité. Mais elle est loin d'avoir obtenu les faveurs du port comme Socopao et, il faut bien le reconnaître, son activité dans les industries maritime ne date que d'hier.
Alcantara - rue Descenet, n'est, à vrai dire, qu'un shipchandler, mais il représente la Compania Colonial de Navigaçao et il est l'agent maritime du gouvernement de la colonie du Cap-Vert, qui possède plusieurs petits vapeurs pour assurer la liaison et les services de la poste, etc.
Smith & Kraft, boulevard Pinet-Laprade. Puissante maison de commerce, aux branches multiples, qui est l'agent des West America Lines (Berber).
J'ai gardé pour la fin :
Les Chargeurs réunis (avenue Albert Sarraut) près du point central constitué par la belle place Protet. L'hôtel en est resté pendant des années, un des beaux immeubles, une des belles installations de Dakar et il est certain que la maison occupée par Socopao, dont le goût est douteux, ne peut lui être comparée. Déjà un peu vieillot, perché au fond, ou plutôt, en haut d'un jardin en pente légère, il donne sur une des plus belles artères de cette ville prétentieuse.
Son directeur, M. Dupenher, est un gros homme, mondain, souriant, accueillant et très curieux de ce qui se passe à Paris, au boulevard Malesherbes. M. Nicol, qui est passé il y a relativement peu de temps, ne lui a pas fait la moindre allusion à l'affaire des Messageries maritimes. En ayant eu vent par l'extérieur, il a posé une question à ce sujet à M. Francis Fabre, venu récemment visiter l'agence mais il lui a été répondu que tous les racontars à ce sujet étaient exagérés, que les Chargeurs réunis s'étaient contentés d'une part très modeste puisqu'ils n'avaient que quatre fauteuils au conseil (!!!). La conversation se terminait par une invitation à la discrétion.
Je tiens ces détails de M. D. lui-même, quand il voulut atténuer l'étonnement que m'avait causé une allusion que je lui avais faite au magnifique terrain, unique en son genre à Dakar, que son groupe possède. Il m'avait répondu si spontanément et avec un tel ton : « Mais c'est aux Messageries maritimes » que je ne pus m'empêcher de lui dire : « J'entends bien mais c'est à vous maintenant de le gérer ».
L'agence des Chargeurs réunis (nous dirions la succursale) a la consignation de la Compagnie générale de navigation Fabre; de la Compagnie de navigation Fraissinet et naturellement de la CTMAOF (Conakry) - ligne bananière.
M. D, davantage au courant de l'achat, par Fraissinet, de la Compagnie Paquet, semble bien espérer avoir l'agence de celle-ci à Dakar. Cette éventualité est probable, étant donnée l'insuffisance des jeunes Delmas. Le fait que M. Charvin, directeur de la Compagnie Baltivent, va, d'accord avec Venture, se retirer de Usima, semble bien le prouver.
M. D. est secondé par un capitaine au long-cours, ancien commandant, quoique jeune encore, des Chargeur réunis et tous deux jouissent d'une excellente réputation.
L'activité doit être considérable car il y a à s'occuper de la ligne aéronautique M/me [pour Messageries maritimes ?], dont il y a un départ tous les jours.
Les appareils amphibies, dont une partie appartient au type Caudron-Goëland sont très appréciés et le nouveau service aérien semble appelé à réussir. Quant à savoir ce qu'il peut rapporter, je n'ai pu y arriver; mes efforts d'ailleurs n'ont pas été poussés, bien que j'aie été, à plusieurs reprises, reçu par le lieutenant-colonel Thobie, adjoint au colonel Pelletier d'Oisy, chef du service aéronautique militaire de l'AOF. Il suffira de rechercher le montant de la subvention.
