1945.10.08 et 23.De Worms et Cie.A Gaston Bernard.Dossier

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Le PDF est consultable à la fin du texte.

NB : Ce document est constitué de 2 séries de notes et annexes, l'une du 8 octobre 1945, et l'autre du 23 octobre 1945. [Voir le PDF pour les courriers joints des 20 octobre, 16 octobre et 14 août 1942.]

[Mention manuscrite :] Pièces remises à l'expert Bernard le 9.10.45

Le premier commissaire dont, le 25 octobre 1940, Ies autorités allemandes pourvurent la Maison Worms & Cie fut M. W. Beines von Ziegesar, capitaine de cavalerie de réserve et collaborateur de la Commerzbank, puissant établissement de crédit allemand. Au moment de la mobilisation, von Ziegesar dirigeait une importante succursale de cette banque, celle de Cottbus. Comme commissaire de la Maison Worms, il fut remplacé, le 27 juin 1941, par le Dr von Falkenhausen, ancien directeur de la Deutsche Bank et associé d'une banque privée d'Essen.
L'activité civile de ces deux commissaires les porta tout naturellement à exercer sur les services bancaires de la Maison un contrôle plus précis que sur les autres services. C'est ainsi que, prétendant suivre de très près les opérations bancaires, ils exigèrent, d'une part, que soient mis à leur disposition et à celle de leurs secrétaires privées qui étaient des allemandes, des bureaux situés dans les locaux du département bancaire - bien que l'un et l'autre fussent également commissaires d'autres entreprises françaises - d'autre part, que leur soit quotidiennement soumise l'intégralité du courrier de ce département ainsi que le détail des opérations de caisse.
Sous leur contrainte, les services bancaires furent dans l'obligation de traiter un certain nombre d'opérations qui sont de quatre ordres.
I - Dépôts de fonds effectués par l'ennemi et ses ressortissants.
II - Transferts de fonds par l'intermédiaire du clearing franco-allemand.
III - Ouvertures de crédits et avances.
IV - Cautions.

I - Dépôts de fonds effectués par l'ennemi et ses ressortissants
Les dépôts de cette nature furent peu nombreux : vingt comptes ouverts aux bénéfices suivants : [Montangesellschaft, Semperit-Gummiwerke AG, Strusver & Cie, Rustungskontor, Sprenger & Cie, Organisation Todt, Outschaffnungehutte Oberhaugen AK, von Falkenhausen (commissaire administrateur), Dr Lucke, Walter Osthoff, Dr Retenbacher, Gottlieb Schock, Stieger, Elfriede Samson, Landwirtschaflische, Zentralgenossenchaft, Gustav Fliche, Herman Freedrich, Hans Heumtzger, Wolfgang Heuzel].
Les arrêtés de ces comptes se traduisirent par le versement aux titulaires des comptes des agios suivants (portés au débit des Profits et Pertes, rubrique "intérêts des comptes) :

en 1941

11.630,27

en 1942

1.638,89

en 1943

166.817,96

en 1944

620.156.30

Six de ces comptes eurent des soldes minimes, ils ne furent pas arrêtés en intérêt, un seul dépôt, en réalité a été important, celui du Rüstungskontor pour lequel les intérêts se sont élevés à : F 31.707,75
sur un total versé de : 800.243,42
Ce dernier compte fut d'ailleurs pour nous générateur d'une perte de F 3.000.966,- (cf. PDF).
II - Transferts de fonds par l'intermédiaire du clearing franco-allemand
Sur l'obligation qui nous en a été faite par von Ziegesar, nous avons dû accepter d'être l'un des guichets domiciliataires à Paris de la Commerzbank, en même temps d'ailleurs qu'un certain nombre d'établissements de crédit français. Von Falkenhausen nous imposa ensuite de faire de même pour la Deutsche Bank.
Ainsi, nous eûmes à régler pour le compte de ces deux établissements quelques-uns des paiements qu'ils ont eu à effectuer en France dont les montants atteignirent :


1941

1942

1943

1944

Commerzbank

17.034.493

22.819.606

47.783.977,36

41.057.437,25

Deutsche Bank

 

4.386.595

5.175.739,15

10.329.386,70


17.034.493

27.206.201

52.959.716,51

51.386.823,55

A noter que huit banques plus ou moins filiales des deux précédentes nous adressaient également des accréditifs qui s'élevèrent, pour les années :

1942, à

11.283.282

1943, à

1.400.000

1944, à

399.452

Il s'ensuit que le montant des transferts passés par notre canal est de F 161.670.000, chiffre qui représente un pourcentage infime par rapport à celui des transferts des autres qui furent effectués pendant la même période, soit F 196.480.000.000 selon les indications données par la Banque de France.
Le règlement de ces opérations a donné lieu à la perception d'agios qui furent :


Intérêts débiteurs

Commissions sur transferts

1941

 

97.497

1942

21.772

197.242

1943

88.684

235.705

1944

32.894

128.692

802.486
Ces agios figurent au crédit des Profits et Pertes, rubriques "Intérêts des comptes" et "Commissions et agios divers".
Trois accréditifs ont été ouverts par nous auprès des banques allemandes "affaire d'importation". Le bénéfice réalisé sur ces opérations est de F 585.

