1940.11.03.De Rudy Cantel - Paris-Soir.Article

NB : Cet article est également compris dans le recueil de coupures de presse datées du 17 octobre 1940 au 21 décembre 1941, qui est classé au 17 octobre 1940.

Supprimons les trusts (4)
Les responsables de notre défaite ne doivent plus diriger l'industrie française
par Rudy Cantel

Nous avions terminé notre dernier article en demandant que des mesures soient prises pour faire connaître les hommes responsables d'avoir laissé l'Angleterre mettre la main sur la plus grande partie de notre flotte de commerce.
Nous attendions des mesures. Elles ne sont pas venues.
Nous demandions pourquoi M. Hypolite Worms, par exemple, qui fut chef de la délégation française à Londres pendant la guerre 39-40, pouvait encore exercer une activité quelconque.
Hypolite Worms et consorts naturellement : Jacques Barnaud, entre autres, associé du trust Worms, inspecteur des finances, qui après avoir été le bras droit de M. Bouthillier, a été nommé, il y a quelque temps, directeur du cabinet de M. Belin, ministre de la Production industrielle et du travail.
Rappelons que M. Barnaud, à son titre d'associé de la maison Worms, joint ceux d'administrateur du Crédit colonial avec MM. Baudouin et du Moulin de Labarthète, d'administrateur d'Air France en compagnie de M. Baudouin et d'administrateur de la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage avec M. Ernest Mercier.

Les Français sont à bout de patience

Le trust Worms possède de nombreuses attaches en haut lieu, nous le savons. Il faut que la masse entière des Français n'oublie pas que c'est grâce à ces gens que l'Angleterre a pu s'emparer de notre marine marchande.
Croit-on que les Français qui sont en train de refaire une France nouvelle et propre vont tolérer que les profiteurs de l'ancien régime puissent recommencer ? S'ils ont cru pouvoir continuer, ils se sont trompés. La patience a des limites et le peuple de France et à bout de patience.
Nous posons la question nettement : pourquoi M. Louis Vignet, un des directeurs du trust Worms, ex-attaché au service de MM. Blum-Picard et Weil, ex-chef du service de la répartition en France pendant la guerre de 1939-40, a-t-il été désigné ces jours derniers comme membre du comité restreint de l'organisation et de la corporation charbonnière, et président du Syndicat central des importateurs et négociants en charbon ?
Pourquoi M. Jacques Guérard, inspecteur des finances, ex-collaborateur du trust Worms, imposé par Hypolite Worms à la tête de la Préservatrice lorsqu'il renfloua l'affaire, a-t-il été nommé, par décret du 11 octobre 1940, "président du comité d'organisation de l'industrie, des assurances et de capitalisation", rattaché au ministère des Finances ?
Pourquoi ce même Jacques Guérard était-il directeur du cabinet de M Beaudouin depuis le 18 mai 1940 ?
Pourquoi M. Duret, directeur général de la SFTP (du trust Worms), ancien directeur de la compagnie Worms, à Dunkerque, est-il toujours membre du comité central des armateurs de France ?
Pourquoi M. Hypolite Worms, lui-même, est-il encore trésorier et membre du conseil exécutif du comité central des armateurs de France ? On ne doit pas ignorer pourtant, qu'au mois de juin dernier, M. Hypolite Worms critiquait violemment la politique du maréchal Pétain au sein du comité replié à Nantes.
Pourquoi le directeur adjoint des Transports maritimes, à Vichy, M. Gardanez, était-il directeur de la Nouvelle compagnie havraise (société contrôlée par Worms) et conseiller de M. Rio ?
Et les "accords Worms" du comité franco-anglais de coordination ?
Faut-il citer encore M. Fenez, un des chefs de service de la Socap (du trust Worms) qui était attaché, à Londres, à la mission des charbons ?
Faut-il citer M. Morgan, beau-frère d'Hypolite Worms, actuellement à Cardiff, également à la direction des charbons ?
N'oublions pas que M. Hypolite Worms contrôle plusieurs milliards de l'activité française dans des groupements innombrables, des compagnies de navigation dont nous avons déjà donné la liste, des sociétés de pétrole, de charbon, de transports, de manutention, de stockages et d'assurances.
Tous ces faits suffisent à éclairer l'action d'Hypolite Worms à la marine marchande. Il est temps de faire toute la lumière sur l'activité qu'il déploya pendant la guerre, lorsqu'il était délégué à Londres. Notamment il serait intéressant de faire connaître le texte des accords conclus par le comité franco-anglais de coordination. Les "accords Worms" sont précisément ceux qui ont abouti à la mise sous tutelle britannique de notre flotte marchande.
Nous demandons que tous les responsables de notre défaite se retirent. Les demi-mesures suffisaient peut-être avant la guerre pour contenter une partie de l'opinion publique. Nous savons où cela nous a conduits.
Il faut que tous les membres de tous les trusts, du trust Worms pour commencer, cessent d'occuper des fonctions leur permettant de continuer à exercer leur activité néfaste, soit directement, soit indirectement en usant de leur influence pour protéger leurs complices.
Les trusts doivent disparaître, ainsi que leurs créatures... et leurs prébendiers.

Rudy Cantel


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