"Je pris la barre du navire dans une période
qui ne le céda à aucune autre pour les difficultés."

Hypolite Worms, 1949

1914
Aide à l'implantation d'une usine à boulets à Constantinople par Foscolo Mango & Co. (mars). Grève des dockers à Bordeaux (mai-juin). Dépôt de la marque "W" identifiant les briquettes de charbon fabriquées par la Maison (juin).

Assassinat à Sarajevo de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois (28 juin)

Décès de Lucien Worms (22 juillet) ; ses parts dans le capital de Worms & Cie reviennent à son épouse, à son fils, Hypolite, et à ses trois filles.

Mobilisation générale des armées dans de nombreux pays en Europe, dont la France, au lendemain de l'assassinat de Jean Jaurès (31 juillet) ; déclarations de guerre entre les puissances de la Triple Alliance : Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman (août-octobre)... - et celles de la Triple Entente : Russie, Grande-Bretagne (et les pays du Commonwealth), France...,
rejointes par le Japon (août)

Appel sous les drapeaux des réservistes, à Paris et dans les succursales. Premier négociant français de charbon anglais, la Maison Worms, au moment de l'entrée en guerre, possède 21 succursales dans l'Hexagone auxquelles s'ajoutent les établissements d'Alger (Algérie), de Pasajes (Espagne), de Cardiff, de Newcastle et de Great Grimsby (Angleterre), de Port-Saïd, de Suez, du Caire et d'Alexandrie (Égypte) ainsi que de Buenos Aires (République argentine). 18 cargos-vapeur composent sa flotte ; ils relient régulièrement les ports français à l'Angleterre, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne et la Scandinavie. Dès l'annonce du conflit, les contrats de fourniture de charbon à Port-Saïd (dont celui avec la Marine) sont frappés de caducité ;  la forte augmentation de la demande en Cardiff, combustible approprié à la propulsion des navires de guerre, ouvre une crise et crée la confusion. Réquisition intermittente des navires de la flotte selon les besoins de l'Administration ; interruption des lignes sur la mer du Nord, l'Allemagne et la Baltique ("Listrac" se trouve ainsi bloqué à Hambourg avec son équipage).  Réquisition par l'Intendance des stocks de charbon à Marseille et à Bordeaux.

Repli du gouvernement à Bordeaux (2 septembre)

Henri Goudchaux rejoint le port girondin ; il confie la direction du siège social au jeune Hypolite Worms. Augmentation des ventes d'huile (Port-Soudan et Djeddah) ainsi que de kérosène roumain (installation d'Alexandrie) et égyptien (raffinerie de Suez) à la clientèle locale de l'Asiatic Petroleum Egypt Ltd ; charbonnage des bâtiments de guerre français auprès de Worms & Cie Port-Saïd (septembre). Mise en service du "Château-Palmer" (octobre) et du "Château-Yquem" (novembre).

A la guerre de mouvement (août-septembre) succède la guerre des tranchées
sur un front qui s'étend de la Suisse à la mer du Nord

Alors que les navires réquisitionnés assurent le transport de matières premières pour la Marine militaire et les services publics ainsi que le ravitaillement des soldats, le reste de la flotte continue à desservir les ports de l'Atlantique et de la Manche, pour approvisionner les populations civiles, en complément des chemins de fer dont l'activité est ralentie ou perturbée. Du fait de son implantation en Grande-Bretagne, la Maison participe activement à l'exportation du charbon anglais, dont le volume augmente dans des proportions considérables.

Doublement du tonnage de charbon anglais importé dans l'Hexagone, en raison de l'occupation du bassin houiller du Pas-de-Calais et de l'arrêt des importations de Belgique et d'Allemagne : à la flambée des prix s'ajoute l'inadaptation des infrastructures portuaires qui ne permettent pas de réceptionner et d'évacuer le fret vers l'intérieur

1915
Arrêt d'exploitation de la ligne entre Bordeaux et Rouen du fait de la diminution du tonnage de marchandises à transporter.  