Aux Chargeurs, on est très fier de ce que depuis 15 à 18 mois que le service est ouvert, il n'y a pas encore eu le moindre accident.
Cette rapide énumération n'est pas limitative car elle ne comprend que des établissements dont l'activité touche une branche maritime.
L'annexe ... donne, avec les armements, la liste des navires qu'on voit passer à Dakar. En y supprimant les liners, il reste la liste des sociétés de tramping qui fréquentent plus ou moins le port de Dakar.
La documentation qui précède doit être de nature à donner une idée de la manière dont les jeux sont faits actuellement à Dakar et des difficultés qu'un nouveau venu trouverait pour prendre place parmi :
- les propriétaires de dépôts de charbon,
- les propriétaires de dépôts de combustible liquide,
- les consignataires, manutentionnaires, transitaires,
ces derniers étant d'autant plus nombreux que l'institution de courtier maritime n'existe pas encore. Beaucoup de grandes maisons se sont improvisées agents maritimes, voire courtiers de fret.
Ces difficultés se résument ainsi :
Pour un dépôt de charbon
1° - personnalité des propriétaires du seul dépôt existant à Dakar,
2° - diminution progressive de la demande, à moins de conflit,
3° - manque de place pour le stockage, d'où obligation d'avoir recours à une flotte de petits bateaux auxiliaires qu'il faudrait importer à grands frais, à supposer qu'on obtienne, l'autorisation de l'administration,
4° - pénurie des postes à quai pour l'amarrage des navires qui viennent se ravitailler,
5° - en conséquence du 3°, obligation d'avoir, non seulement des chalands mais des appareils flottants, munis de grues pour l'embarquement du combustible.
En conséquence aussi des 3° et 4°, obligation d'avoir des engins relativement modernes, tels les élévateurs du type Menada ou autres, qui sont actuellement utilisés par la Socopao.
Or, je suis convaincu qu'on ne trouverait pas d'élévateurs d'occasion et qu'il faudrait les payer, en Hollande, 7 à 8 millions, à l'état neuf.
6° - A ces inconvénients, il faut ajouter les difficultés qu'il y aurait pour remorquer de tels apparaux à Dakar. En temps de paix, ce serait désastreux au point de vue économique et financier ; en temps de guerre ce seraient des risques énormes qu'on courrait et qu'il faudrait couvrir.
Pour les combustibles liquides
La place ne manque pas pour les ravitailleurs. Des réservoirs pourraient être obtenus en location ; seuls des citernes flottantes seraient nécessaires pour le ravitaillement des navires qui sont maintenus en rade intérieure ou en rade maritime, faute de places à quai.
Mais il y a la Shell qui y est puissamment installée et "Sénegal-Mazout", qui a un accord étroit avec elle, au point qu'en ce qui concerne les produits noirs ce sont, parait-il, les mêmes ravitailleurs qui alimentent les deux établissements.
Pour les consignations, transit
La liste des agents consignataires, d'une part, des armements qui ont affaire à Dakar, de l'autre, doit pouvoir montrer ce qu'il est possible de faire. Pas assez pour tenter une création, tant que nos sociétés filiales n'iront pas fréquemment à Dakar. Or, si des escales des bateaux de Nochap peuvent être envisagées à leur retour de Madagascar, le nombre en sera restreint, et encore bien plus celui des unités qui pourront emprunter, à l'aller, la voie du Cap.
Il convient cependant d'examiner si les modifications projetées au port de Dakar sont de nature à augmenter les facilités et ceci m'amène, tout naturellement, à l'étude des projets.

