1945.05.19.De Hypolite Worms.Note (sans signature ni destinataire).Original

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19.5.1945

Je vais répondre aux deux questions, les plus urgentes, qui se posent à la suite du voyage de Raymond à Londres et commentées dans la lettre que Robert m'a adressée hier et dont je le remercie.
Rachat par Worms de la société maritime de Burness
Cette opération ne peut être envisagée, ou n'est désirable, que si les navires qu'on achèterait pour faire revivre cette société pouvaient être utilisés par Worms sur ses propres lignes de navigation, et à son profit.
Or, je ne le crois pas possible pour les raisons suivantes :

1. Il faudrait naturellement envisager des navires caboteurs de 2.500 tonnes. Or, nous n'avons l'utilisation d'aucune unité de 2.500 tonnes sous pavillon anglais sur nos lignes de cabotage. Émo confirmera certainement cette opinion. En effet, que font nos navires de 2.500 tonnes ?
a) le grand cabotage Dunkerque-Le Havre-Marseille ;
b) l'Afrique du Nord ;
c) éventuellement, France-Allemagne-Belgique.
Dans les 3 cas, il ne nous serait en aucun cas possible d'utiliser des navires sous pavillon anglais, car, dans les deux premiers cas, il y a monopole de pavillon et, dans le troisième cas, une ligne n'est viable que si elle transporte des marchandises entre ports de cabotage national, entre Bordeaux, Le Havre et Dunkerque, avant de continuer sur les pays étrangers. Or, tout transport intermédiaire au cabotage national est interdit aux pavillons étrangers, c'est la loi, un bateau étranger sur cette ligne de cabotage international ne pourrait donc pas gagner sa vie.

2. Reste le trafic Angleterre-France. Mais, pour ce trafic, qu'il s'agisse de Bristol-Le Havre ; Dieppe-Grimsby ; Ecosse-Dunkerque-Rouen, ou, tout autre ligne existante ou à créer, on ne peut pas utiliser des bateaux de 2.500 tonnes. Il faut des navires de 800 tonnes ou, au maximum, de 1000/1100 tonnes.

3. Or, il ne peut pas être question de faire revivre la société Burness, à notre profit, pour acheter des bateaux de 800 tonnes et faire le trafic franco-anglais, car, cela nous mettrait en opposition avec tous les armements anglais spécialisés, General [Steamer] en tête et, avec les compagnies de chemins de fer qui contrôlent la majorité des lignes d'Angleterre sur le continent. Les lignes anglaises nous casseraient vite les reins en admettant que le MOWT nous y autorise, ce qui reste à démontrer.
Nous ne pouvons espérer reprendre nos lignes Angleterre-France que sous pavillon français et, dans la mesure où elles existaient avant la guerre.

4. L'achat de charbonnier ne présente aucun intérêt.

5. Dans ces conditions, il me semble que l'opération ne peut être envisagée que, si on voulait acheter un cargo de 8.000 tonnes de bonnes spécifications et vitesse, qui pourrait être incorporé dans les lignes de la Havraise (où il n'y a pas monopole de pavillon), la Havraise prenant le bateau de notre société anglaise en time-charter sur une longue période.
Mais, dans ce cas, il faudrait un bateau suffisamment moderne et susceptible d'être exploité économiquement pour être utilisé au grand tramping le jour où la Havraise n'en aurait plus besoin, sa flotte étant entièrement reconstituée.
Mais cette formule présente-t-elle suffisamment d'intérêt pour se lancer dans l'opération ?
Webster
Cette affaire est beaucoup trop compliquée, importante, et encore beaucoup trop nébuleuse pour qu'une réponse, même de principe, puisse être donnée sans de nouvelles conversations, non seulement avec les gens de Webster mais encore avec nos propres collaborateurs, Burness, Chambers, [Tornlinson], et après mûre réflexion.

À première vue, je vous soumets les points suivants :

1. La maison Worms existe à Newcastle depuis 80 ou 90 ans ; la supprimer au profit d'une société nouvelle à créer et dont nous ne saurions que les minoritaires seraient une déchéance que je ne pourrais envisager qu'à la dernière extrémité.

2. La Humber Coal Cy de même que Pease & Partners sont surtout des exportateurs du Yorkshire. Ce serait donc une erreur psychologique, même en admettant que nous soyons décidés à fermer Newcastle, de remettre nos affaires entre les mains de gens qui ne sont pas du cru.

3. Et, qu'apporterait la Humber Coal et Pease & Partners à cette nouvelle société ? Son trafic ? Mais lequel ? Et que peut être le trafic de ces sociétés si l'Angleterre n'exporte plus de charbons ? J'admets volontiers que dans ce cas extrême, notre apport deviendrait nul aussi, mais nous ne saurions pas liés et nous n'aurions pas fermé par avance notre propre organisation.

4. A la rigueur, s'il s'agissait de fermer Hull et Grimsby et de donner notre trafic de cette région à la nouvelle société, l'inconvénient serait moindre car nos succursales de l'Humber ne sont plus viables depuis 1918. Mais Newcastle, c'est un trop gros morceau.

5. J'en viens maintenant à la question de fusion charbons et lignes maritimes.
Je comprends pas ! Nous n'allons certainement pas apporter à la nouvelle société nos lignes de cabotage entre la France et l'Angleterre. Alors, s'agit-il des agences ? Mais lesquelles ? A la rigueur, la Humber, je veux bien, mais Newcastle n'existe pas pour nous en tant que port de ligne régulière. J'ai l'impression qu'il y a une confusion dans les esprits lorsque je vois Webster offrir de nous donner la préférence sur France Fenwick. On fait la confusion entre bateaux charbonniers et bateaux de lignes régulières.
France Fenwick sont à ma connaissance des armateurs de charbonniers et s'ils font des transports de cabotage (ils ne font du reste que cela), ce sont des transports de charbon de l'Humber ou de la Tyne sur Londres et les autres ports anglais. Je comprends dans ces conditions très bien l'intérêt qu'il y a à lier une maison d'exportation de charbon avec un armateur charbonnier. Mais nous c'est totalement différent, nous ne transportons des charbons que par accident, c'est peut-être ce que Webster ne sait pas, comme armateurs, nous ne présenterions donc aucun intérêt pour la nouvelle combinaison.
Dans ces conditions, il n'y aurait aucune objection à ce qu'il y ait une combinaison : Humber Coal-Pease & Partners-France Fenwick et Worms, à condition que Worms apporte ses affaires et cet intérêt reste à démontrer comme expliqué plus haut.

6. Car, revenant à la question de nos exportations d'Angleterre, nous avons des attaches centenaires avec des mines (Lambton, etc.) que nous reprendrons certainement car ce sont ces charbons que nous recommencerons à exporter. Or, il faudrait savoir quelles relations il y a entre les uns et les autres en Angleterre.
Et puis quelles sont les relations de ce groupe Humber Coal-Pease & Partners avec les grands groupes Maison Cory, Powell Duffryn, etc. Nous ne pourrions envisager d'accord avec les premiers qu'en étant sûrs que cela ne nous mettrait pas dans une position difficile avec les seconds en cas de concurrence entre eux.
Tout bien pesé, je recommande la plus extrême prudence, ce qui du reste n'empêche pas de continuer à parler avec les uns ou les autres mais par des conversations et des rencontres personnelles. Ce sont des sujets trop compliqués pour être traités par écrit.

HW


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