Début de la guerre aérienne et sous-marine ;
renforcement du blocus des ports allemands par les Anglais (janvier-mars)

Retrait d'Henri Goudchaux, en raison de graves problèmes de santé. Désorganisation des échanges commerciaux provoquée par le blocus allemand ; la priorité donnée aux navires de l'Amirauté empêche de plus en plus les approvisionnements en charbon à Cardiff. Torpillage par un sous-marin allemand, entre Bordeaux et Dunkerque, du vapeur "Emma", premier navire perdu par faits de guerre (31 mars). Livraison du "Château-Lafite" ; la Marine marchande est confrontée à une pénurie du personnel navigant (avril). Reprise du transport de denrées au départ de Bordeaux (mai). Approvisionnement de la Marine en briquettes de cendres de charbon fabriquées par la Maison au Havre.

Création d'une ligne hebdomadaire entre Bristol-Swansea et Le Havre (juillet)

dont le trafic est constitué uniquement par des marchandises destinées soit au ministère de la Guerre, soit à des fournisseurs travaillant pour son compte.  Projet d'établissement d'un service de navigation en mer Baltique mis à l'étude avec la Commission pour le développement du commerce franco-russe (juillet). L'utilisation par l'armée et le ministère de la Guerre du matériel nécessaire au déchargement des navires provoque l'encombrement des ports et le paiement de surestaries par les armateurs. Entente projetée avec la Marine, le Commerce, les Travaux publics et les Chemins de fer de l'État afin de ne plus réquisitionner les vapeurs affectés au transport des charbons (octobre). Renouvellement de l'accord de pool entre les entreprises de Port-Saïd et Suez (novembre). Reprise de contact avec la Société minière du Tonkin ; cession par Paul Rouyer à Michel Goudchaux et à Georges Majoux, directeur des Services maritimes de la Maison, de la totalité de ses droits dans le capital de la société Worms & Cie, laquelle est, à compter du 1er janvier 1916, en nom collectif à l'égard d'Hypolite Worms, Henri Goudchaux, Michel Goudchaux et Georges Majoux et en commandite à l'égard de Mme Delavigne et des héritiers de Lucien Worms (décembre).

1916
Abandon de la route du canal de Suez par les compagnies hollandaises ; recherche d'une combinaison permettant à la Marine de charbonner auprès de la Maison à Port-Saïd plutôt qu'auprès de l'Amirauté britannique. Disparition du "Léoville", coulé par une mine flottante, entre Dieppe et Grimsby (19 janvier). Projet de constitution d'un stock mensuel de 8.000 tonnes de charbon pour les besoins de la Marine à Port-Saïd et manutention de ses charbonniers. Approvisionnement des usines d'éclairage et fournitures de charbon à gaz dans la région de Bayonne, Pau... Livraison du "Château-Latour" (mars).

Organisation par l'État français du marché du charbon : loi du 22 avril "sur la taxation et le transport du charbon sous pavillon français" et accord Sembat-Runciman (25 mai) sur la taxation du fret et du charbon anglais ; institution des licences d'importation et d'affrètement, création du Bureau des charbons qui adresse aux autorités anglaises les demandes d'importation
et délivre les autorisations

Difficultés rencontrées auprès du Coal Export Committee pour obtenir les licences d'exportation des charbons calibrés d'Écosse servant à approvisionner les poudreries nationales de Toulouse, de Bergerac et d'Oissel, notamment. Décès d'Henri Goudchaux, à Paris, (25 avril) : ses droits sont répartis entre son fils, Michel Goudchaux, déjà associé en nom collectif, et sa fille, Marie Labbé. Selon ses voeux, Hypolite Worms lui succède à la tête de la Maison. Renforcement du contrôle exercé en Angleterre et en France par les autorités et la douane sur les achats de charbon (juin) ; mise en application des mesures adoptées par l'Administration dans l'ensemble des succursales (juillet-août). Encombrement des docks de Cardiff. Conclusion d'un contrat avec le ministère de la Marine aux termes duquel la Maison assure un transport mensuel de 8.000 tonnes de charbon entre le Pays de Galles et le port de Brest ; projet de représentation à Copenhague de la Compagnie française de navigation ; opérations à Marseille, avec le chemin de fer andalous et en Espagne (septembre). Renseignements sur la Société minière du Tonkin transmis par James Burness & Sons (octobre). Première mention des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime dans la correspondance (novembre) et premiers achats de terrains au Trait (décembre), commune située sur la rive droite de la Seine, en aval de Rouen, où vont être édifiés lesdits chantiers navals. Cette initiative est prise à la demande du gouvernement, qui, anticipant la pénurie des navires décimés par les sous-marins allemands, et par la voix d'Anatole de Monzie, sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande et aux transports maritimes, demande à trois groupes industriels et financiers, dont Worms, de participer à la reconstruction de la flotte et à l'indépendance de la France en matière de transports maritimes.