Projet d'agrandissement du port

Dans ce chapitre, je ne pourrais que répéter, sans pouvoir affirmer leur exactitude, les renseignements qui courent dans les différents milieux. Le fait, maintes fois contrôlé, que les précisions qu'on entend sont contradictoires, suivant qu'elles viennent des ingénieurs des ponts participant à la direction du port de Dakar, des officiers de/ou de la Marine, des personnalités de la Chambre de commerce, des grandes entreprises, etc., est bien de nature à prouver l'hésitation des pouvoirs publics, bien que les travaux soient déjà en route.
En réalité, il y a deux points de vue qui se gênent, d'ailleurs financièrement seulement.
Le point de vue militaire, celui qui tient compte des besoins qu'auront les flottes de haute mer franco-britannique de stationner en un point abrité, à peu près à égale distance des extrémités des Atlantiques, au cas très possible, cette fois, où une flotte italo-allemande aurait pu prendre le large pour écrémer les mers.
Le point de vue commercial, qui conduit à la construction, le plus rapidement possible, de nouveaux môles avec de nouveaux postes à quai, abrités autant et mieux que ceux qui existent.
Je dis "autant et mieux" car, avec les vents de N.I. qui règnent pendant de longs mois, il y a parfois un clapotis gênant dans les bassins de la partie sud, au point qu'une adjudication est annoncée pour l'établissement d'une panne au milieu du port, destinée à "casser" ce clapotis (panne pare-clapotis, dit-on à Dakar).
La constitution d'une rade-abri pour une puissante flotte serait réalisée par la construction d'une jetée (voir annexe n°4 bis) prenant naissance à la racine de l'actuel môle 8, dirigée vers le S-O pour suivre les meilleurs fonds, et se relevant vers l'E.N.E. pour la même raison, au voisinage de l'Ile de Gorée où elle aboutirait.
A l'heure actuelle, la partie pleine est construite. Le travail total doit avoir de 16 à 1.300 m. Je n'ai aucune indication sur le prix traité (qui doit être accompagné d'ailleurs de formules de correction). Elle est construite par la Société des travaux du port (Compagnie générale des colonies).
Cette digue d'ailleurs, au moins à partir de l'amorce du nouveau môle (visible sur le plan annexe n°8) serait au raz de l'eau puisque son unique but serait d'empêcher la mer et l'ennemi d'entrer.
Il semble donc que ce projet militaire soit décidé. Ce n'est pas bien sûr cependant car ce qui a été fait jusqu'à maintenant serait nécessaire, même si on devait finalement s'en tenir à un agrandissement du port de Dakar.
Pour compléter la fermeture de cette magnifique rade, une deuxième jetée, faite sur les mêmes principes que la précédente serait construite au nord de la pointe de Bel-Air, aux environs de Gorée.
(A noter que le croquis de l'annexe ... est erroné, la digue en question devrait être orientée O.E. dès sa naissance, afin de profiter des fonds de 8 m. qui s'étendent jusqu'à 4 ou 500 m. de la pointe : elle serait rabattue ensuite vers le sud et, de cette manière, on augmenterait la surface du plan d'eau, tout en faisant des économies.)
Partout d'ailleurs dans cette rade assez vaste, et assez sure pour abriter les escadres françaises et toute la Home Fleet, la profondeur dépasse 15 m. (l'amplitude de la marée ne mesure que 2 m. 80 aux vives eaux).
J'ai pu aller sur place, avec un remorqueur, voir travailler l'Entreprise des travaux du port et on est frappé de la vitesse dont le travail est mené, bien que sur la longueur actuellement construite, la jetée ait la hauteur convenant à un quai de port de commerce, soit 4 m. environ au-dessus de l'eau.
Et maintenant, les potins : le bruit court que la constitution de la rade est demandée instamment par le gouvernement britannique qui accepterait... de contribuer aux frais... !
L'amirauté française ne voit que des avantages à la réalisation de ce magnifique abri, mais elle prétend qu'elle ne peut diminuer son programme de construction, et comme son budget est déjà très lourd, elle ne croit pas pouvoir demander et obtenir la somme considérable nécessaire pour mener à bien ce travail.
De son côté, l'AOF ne peut, un seul instant, songer à distraire de son budget une somme astronomique; je ne sais même si elle entend y participer, malgré le bénéfice qu'en cas de conflit, la ville de Dakar trouverait dans la présence de milliers de marins.
Le ministre des Colonies est en pourparlers avec la Marine, mais l'impression à Dakar est plutôt que ce programme restera en panne. Il faut voir avec quelle insistance des hommes contre le commandant du port demandent à ceux qui passent de faire de la propagande, de s'adresser aux parlementaires qu'ils connaissent pour les convertir à la nécessité de la rade. Et ce même capitaine au long-cours, qui n'est point militaire, ni stratège pour un sou, déclare que si on fait enfin le grand travail, l'agrandissement du port devra s'imposer coûte que coûte, avant peu, et sera réalisé dans des conditions très améliorées. On aurait donc tout !
Mais l'argent ?
L'extension du port de commerce comprend la construction d'une jetée perpendiculaire à celle dont nous venons de parler (môle 8 - Gorée) à quelque 500 m. (où on est précisément) de l'origine. Cette jetée, orientée vers le 30, aurait la largeur voulue pour atteindre en latitude la hauteur du musoir sud d'entrée du port.
D'autre part, une nouvelle jetée serait élevée qui formerait avec la digue nord actuelle un Y au point où elle quitte la direction 135 (voir annexe) ; elle s'incurverait ensuite vers le sud pour venir au devant de la construction précédente.
Je n'ai pas vu de plan complet mais on parle, au nord, de la création d'un nouveau bassin pétrolier et au sud de 2 môles (l'actuel quai d'escale constitue cette demie) avec 5 postes chacun.
On voit que l'exécution d'un des projets ne saurait gêner l'autre et que seule la question financière est en jeu.
On ne peut d'ailleurs s'empêcher de songer à quoi servirait cette rade incomparable et les millions qu'elle aurait coûtés, si les nuages disparaissaient et le conflit mondial repoussé "sine die".
Quoi qu'il en soit, et c'est la conclusion qui nous importe le plus, ce n'est que dans un temps certainement long que des nouveaux quais, môles et postes d'accostage peuvent être créés. En attendant, les compagnies à passagers, d'une part, la Shell et la Socopao, d'autre part, continueront à s'occuper la quasi-totalité des emplacements actuels.

