1999.00.Souvenirs de Francis Ley.Worms & Cie Services bancaires

Extraits tirés de Francis Ley, Souvenirs et rencontres… Une vie en raccourci commencée en 1920, auto-édition, texte imprimé, 1999.

Francis Ley a été engagé par le Crédit lyonnais en juillet 1947. Il quitte le Crédit lyonnais au mois de mai 1951.
En juin 1951, il devient cadre à l’Inspection général du Crédit national dont Pierre Herrenschmidt est le directeur.
Du 4 juin 1951 au 31 mars 1953, il est recruté en qualité de rédacteur du bureau des escomptes à moyen terme du Crédit national.

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Et le 1er avril 1953, j’entrais à la banque Worms (à l’époque le département bancaire de MM. Worms et Cie) en qualité de cadre, comme attaché de direction. Après un bref tour des divers services, je fus affecté comme adjoint d’un très jeune et brillant fondé de pouvoir qui se nommait Jean Schoenlaub. Il était d’origine alsacienne (comme moi) mais sa famille s’était implantée à Genève. Son grand-père possédait l’importante pharmacie de la place du Molard et son père, mort à 47 ans lors de la Libération, avait été ingénieur dans une société du groupe Worms. Fort sympathique et beau, Schoenlaub avait une retenue distinguée qui lui permettait, quand il le voulait, de paraître froid ! Il possédait une intelligence souple et profonde et une acuité de jugement exceptionnelle. Je l’ai vu « décortiquer » aussi bien des affaires que des personnes avec une réelle maestria. L’associé gérant de la banque l’en félicitait ! Il devint mon meilleur ami à l’entrée de l’âge mûr. Malgré une lucidité décapante, il était capable de cultiver une petite fleur bleue dans le recoin de son cœur, ce qui lui permit de rester toujours pour moi un ami fidèle à n’importe quel étage de sa brillante carrière. Après avoir été directeur adjoint de la banque Worms, il fut appelé à la direction financière de la réunion de plusieurs compagnies d’assurances du groupe Worms dont il assura la restructuration.
Sa mort à l’âge de 47 ans fut l’un des événements les plus douloureux de ma vie. Je retransmets ici quelques extraits d’assemblées générales de compagnies d’assurances dont il faisait partie (même comme administrateur) :
« M. Schoenlaub apportait à notre société un précieux concours par sa compétence sur le plan financier et immobilier, ainsi que par la sûreté et la droiture de son jugement toujours exprimé avec la plus aimable courtoisie. »
« Nous avons aussi perdu notre directeur financier : M. Schoenlaub, enlevé prématurément, à l’âge de 47 ans, le 15 avril dernier (1974). Il était pour nous tous un ami et un excellent directeur. Après avoir passé un certain nombre d’années dans la banque, il était entré dans notre groupe en 1962. Il s’y était distingué par son travail et par son dévouement total à la compagnie. Il avait notamment, au cours de 1973, contribué à la mise en place de la nouvelle structure de notre société. Tous ceux qui l’ont connu à la compagnie ont été très douloureusement affectés. »

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« M. Meynial, président directeur général et M. Legrand, administrateur, directeur général du groupe Préservatrice, ont le regret de vous faire part du décès de M. Jean Schoenlaub, directeur de la Préservatrice, survenu le 15 avril 1974…
Les avis de M. Schoenlaub étaient appréciés dans les nombreuses commissions professionnelles auxquelles il apportait son concours et il avait l’estime unanime de tous ses collègues. »
« Après une carrière bancaire d’une douzaine d’années, Jean Schoenlaub était entré à la Préservatrice en 1962 avec le titre de sous-directeur. Promu directeur adjoint en juillet 1966, puis directeur en janvier 1969, il avait depuis le 1er janvier 1967, la responsabilité de notre vaste département financier qui gère à la fois les intérêts de la Préservatrice AIRD et ceux de toutes les compagnies du groupe tant en France qu’à l’étranger.
Dans toutes les activités relevant de ce département : gestion de notre portefeuille de valeurs mobilières et de notre domaine immobilier, travaux d’extension ou d’embellissement, participation à des opérations de promotion, Jean Schoenlaub n’a cessé de faire preuve d’une remarquable efficacité : très précis, ayant le souci du travail soigneusement préparé, étudié dans tous ses détails, il apportait à son exécution une volonté particulièrement ferme.
Sous une réserve volontaire, il cachait une sensibilité très aiguë et cette réserve, avec un courage digne de la plus grande admiration, manifestée lorsqu’en pleine connaissance du mal dont il était atteint, il aura tenu à poursuivre son activité jusqu’à la mise en place de la structure nouvelle de notre groupe. »

