1948.02.06.De Worms et Cie Bayonne.Service manutentions

Copie de lettre

Le PDF est consultable à la fin du texte. 

Bayonne, 6 février 1948
Messieurs Worms & Cie
DGSM - Paris

Service central manutentions

Messieurs,
Manutention des navires Delmas chargeant pour Casablanca. Nous recevons aujourd'hui votre lettre du 3 courant.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes en négociations et les efforts que nous avons réalisés semblent avoir donné des résultats tangibles. Nous tenons à vous mettre au courant, dans les grandes lignes, de la situation avant que vous ayez d'autres contacts avec M. Portalis.
Avant la guerre, nous ne nous intéressions pas aux manutentions des marchandises diverses et laissions le soin à deux confrères locaux de se partager ces opérations. Les temps ont changé et, comme vous le savez, cette activité nous intéresse. Nous cherchons à la développer en même temps que nos affaires de transit. Elles sont en effet payantes malgré l'indigence des prix de manutentions dans notre port dont la seule défense vis-à-vis de son grand concurrent bordelais réside précisément dans les bas prix des tarifs d'acconage. Vous savez aussi que ces prix, nous ne les avons pas voulus aussi bas, mais que nous nous sommes heurtés à une situation de fait créée par l'homologation de prix au départ en 1940, prix pratiqués par notre grand concurrent la Société bayonnaise d'entreprises maritimes (Castagnet).
D'un autre côté, nous somme les agents de la Compagnie générale transatlantique pour le fret. Or cette compagnie ne s'est jamais intéressée au port de Bayonne, n'y envoyant ses bateaux que quand elle ne pouvait pas faire autrement.
Or, il y a actuellement des éléments de trafic, tant avec le Maroc qu'avec l'Algérie et l'Oranie, et l'office des courtiers Duverdier & Forgues, qui, par la force des choses, est devenu une agence maritime active bien renseignée et bien relationnée, s'efforce par tous les moyens de rassembler des éléments de fret, après quoi, ils incitent un armement à envoyer un bateau pour charger. L'attitude d'expectative ou de passivité totale de la CGT nous ligotait complètement et nous empêchait de prendre position à moins de travailler contre elle. Nous ne pouvions, en effet, inciter des chargeurs à envoyer leurs marchandises à Bayonne, alors que nous n'avions aucun bateau sur lequel les charger ou il eût alors fallu travailler comme l'office Duverdier-Forgues, c'est-à-dire en concurrence avec la CGT.
Nous n'avions donc qu'un moyen de réaliser l'affaire, c'était de l'amorcer en laissant faire MM. Duverdier et Forgues pour un ou deux chargements et amener de la sorte, en faisant pression sur elle, la CGT à s'installer sur la ligne.
Nous avons dû employer toute notre force de persuasion pour lui faire comprendre qu'il y avait intérêt pour elle à ne pas tolérer cette épine dans le pied que serait toujours Bayonne, et pour des raisons psychologiques, nous dirons même d'opinion publique, - à faire venir dans notre port un navire pour y charger les éléments de fret qu'on pourra y rassembler.
En d'autres termes, nous lui ayons demandé d'avoir dorénavant une politique bayonnaise, soit qu'elle se désintéresse de notre port, soit qu'elle fasse ce qu'il faut pour organiser l'enlèvement du trafic qui se présente.
Il n'était tolérable pour personne, en effet, de voir la CGT alternativement absente de la ligne et s'y remettant avec un navire occasionnel dès qu'elle voyait d'autres bateaux venir y charger, pour cesser à nouveau ensuite. Elle paraît avoir compris cette nécessité et nous a, à plusieurs reprises, déclaré par lettre qu'elle entendait dorénavant s'efforcer d'enlever tout le fret bayonnais. L'avenir nous dira si elle est en mesure de tenir cette position.
En ce qui nous concerne, il nous fallait à ce moment négocier avec M. Duverdier et Forgues pour les amener dans notre jeu et celui de la CGT en neutralisant leur action par ailleurs autant que faire se peut. II n'aurait pas fallu, en effet, que tenus complètement à l'écart, ces courtiers travaillant en concurrence avec la CGT, avec des armements étrangers, notamment avec les armateurs portugais pour le Maroc. Ces derniers, en effet, ne demandent pas mieux que de charger chaque fois qu'ils peuvent à destination de Casablanca.
En faisant la part du feu et en raison de nos bonnes relations personnelles avec M. Duverdier, nous nous sommes mis d'accord sur un modus vivendi dont la bonne réalisation est, à notre avis, basée uniquement sur les moyens et l'assiduité de la CGT à Bayonne.
Il faut vous dire aussi que cette position se complique de l'existence sur la ligne d'Algérie de l'armement Delmas Vieljeux dont M. Duverdier est l'agent consignataire à Bayonne et le manutentionnaire la Société bayonnaise. Peut-être allons-nous obtenir aussi d'opérer leurs navires à la suite des négociations auxquelles ils vont participer avec M. Portalis et nous à Bordeaux.
Vous nous avez tenus au courant, par ailleurs, de la position que vous avez prise, avec la Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest, à la suite, imaginons-nous, de la nouvelle organisation des pools qui est en cours.
Il est donc entendu que nous effectuerons les manutentions de la GGT et celles de la CNCO. Ces dernières (CNCO) étaient jusqu'ici assurées par notre concurrent, la Société bayonnaise, et nous sommes très aises d'avoir pu leur enlever cet élément de travail car ils ne se sont pas gênés dans le passé pour faire de même avec nous à une autre occasion.
Afin d'harmoniser ce nouveau modus vivendi, nous avons suggéré à M. Portalis de nous rencontrer. II aurait voulu que cette rencontre ait lieu à Paris avec la signataire et M. Duverdier. Ce dernier ne pouvant s'y rendre prochainement, il a été entendu que M. Portalis viendrait à Bordeaux au début de février. Nous attendons prochainement de ses nouvelles à ce sujet quant à la fixation de cette date que vous nous dites être le 15 !
Si vous avez l'occasion de le voir d'ici là nous vous prions de lui faire ressortir que nous sommes aussi bien, sinon à certains égards mieux organisés que l'autre manutentionnaire bayonnais, pour opérer dans les meilleures conditions les navires qui peuvent y venir. Veuillez lui dire également que nous nous sommes mis d'accord avec M. Duverdier et que nous comptons fermement qu'ils feront les efforts nécessaires pour tenir à Bayonne une place qu'à juste titre ils semblent ne pas vouloir laisser à d'autres.

Vos dévoués,
P.Pon Worms & Cie,

PS. II ne faut pas perdre de vue aussi qu'avant la guerre, le trafic Algérie-Maroc était assuré par l'armement Mazella avec son "Cap-Figalo" et son "Cap-Falcon". Cet armement ne possède plus que ce second navire en réparations pour encore plusieurs mois. Que -se passera-t-il si Mazella peut le remettre sur cette ligne ? C'est M. Duverdier qui en était l'agent consignataire.


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