III - Ouverture de crédits et avances
Les avances que nous avons été amenés à consentir sur la pression de nos commissaires ont été faites :
- d'une part, à des ressortissants ennemis et ont donné lieu à des perceptions d'intérêts et de commissions qui furent les suivantes :


Intérêts débiteurs

Commissions diverses

1941

118.779

446.109

1942

91.210

70.356

1943

174.964

16.843

1944

35.409

33.231

986.901
- d'autre part, en raison des relations personnelles qui existaient entre on Ziegesar et le capitaine von Tirpitz, il nous
a été imposé de procéder à des escomptes de factures d'un certain nombre de fournisseurs français de la Kriegsmarine avec lesquels nous n'entretenions précédemment aucune relation.
Ces opérations consistaient à ouvrir des crédits aux fournisseurs ou intermédiaires et à leur verser, par anticipation, les sommes qui leur étaient dues, la créance étant représentée par des factures visées des autorités d'occupation. Ces avances duraient en moyenne une dizaine de jours avant de nous être remboursées, en général par le canal de la Banque de France. Nous avons également consenti certaines facilités à partir de septembre 1942 à la société Fecit (ancien établissements [Klaguine]), fournisseur de la Kriegmarine.
L'ensemble de ces avances atteignit son chiffre le plus important durant les premiers mois de l'année 1941 (son maximum a été atteint au mois d'avril 1941 avec un solde d'environ 30.000.000). Leur moyenne se situe :

1941, à

13.000.000

1942, à

3.500.000

1943, à

1.000.000

1944 (six premiers mois), à

3.000.000

Les facilités ainsi consenties donnaient lieu à la perception de commissions d'ouverture de crédit et d'intérêts débiteurs : les agios perçus à ce titre furent :


Intérêts débiteurs

Commissions d'ouverture de crédits

1941

1.175.073

2.687.553

1942

478.772

650.226

1943

299.297

756.121

1944

90.379

60.739

6.198.160

IV - Cautions
Nous avons dû fournir les deux cautions suivantes au profit de ressortissants allemands :

Struever & Cie vis-à-vis de l'organisation Todt

3.146.500

Baumahn & Cie vis-à-vis de la Recette des douanes

300.000

Les commissions perçues de ce fait se sont élevées pour :

1942, à

2.749

1943, à

27.813

1944, à

63.347

D'autre part, à la demande de quelques-uns de nos clients, nous avons été amenés à donner des cautions à certaines administrations allemandes. Ces cautions ont donné lieu à la perception de commissions qui s'élevèrent pour :

1941, à

1.150.790

1942, à

3.489.198

1943, à

2.724.492

1944, à

2.405.861


9.770.343

Pertes

Les profits réalisés que nous avons comptabilisés du fait d'opérations traitées directement avec l'ennemi ou par intermédiaires doivent être diminués des pertes de créances auxquelles ces opérations donnaient naissance ; elles s'analysent comme suit :
a) créances irrécouvrables
- sur des fournisseurs français de la Kriegsmarine

Valentin Amoros

2.389.175

Paul Cauvin

116.763

Michel Coirand

377.700

Exploitation du matériel forain

3.266

Ciroux

766.440

- sur des ressortissants allemands :

Commerzbank

1.327.271

Deutsche Bank

1.412.655

Rustungskontor

3.000.986

Jean [Dameron]

10.166

[Semperit-Gummiwerke]

5.571

Baumann & Cie

427.357

[Ade Gerk]

24.865

Une partie d'ailleurs de ces créances a été provisionnée par nos soins en fin d'exercice et le total des provisions ainsi constituées s'élève à : F 7.889.007
b) à ces pertes doivent également s'ajouter les frais d'inspection que nous avons été dans l'obligation de régler aux commissaires allemands, frais qui se sont élevés à : F 2.071.285
se décomposant comme suit :

en 1941

676.985

en 1942

889.545

en 1943

326.143

en 1944

176.614

Résultats

Le résultat net "occupation" pour le département bancaire de la Maison Worms est déterminé en tenant compte :
- du bénéfice net de chaque exercice,
- du chiffre d'affaire du fait de l'occupation (cf annexe n°1)
- du crédit [PP] total.
Il ressort de la dernière colonne de l'annexe n°2, à savoir :

1941

ct. 1.957.495

1942

ct. 1.976.250

1943

ct. 468.500

1944

ct. 304.420

soit

F 4.706.665

qui, diminués de la provision pour impayés allemands : dt. 7.889.007
donnent un déficit de : 3.182.342

8/10/45

Profits et Pertes

[Définition de chaque rubrique. Voir PDF.]
Annexe n°1 - Chiffre d'affaires (colonne crédit des P.P.) « qui peut être considéré comme réalisé du fait de l'occupation »
[Voir PDF : tableau des années 1941, 1942, 1943 et 1944.]
Annexe n°2 - Bénéfice net "occupation"
[Voir PDF : tableau des années 1940, 1941, 1942, 1943 et 1944.]