Armement

La seule branche d'activité, dans le domaine maritime qui, jusqu'ici, n'ait pas été examinée, est l'armement proprement dit.
Je passerai sous silence les liens de l'AOF avec la métropole : la place est prise et il ne peut être question de se fourvoyer dans un trafic où, en définitive et malgré un pool, les compagnies de navigation, exploitant des cargos, n'ont trouvé que des déboires.
M. Jean Fraissinet prétend que la Côte d'Ivoire va être d'une richesse telle qu'il va procéder à une étude complète après l'hivernage, en janvier prochain, mais le trafic qu'il y trouvera ne sera jamais qu'un complément.
Une allusion sera faite plus loin à la Nochap, mais il convient de signaler qu'au cours d'une conversation que j'ai eue avec M. Fischer, celui-ci, autant pour essayer de trouver l'aide dont il a besoin pour l'évacuation sur Dakar des arachides de Joal, Guirnda, Fondiougne et Kaolak que pour couper court aux questions que, de mon mieux, pour ne pas paraître indiscret, je lui posais au sujet des activités relatives au ravitaillement des navires, particulièrement en combustibles liquides, me vanta les résultats qu'aurait l'exploitation d'une ligne de cabotage entre les ports du Saloum et Dakar.
A ce moment déjà, j'étais suffisamment édifié sur les difficultés d'un tel trafic que j'émis un doute et je lui demandais quelles protections pourraient être accordées à des caboteurs français pour leur permettre de lutter contre la flotte scandinave, dont le coût d'exploitation est moins élevé, avec cette circonstance aggravante que les transports de cabotage déterminaient un transbordement qui n'existait point pour les nordiques. L'argument de la différence des charges était mauvais car, avec les navigateurs noirs, on doit avoir une exploitation bon marché, mais il ne fut pas relevé. Eh revanche, M. Fischer me déclara que rien ne devait être plus facile que de trouver une solution : le gouvernement général avait intérêt, en effet, à avoir une flotte française de cabotage pour ne pas être pris au dépourvu en temps de guerre (je ne peux m'empêcher de penser, une fois encore, aux chalands Mihanovich : l'histoire de leur séjour à Dakar devient lumineuse) et très aimablement, il me donna une recommandation pour les services économiques de la Circonscription de Dakar (!).
Je ne le quittais pas sans faire allusion aux situations acquises aux Messageries du Sénégal, qui paraissent bien outillées, mais l'avis du directeur du port est qu'il y a place pour d'autres armements.
Je ne le partageais point mais il me fallait poursuivre l'enquête, et c'est ainsi que j'ai réuni les renseignements qu'on trouvera plus loin et qui ne m'ont pas converti.
S'il y avait eu une occasion d'aller par mer à Kaolak, j'en aurais profité sans hésiter, car j'aurais glané des précisions, peut-être utiles, pour le trafic des briquettes de Hongay. Mais il m'a paru inutile de faire un voyage par fer, pour visiter un port qui est constitué par un seul quai le long de la rivière, avec un terre-plein où se trouvent les "seccos".
En revanche, j'allais voir M. Calvel, fonctionnaire consciencieux et froid mais qui, une fois dégelé, montre tout l'intérêt qu'il apporte à la prospérité de Dakar.
Il partage mon avis sur le peu d'intérêt commercial que présente l'exploitation d'une flotte de cabotage entre le Saloum et le port chef-lieu. Il considère que l'"handicap" constitué par les Scandinaves et les Français hauturiers qui vont à Kaolak est certain, que la protection est problématique, qu'elle ne saurait jouer, en tous cas, contre le pavillon français.
Par contre, il préconise un cabotage plus étendu, allant du Sénégal aux limites de l'AOF, voire de l'AEF, mais cela est une autre histoire !
M. Calvel paraît avoir raison quand il se préoccupe des navires français hauturiers. Voici, en effet, la liste de ceux qui sont allés à Kaolak dans les derniers mois. (La longueur doit en être inférieure à 100 m. pour tourner en rivière et le tirant d'eau à 3 m. 40 pour passer la barre du Saloum).

Navires

Armements

Tonnage brut

Construits

"Bourges"
"Acturus"
"Capitaine-Le-Bastard"
"Capitaine-Luigi"
"Oued-Fez"
"Bamako"
"Montaigne"
"Tourny"
"Montesquieu"

Delmas Vieljeux
Compagnie Paquet
Union industrielle et maritime
Union industrielle et maritime
Compagnie Paquet
Compagnie Paquet
Maurel & Prom
Maurel & Prom
Maurel & Prom

2.910
2.535
3.176
3.176
2.638
2.356
2.770
2.969
3.324

1919
1914
1924
1922
1913
1930
de 1930
de 1920
de 1922

Les trois derniers vapeurs ont été construits pour ce trafic et font incessamment les voyages de Kaolack.
Voici, d'autre part, quelques-uns des navires étrangers qui participent, plus ou moins régulièrement, à l'enlèvement des arachides dans les ports du Saloum.