1917
Nomination d'Hypolite Worms comme trésorier-adjoint au Comité central des armateurs de France. Renchérissement de la vie à Port-Saïd ; convention conclue avec l'État par laquelle la Maison s'engage à affecter 13 navires à des voyages entre Bordeaux et Dunkerque et à des services de cabotage entre ports français (janvier). Camouflage des bateaux de commerce français en vue de lutter contre les attaques croissantes de sous-marins allemands ; relèvement des taux de fret en Méditerranée ; établissement du "Cardiff Institute of Shipbrokers" (février). Transfer Restrictions Acts : interdiction de revendre des navires britanniques à des armateurs étrangers ; destruction par mine du navire "Michel" (19 mars) ; retards de plus en plus longs dans les livraisons de charbon à la clientèle industrielle ; épuisement des stocks dans la province d'Oran.

Révolution russe (mars-octobre), entrée en guerre des États-Unis (6 avril)
première Bataille de l'Atlantique

Lors d'une demande de renouvellement de sursis d'appel du directeur de Worms & Cie Port-Saïd, il est rappelé que la Maison fournit en Égypte les charbons nécessaires aux affrétés de l'État, à la Compagnie du canal de Suez, aux Messageries maritimes, aux Chargeurs réunis, et à "maintes autres compagnies de navigation françaises, anglaises, japonaises et hollandaises", dont elle est également l'agent maritime ; qu'elle détient l'agence générale du groupe "Shell" et assure à ce titre l'approvisionnement du pays en pétrole, mazout et essence minérale, et tout particulièrement celui des marines française et britannique, de l'armée britannique et de la base de Salonique ; qu'elle a en outre la direction administrative des concessions de pétrole de la mer Rouge (Anglo-Egyptian Oilfields) et de la raffinerie de pétrole de Suez, cette dernière ayant à fournir par contrat la totalité des besoins de la base de Salonique en essence minérale. Perte des "Château-Yquem" (30 juin), "Saint-Émilion" (24 juillet), "Sauternes" (5 août) et "Thérèse-et-Marie" (9 août). Création du Comité des Cinq, composé des directeurs de la Compagnie générale transatlantique, des Messageries maritimes, des Chargeurs réunis, des Affréteurs réunis et de Worms et Cie, et chargé d'assister le sous-secrétaire d'État dans toutes les questions se rapportant aux transports par mer (14 juillet). Accord entre Worms & Cie Bordeaux et l'Amirauté anglaise au sujet des manutentions. Transfert des opérations sur marchandises (pour compte de la Marine notamment) à des filiales spécialisées, du fait de l'importance croissante de ces activités, qui ne permet plus leur exploitation par les succursales portuaires : fondation de la Compagnie charbonnière des appontements de Bassens et de Lagrange (près de Bordeaux), dédiée à la manutention et au transbordement de matières pondéreuses et de marchandises diverses dans les ports français et étrangers (juillet) ; entrée au capital de Basile Have et Cie (Rouen), lors de la transformation de cette commandite en société anonyme, rebaptisée Compagnie charbonnière de manutentions et de transports (août). Prise de contrôle complet par l'Administration de la réception à Dieppe et de la distribution des charbons domestiques dans les départements limitrophes (août). Participation à la formation de la Société commerciale du canal de Tancarville, ayant pour but l'étude et l'exécution de tous travaux à effectuer dans les ports du Havre et l'estuaire de la Seine (septembre). Interdiction de transférer le pavillon et de vendre des navires français à l'étranger. Le contrat conclu avec la Marine en vue d'assurer entre le Pays de Galles et le port de Brest un transport mensuel de 8.000 tonnes de charbon est ramené à 6.000 tonnes en raison du grand nombre de navires Worms torpillés ou coulés par mines (novembre). Entrave aux opérations de transbordement pour le compte du gouvernement français à Port-Saïd due à la participation de la succursale aux besoins militaires et commerciaux du port (décembre). Mandat confié par la Marine aux termes duquel la Maison met à la disposition de cette administration son organisation dans tous les ports du Royaume-Uni comme agent général pour la prise immédiate des vapeurs alloués à la France par le Comité interallié et leur gérance jusqu'au moment où ils seront rétrocédés en time charter (28 décembre).