[Mention manuscrite :] Pièces remises à l'expert Bernard le 25.10.45

Complément page 2
Sur l'obligation qui nous en a été faite par notre commissaire, M. Falkenhausen, ami de M. Bahonyi, directeur financier du Rüstungskontor à Paris, nous avons dû en octobre 1943 ouvrir à cet organisme un compte sur nos livres alimenté notamment par des versements du clearing franco-allemand, le donneur d'ordre étant la Deutsche Verrechnungskasse. Les soldes mensuels ont été les suivants : [voir PDF].

Complément page 3
Commerzbank
Nous n'avons pas retrouvé de correspondance fixant les conditions générales pour le fonctionnement de ces accréditifs, ce sont d'ailleurs des opérations normales entre banques et chaque ouverture d'accréditifs donnait lieu à un échange de lettres qui se trouvent parmi les pièces saisies. La commission prélevée par nous était de ½% sur le montant des accréditifs.
Autres banques.
Les accréditifs payés pour le compte des huit banques plus ou moins filiales de la Commerzbank et de la Deutsche Bank sont indiqués dans le tableau ci-après : [voir PDF].
Complément page 4
Liste des noms des ressortissants ennemis et des fournisseurs français de la Kriegsmarine.
[Voir PDF.]
Nom des fournisseurs français de la Kriegsmarine
[Voir PDF.]
Les conditions appliquées à ces avances étaient les suivantes :
- intérêts débiteurs : 6% l'an
- commission d'ouverture de crédit : 0.50% l'an
Toutes ces avances apparaissent dans le bilan au poste comptes-courants débiteurs.

Complément page 5
Struever & Cie
En août 1942, à la demande du représentant parisien de la Commerzbank, M. Stier (cf. lettre ci-jointe), nous avons ouvert à Struever & Cie un crédit de F 50.000, garanti par la filiale de la Commerzbank à Bruxelles, la Hansabank.
Struever & Cie, firme allemande dont le siège social est à Hambourg, était une cliente de la Commerzbank dans cette ville et ce fut également à la demande de la Commerzbank que nous nous sommes portés caution vis-à-vis de l'Organisation Todt à concurrence de différents montants d'ensemble F. 3.146.500 pour garantir des acomptes que Struever & Cie avait reçus de Todt... [voir PDF].
Baumann & Cie
C'est également à la demande de la Commerzbank que nous avons ouvert un crédit de F 500.000 à Baumann et que nous nous sommes portés garants vis-à-vis de la recette des douanes pour un montant de F 300.000.
Les commissions de cautions ont été, tant pour Struever que pour Baumann, de ½% trimestriel.
Les administrations allemandes auprès desquelles nous nous sommes portés caution pour un certain nombre de nos clients habituels sont les suivantes : [voir PDF].
Courrier du Pariser Vertretung des Commerzbank à Worms & Cie, le 20 octobre 1942
Courrier du Commerzbank Aktiengesellschaft à Worms & Cie, le 16 octobre 1942
Courrier du Pariser Vertretung des Commerzbank à Worms & Cie, le 14 août 1942

Complément page 6
Renseignements.
A maintes reprises, la Commerzbank a demandé, soit directement, soit par l'intermédiaire de Ziegesar ou de Stier, des renseignements sur des société françaises.
Nous retardions dans la mesure du possible notre réponse et, en fin de compte, les renseignements étaient transmis en général à Stier qui venait fréquemment à ce sujet dans nos bureaux.
Ces demandes de renseignements sont de pratique tout à fait courante entre banques ; elles ont pour but de connaître la solvabilité d'une entreprise, le crédit dont elle jouit, sa réputation.
Nous avons ainsi été amenés à donner à la Commerzbank des renseignements absolument banaux que cet établissement aurait pu se procurer sans même faire appel à nos services puisqu'en définitive nous lui avons transmis, soit des comptes-rendus d'assemblées générales dans le cas de sociétés importantes - comptes-rendus qui sont publiés par la société elle-même et qui font l'objet de publicité dans la presse -soit des copies de fiches fournies par des agences de renseignements telles que France-Expansion (Franex), soit encore des indications succinctes de l'opinion sur ces entreprises. (cf. fiches ci-jointes).

Complément annexe n°2
Bénéfice net d'occupation
Notre annexe précédente donnait une indication fausse en ce qui concerne le crédit des "Profits & Pertes" total pour l'année 1941.
Ci-joint une annexe n°2 rectifiée.
En outre, le recollement des chiffres portés sur le compte de Profits & Pertes et de ceux portés sur l'annexe n°2 se fait à l'aide du tableau joint "Détermination du chiffre de crédit de Profits & Pertes total".

Annexe n°2
Bénéfice net d'occupation
[Voir PDF : tableau 1940, 1941, 1942, 1943 et 1944.]
Détermination du chiffre du crédit de Profits et Pertes total
[Voir PDF : tableau 1941, 1942, 1943 et 1944.]


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