Navires

Armements

Tonnage brut

Construits

"Navarra"

"Snefjeld"

"Rita"

"Jernfeld"

"Ulla"

Compagnie Transmediterranea - Barcelone
Haral Grieg Martens
- Bergen
Det Forenende

Haral Grieg Martens
- Bergen
Transmaria

2.118

1.644

1.753

1.369

1.845

1921

1901

1922

1917

1920

À cette flotte s'ajoutent les unités des Messageries du Sénégal".
Cette société est dirigée et administrée par le même groupe que les Messageries africaines, mais alors que celle-ci exerce son activité principalement sur le Niger, celle-là borne la sienne au cabotage de la Sénégambie et de la Casamance.
Les Messageries du Sénégal sont constituées par la Socopao, la Société industrielle et agricole du Haut-Ogoué, les Messageries africaines (groupe Bégonën). M. Moreau-Néret en est le vice-président délégué.
Elles possèdent :
- 1 vieux vapeur, le "Cap-Lopez", à fond plat, pouvant passer en tout temps la barre du Sénégal (2 m. 50) et portant 400 T d'arachides ou 1.200 T de briquettes.
Il peut embarquer quelques passagers.
-1 petit vapeur à passagers, qui fait Dakar-Saint-Louis, le "Gouverneur-Ponty",
- 2 grands chalands de 1.200 T, "Beaujolais" et "Nivernais",
- 2 petits chalands de 300 T,
- 3 à 4 remorqueurs.
Elles exploitent des services qu'on peut, à la rigueur, répartir en trois catégories :
1° le trafic Dakar-Kaolack et vice-versa, en touchant quand nécessaire ou opportun à M'Bour, Joal, Guinda, Foundiougne, Kamatra, ces trois derniers sur le Saloum,
2° - en toutes saisons, le trafic Dakar-Saint-Louis et le fleuve Sénégal (partie aval).
Pendant les 5 à 6 semaines de hautes eaux qui correspondent d'ailleurs, 1er/15 juillet-15 septembre - le "Cap-Lopez" dépassant Podor, Boghé, Kaedy, Natam, Bakel, remonte jusqu'à Kayes, à plus de 700 km de Saint-Louis par le fleuve.
3° Dakar-Zaguinchor et la Casamance.
En ce qui concerne le premier trafic, il convient de noter que les Messageries du Sénégal peuvent y affecter les chalands aussi impunément que le "Cap-Lopez". C'est le pays de l'éternel beau temps, sauf tornades de l'hivernage, qui n'ont lieu que lorsque le trafic est suspendu.
II n'y a aucune comparaison possible entre le tonnage qu'on peut trouver à l'aller et l'abondance fournie par l'arachide au retour.
Le tableau suivant donne une idée de cette abondance :

 

1933

1934

1935

1936

1937

1938

Kaolak

164.000

208.000

146.000

181.000

243.000

173.000

Fondioune

66.000

76.000

50.000

58.000

94.000

55.000

Rufisque

27.000

23.000

27.000

38.000

51.000

26.000

et si des mesures de protection étaient prises en faveur du pavillon français, ainsi que le préconise M. Fisher, le tableau suivant montrerait la part qu'il prendrait à l'étranger pour le seul port de Kaolack.


