1940.07.26.Du secrétaire d'État aux Affaires étrangères.Au secrétaire d'État à la Marine.Vichy

Copie de lettre

Le PDF est consultable à la fin du texte.

12/R.B.

Vichy, le 26 juillet 1940

Relations commerciales

Très urgent

Le ministre secrétaire d'État aux Affaires étrangères
A Monsieur l'amiral de la flotte, secrétaire d'État
à la Marine, commandant en chef les Forces maritimes françaises

(F.M.F.4)
Attitude à observer vis-à-vis des navires neutres dans les ports français

J'ai l'honneur de me référer aux échanges de vues qui ont eu lieu entre nos Services concernant la lettre que vous m'avez adressée le 11 juillet au sujet des navires britanniques et des navires neutres se trouvant actuellement dans les ports français.
Ainsi que vous le savez, j'ai répondu à cette communication par une lettre du 14 juillet de laquelle il résulte :
1°) que les navires britanniques doivent être momentanément retenus en attendant que d'autres dispositions soient prises à leur égard ;
2°) que les navires des puissances neutres doivent en principe être laissés libres de continuer leur route ;
3°) que ceux des puissances belligérantes (belges, néerlandais, norvégiens et polonais) doivent également être laissés libres de continuer leur route.
Les services se sont fondés pour justifier cette thèse sur les dispositions de la convention d'Armistice qui ne visent que les navires français et sur le fait qu'avant les incidents franco-britanniques, des navires anglais ont été autorisés à quitter nos ports, ce qui entraîne pour nous l'obligation de réserver le même traitement aux navires des autres belligérants comme la Pologne, la Norvège, les Pays-Bas et la Belgique. En ce qui concerne les navires neutres, j'indiquais qu'il y aurait de sérieux inconvénients, notamment du point de vue ne notre ravitaillement, à les garder dans les ports français, même s'ils sont affrétés par la Grande-Bretagne ou à destination des ports anglais.
J'ai l'honneur de vous faire savoir que les indications qui précèdent me paraissent devoir être aujourd'hui modifiées, compte tenu des dernières précisions qui m'ont été fournies par la communication de M. Worms, en date du 18 juillet et que je vous ai récemment transmises.
Ainsi que vous le savez, les conversations que M. Worms a eues à Londres avec les représentants du "Shipping" ont abouti, le 5 juillet, à un accord transférant à la Grande-Bretagne tous les navires affrétés pour compte français, à l'exception des navires neutres sur trafic franco-colonial, dont la situation devait être ultérieurement réglée. Après plusieurs jours de négociations concernant les navires affectés à ce trafic, le "Shipping" a exigé que ces derniers fussent également transférés à la Grande-Bretagne.
M. Worms me précise toutefois et je crois devoir appeler toute votre attention sur ce point, que si le "Shipping" avait accepté de renoncer au transfert des navires affectés au trafic franco-colonial, cette position technique n'aurait nullement préjugé de l'attitude qu'adoptera le gouvernement britannique en ce qui concerne la question générale du trafic par mer entre la France et ses possessions. Cette question de principe est du ressort du "Foreign Office" et ne peut être tranchée que par lui.
En d'autres termes, il existe deux problèmes nettement distincts : celui du transfert des navires neutres sur trafic franco-colonial, actuellement dans les ports français, et celui, beaucoup plus important, de la liberté des communications maritimes entre la France et son empire. Le fait de garder dans nos ports les navires neutres affectés au trafic colonial ne paraît devoir nous conduire qu'à payer aux armateurs les frais résultant des contrats restant à notre charge, sans obtenir de ces navires des services correspondants, puisque, en l'absence d'une décision du "Foreign Office", ceux-ci risquent d'être arrêtés par les croi­sières anglaises, après leur sortie des ports français.
Pour faire pression sur nous, le "War Risk Committee" avait fait résilier toutes les polices couvrant ces navires.
M. Worms a obtenu de cet organisme, avant son départ de Londres, qu'il maintienne les assurances afférentes à ces navires pendant 30 jours. Ce laps de temps permettra à M. Worms de venir exposer la situation aux autorités françaises, de manière que celles-ci puissent prendre une décision en connaissance de cause.
Dans ces conditions, vous estimerez sans doute comme moi-même qu'il y a lieu de retenir dans les ports français métropolitains et coloniaux les navires neutres affectés au trafic franco-colonial qui s'y trouvent actuellement jusqu'au moment où à la suite des explications de M. Worms, les autorités compétentes auront pris une décision en ce qui les concerne. Si cette décision qui devrait être prise avant le 18 août prochain, est favorable à la relaxe des navires neutres sur trafic franco-colonial, actuellement dans nos ports, le "Shipping" britannique les prendra en charge et, conformément à ce qu'a pu obtenir M. Worms, assumera les frais de location et d'assurances de ces navires à compter de la date de leur départ des ports français métropolitains et coloniaux.


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