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10) Mon doctorat et mes livres : 1959-1998
Pour commencer cette longue période de ma vie, je dirai deux mots encore de ma position à la Banque Worms. Depuis 1955 un nouveau directeur général adjoint, Robert Dubost, qui dirigeait Worms Maroc, avait été rappelé à Paris par les associés afin de structurer et moderniser l’appareil bancaire de la société. Il me prit en main, me nomma chef du service des engagements et des risques et à Noël 1956 fondé de pouvoir de 2e rang, puis en 1960, fondé de pouvoir de 1er rang – me muta à la direction des agences comme inspecteur adjoint, puis inspecteur en 1968 et enfin sous-directeur en 1972. Ce qui me toucha le plus dans cette progression fut le témoignage que m’écrivirent dès 1959 les membres de mon équipe du service des engagements (dès la nouvelle connue) :
Avant que de gravir les marches qui vous conduiront à la direction des agences, vous élevant ainsi, sans doute, de quelques échelons dans la hiérarchie bancaire, permettez-nous d’accueillir, avec tristesse, cette décision pourtant flatteuse pour vous.
Soyez assuré de la déférente attention que nous portons à vos nouvelles fonctions et des vœux que nous formons pour vous et votre famille.
Suivent les signatures de mon adjoint Philippe Carton et de dix de mes collaborateurs et collaboratrices gradés et employés.

Non seulement des parents et des amis vinrent entendre ma soutenance mais aussi mon ancien « patron » au Crédit national, Pierre Herrenschmidt, ce qui me toucha beaucoup.

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Dans le groupe Worms, il s’était passé du nouveau à l’échelon des associés et des directions générales. M. Pierre Herrenschmidt, mon ancien directeur au Crédit national, que j’avais tant apprécié, acceptait l’offre de M. Hypolite Worms d’entrer comme associé-gérant de la société mère MM. Worms et Cie, début 1960. Il y assumait bientôt, en plus, la présidence des Ateliers et Chantiers de la Seine Maritime, et de la Société française de transports pétroliers.
Mais, pour des raisons personnelles, il allait se retirer du groupe début 1967. Comme il fut le « patron » que j’ai le plus aimé et respecté durant toute ma carrière, voici, en échange, la magnifique lettre qu’il m’écrivit alors :
9 janvier 1967
« Mon cher ami,
Il est bien vrai que nous nous connaissons assez pour qu’il n’ait pas été besoin d’échanger beaucoup de paroles entre nous. Je sais parfaitement ce qui vous manque pour que vous vous épanouissiez dans le sentiment de la concordance de l’action avec la finalité humaine, telle du moins que nous concevons celle-ci.
N’oubliez pas, tout de même, que votre place est là où des étapes successives vous ont conduit, que des hommes comme vous ont un rôle à jouer au milieu de ceux pour qui la seule efficacité est une fin en soi, et sachez qu’au-delà de l’indifférence ou des quolibets beaucoup vous rendent hommage et admirent l’indépendance de votre pensée et votre courage.
Pour garder tout cela, puissiez-vous continuer à travailler pour vous-même dans les voies qui vous attirent. Cette dure exigence vis-à-vis de vous ne manquera pas, avec l’âge, de vous mener à la sérénité.
Nous nous reverrons, bien sûr, avec joie. Ma femme se joint à moi pour vous adresser, à vous et à madame Ley nos très bons vœux pour 1967, avec nos messages très amicaux.
J’y joins pour vous personnellement l’assurance de ma fidélité.
P. Herrenschmidt. »
Monsieur Francis Ley
Directeur adjoint
Banque Worms et Cie

Mais M. Hypolite Worms était décédé au début de 1962 déjà. Il fut rapidement remplacé par son petit-fils Nicholas Clive Worms, descendant donc du fondateur de la Maison Worms en 1847 ainsi que de la famille de Lord Clive, conquérant des Indes au XVIIIe siècle.

[…]

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Tant et si bien qu’il me proposa, en février 1977, d’écrire une plaquette pour le 150e anniversaire de MM. Worms et Cie et du groupe. C’est avec plaisir que j’acceptai cette offre et pendant près de deux ans je me mis à récolter des notes et des documents un peu partout. Quand enfin le livre parut, fin 1978, sous la signature de Georges Albertini (conseiller de Maison Worms), je reçus un exemplaire ainsi dédicacé :
« À Francis Ley
Dont la collaboration a été précieuse pour la préparation de ce livre et en remerciement de son dévouement à la Maison Worms
Nicholas Clive Worms »

J’avais déjà quitté la Maison Worms en 1981 pour jouir de ma retraite quand j’eus le plaisir de recevoir un très bel ouvrage intitulé « La Maison Worms », édité en 1993, et ainsi dédicacé :
« À Francis Ley,
Qui a mis son talent d’auteur au service de la Maison avec mon cordial et fidèle souvenir
Nicholas Clive Worms »

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