1945.00.De Robert Labbé.A Hypolite Worms.Note 01 (sans date, ni signature ni destinataire)

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NB : Note sans signature, ni destinataire, issue d'un dossier contenant la correspondance échangée par H. Worms avec R. Labbé et R. Meynial ; cette note est la réponse de celle du 6 mars 1945.

J'ai lu avec beaucoup d'attention votre note du 6 mars au sujet des affaires charbons.
La mise en pension de Saudubray à Alençon se fera dans des conditions qui n'engagent en rien la Maison. Vignet et Dufour avaient pensé que l'affaire Prout pourrait, à un moment donné, être intéressante. J'ai eu personnellement, par le préfet de l'Orne, des renseignements qui m'ont fait, dès il y a 15 jours, prendre une position négative à cet égard et je me refuse absolument à ce que la Maison reprenne des affaires liquidées à la suite d'opérations politiques, comme vous en aviez d'ailleurs décidé également pendant l'occupation dans d'autres circonstances.
J'ajouterai qu'autant les exploitations forestières gérées sur un plan quasi artisanal avec un minimum de frais généraux ne présentent guère de risques, autant nous ne sommes pas qualifiés, actuellement tout au moins, pour nous engager dans des exploitations forestières ou de bois de genre industriel.
Saudubray, qui n'était pas indispensable en Dordogne, et dont je suis convaincu qu'il sera amené dans un délai plus ou moins rapproché à reprendre en mains le service forestier de Bordeaux - dont sa femme est d'ailleurs originaire - va faire à titre personnel, dans l'affaire Prout, une sorte de stage qui ne peut qu'être utile pour nos affaires de Bordeaux. Le nom de la Maison n'est pas prononcé. Elle n'assume ni engagement ni responsabilité dans ce déplacement. J'ai veillé personnellement à ce que les conditions dans lesquelles Saudubray y est entré nous permettent à tout moment de le reprendre à notre service.
Je pense donc que vos préoccupations se trouveront apaisées par les décisions prises d'ores et déjà.
D'une manière générale, je suis entièrement d'accord avec vous sur vos sentiments, non seulement en ce qui concerne les affaires forestières, mais également en ce qui concerne la gestion du département charbons.
Sur le premier point, nous avons eu des succès extrêmement appréciables, malgré les temps difficiles de 1944, là où la formule artisanale avait été appliquée complètement - le service de Dufour à Paris (Yonne, poteaux de mines) laisse un bénéfice d'environ 880.000 F.
Les affaires de bois traitées par la succursale d'Angoulême ont, de leur côté, rapporté 250.000 F.
Le tout est de ne pas envisager ces affaires sur un plan qui n'est pas le leur.
II en va de même pour la gestion du département charbons où je mène à nouveau une violente offensive à l'égard de Vignet pour comprimer dans toute la mesure du possible les frais là où la situation n'est pas susceptible de s'améliorer à bref délai. C'est ainsi qu'à Marseille où nous entretenons un service de détail pléthorique pour une activité très faible, j'envisage une mise en veilleuse complète de ce service, de manière à réduire les frais, en laissant auprès de Doucet les collaborateurs indispensables pour suivre les affaires générales, ce qui devrait nécessiter un effectif limité.
Je passe sur la question du relèvement des salaires qui s'avère indispensable et pour lequel Meynial et moi-même sommes d'accord pour prendre les mesures nécessaires à la fin du mois. Marseille, bien entendu, prend une fois de plus la tête du mouvement. Vous savez que le personnel là-bas n'a pas adhéré au syndicat professionnel de la Maison. Le Syndicat pour la défense du commerce et de l'industrie et les deux syndicats d'armateurs ont d'ores et déjà capitulé sur un relèvement chiffré en parallèle de celui des fonctionnaires.
Nous ne pouvons éviter d'agir autrement et je préfère effectuer certains sacrifices que de risquer des embêtements ou des campagnes de presse, mais je tiens à marquer le coup devant des perspectives médiocres sur un certain plan et faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps : mettre en veilleuse. Etant donné la reprise de notre activité dans le domaine maritime, l'inconvénient psychologique d'une telle mesure paraît évidemment très faible.
Il est difficile de remuer fortement Vignet ; dans ce domaine d'administration et d'organisation intérieure, il n'est pas à son aise.
L'affaire des cargos Cockerill de 2.100 tonnes semble évoluer assez rapidement. Le prix paraît très avantageux, puisque l'on parle (?) de 20 à 25 millions de francs français contre 55 à 60 pour les prototypes Méditerranée, les deux genres de navires ne répondant pas aux mêmes besoins et l'on me presse de prendre une décision. Nous avons dans le programme de dépannage deux "Château" qui paraissent indispensables, notamment pour reprendre les lignes Marseille - ports du Nord qui retrouveront une activité certaine devant, d'une part, les difficultés des transports intérieurs et, d'autre part, la pénurie de navires long-courriers conduisant vraisemblablement ceux en provenance d'Extrême-Orient à s'arrêter à Marseille plutôt que de poursuivre sur les ports du Nord des voyages à demi pleins.
Les 2.109 tonnes Cockerill correspondraient plutôt à nos besoins Bordeaux - Hambourg ou sur l'Angleterre, étant donné leur vitesse un peu moindre. Nous pourrions en prendre trois, sous réserve d'en ajouter un quatrième au cas ou le relèvement du "Lussac" qui est imminent révélerait une situation irréparable.
Je gagnerai un peu de temps car nous avons demandé à Cockerill de pouvoir envoyer quelqu'un à Anvers afin de pousser plus avant les conversations techniques avec les chantiers. C'est Achard que j'enverrai. Il pourrait surveiller indirectement les intérêts de Nelson et agir vis-à-vis de la marine comme courtier de Cockerill.
La reconstitution d'ensemble de notre flotte serait complétée par les trois 1.150 tonnes du Trait, toujours en suspens au titre d'arbitrage interministériel, et une gamme de 850 tonnes destinée à la desserte des petites lignes nationales.
En ce qui concerne les bateaux américains, les discussions sont avancées et on a décidé d'envoyer plusieurs représentants de l'armement en USA pour avoir un certain nombre de renseignements avant de s'engager sur des problèmes assez délicats. Perrachon y représentera, bien entendu, les pétroliers. Nous serons représentés par Bucquet. Comme Abbat sera là en même temps que lui, nous aurons, dans ces conditions, une conjugaison du technique et de l'exploitation générale. Au surplus, Bucquet étant le seul directeur général de la mission portera haut, sur un territoire encore vierge pour nous, le pavillon de la Maison.
Vous avez dû voir dans les journaux que le gouvernement avait décidé d'adhérer à l'UMA. Anduze m'en a parlé l'autre jour. Nous entrons par la grande porte dans les conditions les plus honorables. II faut reconnaître qu'il a bien négocié cette question-là. Il est évidemment moins fort sur les questions de gestion et de service courant.
Je me préoccupe, en liaison avec Nicol et Bonis, de la répercussion sur nos différents intérêts en Belgique, Pays-Bas et Allemagne, de la future occupation, dans le sens que je vous avais exposé l'autre jour. Je crois que nous devrions en tirer des choses certainement intéressantes.


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