1936

1937

1938

Arachides

Pavillon

français

Pavillon

étranger

Pavillon

français

Pavillon

étranger

Pavillon

français

Pavillon

étranger

En coques

24.000

139.000

46.000

172.000

27.000

128.000

Décortiquées

1.000

3.000

1.500

7.000

5.000

12.000

Le fret actuellement appliqué par les caboteurs est de F 30 la tonne de bord à bord, de Kaolack à Dakar. A ce handicap, par rapport aux navires hauturiers qui prennent le même taux de fret de Kaolack que de Dakar, il convient d'ajouter : la taxe d'embarquement payée à Dakar, F 4.40 la tonne ; le coût de la double manutention dans ce port de transbordement, soit F 12 ; total F 46.40.
À la vérité, ce chiffre n'est pas atteint car les caboteurs jouissent déjà des avantages suivants :
- exonération des frais de pilotage à la condition, facile à remplir, de se passer effectivement du pilote,
- soit F 550 - entrée et sortie à Foundiougne
- soit F 700 - entrée et sortie à Lyndiane
- soit F 700 - entrée et sortie à Kaolack.
Etc. voir annexe.
À Kaolack F 300
À Dakar 0,11 par tonne nette.
Exonération des taxes d'amarrage, soit à Dakar F 50
des taxes d'amarrage lors d'un déplacement, soit à Dakar F 100
La distance Kaolack-Dakar est de 125 milles, se répartissant ainsi :
- Dakar-banc de Sang Omar : 62
- Banc-entrée du chenal : 3
- Entrée du chenal-Foundiougne : 28
- Foundiougne-Kaolack :32
125 milles
soit deux jours aller-retour et un jour de chargement (400 T) pour un "Cap-Lapez" ou un chaland de 1.200 T de portée. En tout, 3 à 4 jours.
Tout le monde s'accorde à dire que les Messageries du Sénégal gagnent de l'argent, mais j'ignore la part, dans ce gain, qu'il faut attribuer à chacune des navigations dans la Saloum, dans le Sénégal et dans la Casamance.
D'autre part, il faut noter que le matériel flottant est depuis longtemps amorti et que l'expérience de cette société remonte à bien des années.
Une telle exploitation ne ressemble en rien à celles que nous connaissons, elle serait pour nous complètement excentrée et demanderait, au préalable, une étude longue et complète, à faire en deux temps :
- d'abord, pendant la belle saison, c'est-à-dire du 15 septembre au 15 juillet,
- ensuite, pendant l'hivernage, soit entre le 1er-15 juillet et le 15 septembre.
D'ores et déjà, il faut savoir que le capitaine et le chef-mécanicien doivent être blancs, à l'exclusion de tout autre homme de l'équipage.
En effet, aucun noir - ou c'est bien rare - ne possède les qualités nécessaires pour commander, pour prendre une responsabilité, pour avoir de l'autorité sur ses semblables.
Si, d'autre part, il existe à bord un seul blanc en sous-ordre, les noirs s'enquièrent de son salaire et exigent le même sous menace de débarquement.
Les indigènes qui font le métier de la mer sont plutôt des navigateurs que des marins, ce sont des Ouolofs grands enfants qui, s'ils ne sont pas commandés, amarrent le bateau n'importe où dans le fleuve pour courir, naguère, au bruit du tam-tam, auquel ils ont maintenant assimilé le "palabre" politique.
Avec ces précautions, les autorités n'étant point exigeantes en ce qui concerne les effectifs, l'exploitation des bateaux sera bon marché. Mais le nouveau venu devra trouver, au préalable et faire conduire dans la région le matériel flottant d'occasion qu'il aura acheté à un prix assez bas pour se trouver en bonnes conditions. Sans doute, du point de vue technique, l'idéal serait la mise en ligne de petits bateaux à moteur, à deux hélices, pour avoir, à égalité de portée, moins de tirant d'eau et qui remorqueraient 1 ou 2 chalands, de même capacité que lui : 1.000 à 1.200 T. Mais un tel matériel coûterait trop cher pour tenter une telle aventure.
Les lignes sur le Sénégal et la Casamance ne se comprennent que pour un armement qui exploiterait déjà le Saloum. Sur le Sénégal, les taux de fret pratiqués pendant six semaines pour la pacotille de Dakar ou Saint-Louis à Kayes atteignent F 500 la tonne. Mais il ne s'agit que de deux voyagea au maximum et le Bas-Sénégal, navigable le reste de l'année, n'offre point de tels prix.
Au surplus, contrairement à ce qui se passe dans le trafic du Saloum, c'est le fret de montée qui est le plus abondant pendant les deux mois que durent les possibilités de navigation dans le Haut-Sénégal. À la descente, il n'y a que des laines, des gommes, des cuirs et, naturellement, quelques arachides.
La 3ème relation Dakar-Zinguichor présente les caractéristiques suivantes :
- distance Dakar-Zinguinchor, 140 milles, dont 126 jusqu'à la barre de Diogué.
La Casamance permet aux navires de moins de 5 m. de remonter jusqu'à Zinguinchor.
Les totaux des marchandises manutentionnées dans ce port sont indiquées ci-après !

1933

45.000

1934

50.000

1935

75.000

1936

76.000

1937

77.000

Mais les exportations d'arachides représentent :

1933

37.000

1934

42.000

1935

43.000

1936

58.000

1937

55.000

ce qui laisse, pour les entrées et sorties des autres marchandises diverses, y compris les combustibles :

