1898.12.17.A M. Doumer.Paris.Extrait

Retranscription

17 décembre 1898
M. le gouverneur général de l'Indochine - M. Doumer
Paris

À la fin de l'audience que vous avez bien voulu accorder le 13 courant à M. Henri Goudchaux..., nous venons à présent nous conformer à ce désir...
Les huiles minérales de toutes provenances, Caucase, Amérique, Bornéo, etc. sont en train de s'introduire sur les différents marchés du monde à titre de combustibles et il est possible que, dans un délai assez rapproché, elles aient à ce point de vue remplacé le charbon dans une mesure considérable.
Déjà, en ce qui concerne les chemins de fer, le Great Western en Angleterre et le métropolitain à Londres l'ont adopté pour une partie plus ou moins grande de leur consommation. Ce combustible est employé par les chemins de fer de Russie et du Caucase. Dans les colonies anglaises des essais importants se font actuellement sur... Enfin les chemins de fer du Japon font en ce moment une étude approfondie de la question.
Au point de vue de la navigation, la Compagnie péninsulaire et orientale prépare des essais sur ses lignes Chine-Japon et Chine-Bombay, plusieurs marines de guerre préparent des expériences.
A partir du 1er juin prochain des dépôts de ce combustible liquide seront en pleine opération à Suez, Colombo, Singapour, Hong Kong, Kobe et Yokohama où les navires pourront s'approvisionner.
Les initiateurs de ce projet, après avoir d'abord créé il y a quelques années de grands dépôts pour la consommation domestique et industrielle dans les différents centres de l'extrême Orient, M. Samuel & Cie de Londres, qui exploitent de vastes sources de pétrole de l'île Bornéo et possèdent une flotte de bateaux-citernes affectés à leurs transports, sont aujourd'hui les organisateurs de ces dépôts destinés aux besoins de la navigation.
Ils ont le désir d'étendre leurs opérations à l'Indochine française en vue du ravitaillement de la Marine et des besoins industriels auxquels dans leur idée viendra sans doute plus tard s'ajouter la clientèle du chemin de fer actuellement en voie de création. Malheureusement, ils se trouvent tout d'abord arrêtés par la situation douanière qu'ils rencontrent dans notre colonie.
De pareilles charges justifiées jusqu'à ce jour par le fait que les tarifs n'avaient visé que le pétrole destiné à l'éclairage, ne le sont plus aujourd'hui lorsqu'elles viennent frapper un simple combustible qui est et doit forcément toujours rester de peu de valeur...
Cette différence entre les deux usages est déjà reconnue dans les colonies anglaises qui, alors qu'elle frappent de droits élevés le pétrole destiné à l'éclairage et le soumettent en même temps à des restrictions sévères en raison de sa nature dangereuse, n'imposent au contraire que des droits à peu près nominaux aux résidus destinés aux usages combustibles et les exonèrent de toute restriction d'entrée en raison de ce qu'ils ne sont inflammables qu'au-dessus de 200 degrés Fahrenheit, et sont par conséquent exemptés de danger.
Ce que M. Samuel & Co sollicitent à Saigon c'est tout d'abord l'obtention des facilités nécessaires à l'établissement et à l'exploitation du dépôt qu'ils veulent créer, et aussi l'adoption d'un tarif douanier qui, distinguant entre le pétrole destiné à l'éclairage et le combustible liquide destiné à l'industrie et à la marine, leur permettent de lutter avec le charbon.

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