Fondation des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime,
troisième département de la Maison Worms

La création en pleine campagne des Chantiers du Trait - c'est-à-dire à la fois l'aménagement du site industriel (équipé de huit cales de construction, d'ateliers de tôlerie, de chaudronnerie, de mécanique, de menuiserie, etc.) et la transformation du village d'origine en une cité pourvue d'une infrastructure, de logements, de commerces, etc., adaptés à l'accroissement de la population, est menée sous la conduite de Georges Majoux. L'apport de main-d'oeuvre et la mise en place des installations se poursuivront en 1918 et durant l'immédiat après-guerre.

1918
Affrètement de navires pour des transports de poteaux de mines Bordeaux-Manche de Bristol pour le compte de la Marine marchande ; signature d'une nouvelle convention avec l'État aux termes de laquelle la Maison s'engage à affecter 10 navires à des voyages entre Bordeaux et Dunkerque et au cabotage entre ports français ; importation de charbon à Rouen pour les services publics de Paris, et, en particulier pour les secteurs électriques ; torpillage du cargo "Barsac" en rade du Havre  (11 janvier 1918) et du "Château-Lafite", à Penmach (12 janvier). Consignation au Havre des navires d'American Metal Transport & Cy, de New York ; participation à la fondation de la Société d'études industrielles et commerciales (février). Développement des affaires (affrètements de navires et charbonnage) pour l'Afrique du Sud, le Mozambique (Delagoa Bay) et Ceylan (Colombo) en lien avec les Messageries maritimes (mars). Entrée d'Hypolite Worms au comité exécutif des Transports maritimes, qui réunit les présidents des principaux armements commerciaux français (30 avril). La Maison offre à la Marine d'organiser des services de cabotage entre Dunkerque et Bayonne (mai). Remise en question du système des licences par groupement d'importateurs et du rôle imparti au Bureau national des charbons (juillet). Disparition du "Pontet-Canet" au nord des Sept-Îles (25 août 1918). Gérance des 3 vapeurs de la Société nantaise d'éclairage & de force par l'électricité correspondant à un ravitaillement de 50.000 tonnes par an (septembre).

Création, à la demande de la Marine et depuis la Maison de Port-Saïd,
d'une succursale et d'un dépôt charbonnier à Beyrouth (octobre-novembre)

en vue de ravitailler les flottes française et alliées lors du débarquement en Syrie ainsi que de participer au développement économique de la région : prospection de la clientèle de Prince Line Ltd et de Ellerman Line.

Signature d'un armistice entre la France et l'Allemagne (11 novembre),
dont la capitulation marque la fin de la guerre

En dépit de la réquisition de certains navires et de la destruction de 10 de ses unités, la Maison réussit à maintenir un trafic aussi régulier que possible entre les ports de l'Atlantique et de la Manche, remplissant ainsi un rôle prédominant dans le ravitaillement des populations civiles et des industriels ; de cette période, date la création de la "ligne du canal de Bristol", reliant Le Havre et Caen à Bristol, Swansea et Newport. Épousant le mouvement de hausse générale des exportations de charbon anglais, les tonnages transportés et vendus en France et en Égypte (au Havre et à Port-Saïd notamment) crurent dans des proportions inégalées. L'approvisionnement de la flotte de guerre « à des conditions très avantageuses » pour l'État valut à Hypolite Worms d'être décoré de la Légion d'honneur (12 février 1923). Fondation du Consortium économique agricole et forestier de la Russie et de la Pologne, sous les auspices du ministère de l'Agriculture et du Ravitaillement, et dont Hypolite Worms est membre du premier conseil d'administration. Reprise du trafic entre Bordeaux et la Hollande, le Danemark, la Suède et la Norvège (décembre).