1933

8.000

1934

8.000

1935

32.000

1936

18.000

1937

22.000

Outre les Messageries du Sénégal, participe à ce cabotage inter-colonial de l'AOF, la Compagnie Paquet, qui assure les liaisons (poste, messageries, etc.) avec un petit et vieux vapeur, l'"Oued-Grou", moyennant une subvention mensuelle du gouvernement général de F 20.000.
La Compagnie Paquet, outre l"Oued-Grou" entretient, dans le trafic du Sénégal, l'"Arcturus", l'"Oued-Fez" et le "Bamako".
De ce qui précède, il ne semble pas qu'une entreprise de cabotage présente, dans une telle région, un intérêt suffisant pour risquer une aventure.
Peut-être en serait-il autrement si elle devait constituer la suite d'une ligne hauturière venant de France, isolée comme elle le serait, ne pouvant profiter que très insuffisamment de notre organisation commerciale et technique, nous mettant dans l'obligation d'installer, à Dakar, un organisme central lourd et coûteux avec, comme perspective, l'exploitation d'un trafic qui ne peut être rémunérateur qu'au fur et à mesure que l'habitude du pays est bien prise : elle ne mérite certainement pas qu'on tente un tel effort et qu'on risque le sacrifice nécessaire.
Peut-être aussi en serait-il autrement si, au lieu de s'en tenir à une exploitation quasi-locale, comprenant les quatre fleuves voisins : Sénégal, Saloum, Gambie (!), Casamance, on l'étendait jusqu'au golfe du Bénin pour faite toute l'AOF et même jusqu'à Pointe-Noire, pour y comprendre l'AEF. Mais alors, les inconvénients cités plus haut subsistent avec un coefficient d'augmentation considérable et une telle étude demanderait plusieurs mois.
Au surplus, une telle entreprise ne se comprendrait que juxtaposée à celle du Niger, où se trouvent déjà installées les Messageries africaines.
En somme, pour le cabotage côtier, le nouveau venu trouverait devant lui les compagnies hauturières, particulièrement la Compagnie Paquet, dans le Niger, les Messageries africaines avec tous les moyens que je résume ci-après :
Lignes :
Bamako-Karkoy
Bamako-Korsso
Koulikovo-Ansoqo (Ansoqo-Niamey)
Fleuves Bani et Milo.
Matériel :
- 5 vapeurs : "Mage","Tombouctou", "Gallieni", "Bonnier", "Sikasso",
- 13 remorqueurs à vapeur,
- 8 remorqueurs diesel,
- 175 chalands pour 6.700 tonnes.
Une étude d'une telle exploitation demanderait une mission de plusieurs mois et, si j'osais dire ma pensée, je dirais d'une année, en deux fois.
Rien ne va vite dans cette région, sauf les avions, mais ce n'est pas sur ce moyen de transport qu'il faut compter pour aller visiter tous les points qui peuvent intéresser cette exploitation.
Je n'insiste pas car il n'est pas entré un seul instant dans mon esprit que la Maison Worms puisse avoir le désir de réaliser un tel projet.
II n'en reste pas moins qu'en cas de conflit, les navires des armements auxquels nous nous intéressons souffriront, autant qu'il est possible de l'imaginer, si la Maison Worms n'est pas représentée directement à Dakar.
Or, si aucune création n'est possible sans sacrifice très lourd et peut-être inutile, il reste la solution de lier partie avec quelqu'un chez qui nous aurions un représentant.
La proposition que peut faire M. Venture en vaut une autre et son représentant à Dakar, M. Charvin, semble jouir d'une bonne réputation, tant au point de vue moral que commercial.
Il serait peut-être nécessaire, cependant, de s'entourer de plus de garanties et je crois qu'il serait possible de se renseigner sur sa personnalité d'une façon plus complète que je n'ai pu le faire.
M. Brice en particulier - à qui je n'ai rien dit à ce sujet - pourrait être parfaitement chargé par M. Rigal d'interroger des personnes autres que celles à qui je me suis adressé.
M. Charvin est actif et débrouillard et on peut chercher à utiliser une énergie qui manquera d'aliment quand il aura quitté Usima.
A vrai dire, Baltivent n'a pas beaucoup de cordes à son arc car, à la question précise que je lui ai posée, M. Charvin reconnaît - comme je l'ai dit plus haut - qu'il ne peut compter que sur la vente des charbons au chemin de fer, sans mentionner les quelques centaines de tonnes de boulets qu'il a pu livrer autrefois pour les foyers domestiques, notamment, lesquels représentent d'ailleurs à Dakar bien peu de chose.
L'immeuble Baltivent, un peu original, est parfaitement situé sur le boulevard Pinet-Laprade, presque en face de la mairie et à 100 m. des boulevards qui longent les quais.
Une autre solution consisterait à lier partie avec les Chargeurs réunis et, en conséquence, à leur donner en consignation, dès maintenant, les navires de Nochap, qui vont à la Compagnie française des charbonnages de Dakar.
J'ai cru devoir consacrer quelque temps à examiner la situation foncière :
- sur les quais, point de maisons disponibles,
- sur le boulevard maritime qui borde la partie sud du port, point d'immeubles ni de terrain, sauf en arrière, mais à une distance raisonnable, le magnifique lot des Messageries maritimes dont j'ai parlé plus haut.
Le long du boulevard qui longe la Marine, le chemin de fer forme une barrière d'une largeur considérable.
Le boulevard nord possède peut-être quelques terrains mais point d'immeubles.
Au-delà, au contraire, dans l'angle nord du port, les lots disponibles apparaissent et deviennent de plus en plus nombreux, au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la ville. Ils sont d'ailleurs très suffisamment près des lieux des travaux pour les bureaux d'entreprises de travaux publics et autres industries dont un personnel plus ou moins nombreux a besoin d'être sur les quais, mais ne seraient avantageux, pour une société maritime, que si elle avait affaire en même temps au sud (commerce général) et à la jetée nord (combustibles).
Le terrain vaut actuellement dans les 20/25 F et 30 F le m2 dans cette région, suivant qu'il est plus ou moins près du port et qu'il donne plus aisément sur une voie de dégagement.
Tous les bureaux qui étaient sur le plateau sont invités à déménager pour l'an prochain, de sorte que l'on s'attend à une montée des prix qui ne fera que suivre celle des années précédentes.
Ne trouvant aucun immeuble à vendre, a priori, et sachant que 90% des affaires foncières sont réalisées par le Crédit foncier de l'ouest africain, je suis allé voir son directeur, M. Isambert qui, ayant habité Bordeaux, connaît notre Maison.
De tout ce qu'il m'a montré, un lot paraît sortir de l'ordinaire. Il se trouve situé près de l'Hôtel de Ville, donne, d'un côté, sur le boulevard qui longe les quais ; de l'autre, sur le boulevard Pinet-Laprade ; un côté est sur la rue de l'administration; l'autre est prolongé par un grand terrain d'angle qui borde l'avenue Canard.
Il comprend une villa (voir plan et photo) du vieux style colonial, qui servait naguère de logement au CFCA.
Un immeuble, genre factorerie coloniale, au rez-de-chaussée duquel se trouve un magasin et, au 1er, onze chambres, exploitées en pension de famille (sans repas, comme on en trouve dans la région).
Les deux constructions, séparées par un intervalle de quelques mètres et prolongées par des cours constituant ce que la banque appelle "le premier lot", il est d'une superficie de 1.365 m2 60.
Le deuxième lot est constitué par un entrepôt, construction légère, et d'un garage dont la démolition serait bien facile. Il est d'une superficie de 1.909 m2 40.
Le prix total, sans aucune garantie, est de F 1.500.000 dont :
- F 950.000 pour le premier lot,
- F 550.000 pour le deuxième lot.
C'est le conseil d'administration qui, seul, indiquerait le prix définitif.
Je ne crois pas que le total, même actuellement, vaille plus d'un million.
Les quais sont à 150 m. de l'intersection de l'avenue Canard et de la rue de l'administration.
La villa, dite "Villa Maurin", du nom de son locataire, est louée au mois, avec résiliation sous préavis de trois mois.
Loyer : F 1.300.
L'immeuble voisin :
a) - Boutique Leconte - bail deux ans, du 1er juin 1938 : F 1.400.
b) - "Family Hotel" - Mme Schuer - bail de 3, 6, 9 ans à l'option du propriétaire et du locataire, du 1er/5/39 : F 2.600.
F 5.300.
L'entrepôt loué à V.Q. Petersen : F 1.400.
Le garage Guitrand, bail 3 ans du 30 novembre 1937 : F 1.320.
            F 2.720.
Total : F 8.020
Pour l'année, F 96.240
Impôts : 6 % des recettes locatives, plus 8% sur ces 6%.
Après avoir cherché des prix de location comparables, on peut affirmer que le loyer de la villa peut être porté à : F 1.500
La boutique Leconte à : F 1.700
Le petit triangle situé en bas de l'avenue Canard va être exproprié d'un jour à l'autre pour être mis à l'alignement.
Le CFAO vendra tout le lot, ou une des deux parties indiquées plus brut.
Pour une maison qui s'installerait à Dakar, la Villa Maurin, que j'ai visitée (comme les autres constructions) serait suffisante pour les bureaux d'un directeur et de 7 ou 8 employés (annexe 12).
M. Isambert a été prévenu que ces renseignements que je lui demandais ne m'engageaient à rien, qu'il était même très probable que l'attention de la Maison Worms & Cie ne serait pas retenue par l'achat de cette propriété, et que si j'emportais les plans, c'était uniquement dans le cas d'une éventualité très problématique.
Il m'a dit qu'il aviserait son siège (9, rue Louis Murat à Paris).
A mon avis, c'est le seul terrain sur lequel est construit une petite maison qui pourrait servir de point de départ si, pour une raison ou une autre, nous avions besoin de prendre place à Dakar.
II semble d'ailleurs que le commerce des terrains est ici assez prospère, car ils prennent vite de la valeur. En revanche, leur montant constitue une immobilisation absolue car, constitués par des sables où aucune végétation ne pousse, sinon quelques arbustes et baobabs, il faut attendre sans rien en faire le jour où ils pourront être revendus.
M. Brice en a un en vue, à 1 kilomètre 700, à partir du môle 3 sur la route qui longe la partie nord du port et qui lui est offert à 25 F le m., avec dégagement sur une des rares voies de sortie de Dakar.

Banques

Les banques installées à Dakar dont classées à peu près par ordre d'activité, soit :
1° Série - Banque de l'Afrique occidentale, Crédit foncier de l'ouest africain, Banque commerciale africaine, British Bank, Banque belge d'Afrique.
2° série - Colonial Banque, Crédit foncier de l'AEF, Foncière de la côte d'Afrique, Immobilière du Sénégal.


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